Grottes et karsts de Chine... Sur les traces de Xu Xiake
Gebihe 89 Sommaire

Chapitre 9 LES REMPLISSAGES KARSTIQUES

Richard Maire

Résumé -Abstract -Zusammenfassung -: Les remplissages karstiques étudiés sont :  les concrétionnements (spéléothèmes et travertins), les dépôts détritiques indurés (conglomérats) et la grande séquence détritique souterraine de Dadong (Wufeng/Hubei). Les spéléothèmes des karsts subtropicaux de Chine sont très développés dans les réseaux fossiles étagés. Ils constituent des enregistreurs du milieu. Les morphologies (ex : calcites columnaire, saccharoïde engrenée, en mosaïque) et structures cristallines (ex : structures microstromatolitique, peloteuse, oncolitique) sont des indicateurs qui renseignent notamment sur les conditions de l'infiltration. Les contaminations détritiques (grains de sols, hydroxydes, poussières éoliennes) sont des indicateurs du soutirage des sols, c'est-à-dire de déstabilisation de la couverture végétale et pédologique (rhéxistasie). La distribution des 58 datations isotopiques U/Th montre un concrétionnement abondant au cours du Pléistocène supérieur, notamment pendant l'Eemien. Toutefois, il semble y avoir une formation relativement continue des spéléothèmes.
 La consolidation des remplissages détritiques (brèches, poudingues) permet leur conservation. L'étude pétrographique des éléments du squelette renseigne sur l'origine des matériaux et le bassin-versant d'origine. Les ciments calcitiques sont variés : travertineux (touffes de cristaux aciculaires), saccharoïde engrenée, micritique... Les conglomérats fluviatiles, situés à différents niveaux (ex : Daxiaocaokou/Zhijin-Guizhou), sont des témoins de l'enfoncement de la karstification avec la surrection tertiaire.
La séquence rythmée de Dadong, épaisse de 20 à 25 m, est localisée dans un niveau fossile de la grotte-perte de Dadong (+ 100 m) (Wufeng, Hubei). Elle présente une alternance de lits de graviers et de couches de limons varvés. Cet ensemble sédimentaire est un enregistrement du régime hydroclimatique régional et témoigne d'une rupture climatique s'étalant sur plusieurs siècles ou plusieurs millénaires. L'abondante coloration rouge de la matrice  des graviers et des varves ?hydroxydes provenant de l'altération pédologique de l'Ordovicien schisteux ?indique une érosion et un soutirage des sols. Ce processus a dû être initié par un climat aux saisons sèches et humides très contrastées.

Mots-clés : remplissage karstique, concrétionnement, spéléothème, travertin, datation U/Th, dépôt détritique, conglomérat, brèche, limon, séquence, varve, enregistreur, indicateur, sol, altération, érosion, rupture climatique, paléoclimat.



INTRODUCTION

Les abondants remplissages des cavités subtropicales de Chine constituent des témoins de l'évolution souterraine. On étudie successivement les spéléothèmes et travertins, les remplissages détritiques indurés (brèches, conglomérats) et une grande séquence détritique rythmée  (coupe de Dadong/Wufeng-Hubei). Les morphologies cristallines et les contaminations des spéléothèmes et des ciments des conglomérats sont étudiés sur lames minces. L'interprétation des datations U/Th et de la composition chimique des concrétionnements est effectuée dans un cadre géomorphologique.
 La relation endokarst-exokarst, notamment avec le soutirage des sols et leur piégeage souterrain, est un phénomène majeur qui renseigne sur les ruptures climatiques en zone subtropicale. Spéléothèmes et séquences détritiques jouent ainsi le rôle d'enregistreurs du paléoenvironnement régional au niveau du régime hydroclimatique (types de cristallisation, granulométrie) et de la couverture bio-pédologique (contamination en sols rouges).

I. LES CONCRÉTIONNEMENTS KARSTIQUES (Spéléothèmes et travertins)

Dans les karsts subtropicaux de Chine méridionale et centrale, les concrétionnements souterrains sont abondants dans les réseaux "fossiles", c'est-à-dire inactifs et perchés à différents niveaux au-dessus des réseaux actifs. La dimension de certains piliers stalagmitiques (jusqu'à 15 à 20 m de diamètre), leur situation géomorphologique dans des tunnels perchés et leur état d'altération sont des éléments qui témoignent de leur ancienneté. Mais il peut exister des coulées stalagmitiques de très grandes dimensions, encore actives, comme dans la salle des Miaos du réseau aval de la Gebihe (fig. 36, p. 53).
 Lors de l'expédition franco-chinoise de 1986, 58 datations U/Th ont été effectuées par l'Institut de Géologie de Pékin. Plusieurs échantillons montrent un âge supérieur à 350 000 ans qui est la limite de la méthode (ZHANG SHOUYUE et BARBARY, 1988, p. 82-84).
Compte tenu de leur situation géomorphologique, l'intérêt de ces spéléothèmes réside dans leur étude micromorphologique qui permet de dresser un portrait du paléoenvironnement au moment de leur formation. Les concrétionnements karstiques sont de remarquables enregistreurs du milieu naturel car ils répondent immédiatement aux changements bioclimatiques. Leur étude, en zone tropicale, est encore au stade exploratoire.
Les concepts d'enregistreur et d'indicateur du milieu :
Certains caractères de l'environnement naturel sont enregistrés par les spéléothèmes et les travertins. Faisons bien la différence entre l'enregistreur, représenté par la concrétion, et l'indicateur figuré, par exemple, par la contamination pédologique ou la structure cristalline.
Comme les concrétions karstiques sont des relais chimiques, l'enregistrement est indirect, mais son avantage est d'être instantané à l'échelle géologique et climatique. Par comparaison, les sols sont des enregistrements directs, mais retardés à cause des transformations chimiques liées à l'altération des matières minérales et organiques.
Les spéléothèmes enregistrent ainsi les conditions hydrologiques de l'infiltration (ex : fabriques et structures cristallines indiquant la vitesse de précipitation), voire de l'écoulement général de la cavité (ex : phase d'érosion torrentielle). Ils enregistrent aussi et surtout les périodes de stabilité et d'instabilité de la couverture végétale et pédologique par l'absence ou l'abondance des contaminations provenant du soutirage des sols. Enfin, ces dépôts chimiques ne prennent toute leur signification que lorsqu'ils sont associés, en alternance, avec les remplissages détritiques.- ^ -

A. LES MORPHOLOGIES CRISTALLINES DES SPELEOTHEMES

La pétrographie des spéléothèmes de la zone tropicale est encore moins connue que celle des spéléothèmes du domaine tempéré. Or cette étude est importante pour comprendre la signification environnementale du concrétionnement (MILLS, 1965 - MAIRE, 1990, p. 456).
La pétrographie des spéléothèmes des grottes subtropicales de Chine, notamment dans le Guangxi et le Guizhou, a fait l'objet de quelques travaux. Par exemple, dans la grotte de Xiniu (Zhenning/Guizhou), QIU YUNXIN (1984) a mis en évidence plusieurs types de calcite que nous avons également observés : columnaire, en petites touffes, granulaire. Il envisage les problèmes de recristallisation et le rôle de l'ion magnésium dans les morphologies cristallines. Les substances argileuses constituent un obstacle à la recristallisation et à la croissance des cristaux, d'où une structure microcristalline.
Des lames minces ont été fabriquées à partir d'échantillons de stalagmites, stalactites, coulées, planchers, perles... provenant de cavités variées du Guizhou, du Sichuan et du Hubei. Distinguons successivement les fabriques cristallines (ex : la calcite columnaire) et les structures ou séquences de cristallisation (ex : les structures microstromatolitiques). Nous ne reviendrons pas sur l'expression de structure bandée qui regroupe toutes les structures rythmés, de loin les plus fréquentes, compte tenu de la succession des microséquences de croissance.
Rappel méthodologique : il ne faut pas perdre de vue que le changement brutal d'échelle, de l'oeil nu ou la loupe au microscope (optique, électronique) pose des problèmes d'interprétation. Dans un premier temps, il importe  d'observer l'organisation morphologique à l'échelle de toute la lame mince. Une technique simple consiste à projeter, soit directement la lame mince (montée sous cache), soit la diapositive de la lame (photogramme). Cela permet d'avoir une vision d'ensemble, pour un grossissement modéré, pouvant aller de 20 à 50 fois.

1. Les fabriques cristallines

Les fabriques cristallines désignent les types de cristallisation de la calcite. Dans les spéléothèmes des karsts subtropicaux de Chine, on retrouve les grands types d'organisation cristalline décrits ailleurs dans le monde. L'observation au microscope polarisant montre au moins six grands types différents.
* La calcite columnaire (ou palissadique) est un type fréquent désignant les cristaux allongés et parallèles, en colonnettes. Elle correspond à une cristallisation rapide. En coupe transversale, la calcite columnaire se présente selon une mosaïque.
*La calcite aciculaire en faisceaux correspond à des aiguilles non parallèles disposées en touffes. Ce faciès caractérise certaines structures à participation biologique (microstromatolites).
* La calcite saccharoïde engrenée est constituée par l'interpénétration ou engrenage de cristaux, généralement de grande taille (de 100 µm à plus de 1 mm), donnant une structure de type granoblastique. Ce type est fréquent.
* La calcite en mosaïque à petits cristaux est caractérisée par des cristaux, souvent de petite taille (microsparite), agencés en mosaïque. Il y a juxtaposition des parois cristallines et non engrenage.
* La calcite sparitique secondaire correspond à une cristallisation secondaire, de nature sparitique (gros cristaux), dans les pores de dissolution. Elle est donc fréquente dans les concrétions altérées.
* La calcite microcristalline (ou micritique) caractérise les structures finement rythmées. Cependant, à une autre échelle, ces petits cristaux s'agencent pour former de grands cristaux qui traversent les structures rythmées dans le sens de la croissance (phénomène visible en lumière polarisée).

2. Les structures ou séquences de cristallisation à participation biologique

Les fabriques cristallines s'organisent généralement en structures répétitives, zonaires, formant des séquences de cristallisation. Les structures à participation biologique sont différentes, de type microstromatolitique et oncolitique, mais également "peloteuses". Elles concernent aussi bien les planchers et coulées stalagmitiques que les concrétions "phytokarstiques" (calcins) situées dans les entrées de grottes.

a) Les structures "peloteuses" des concrétions phytokarstiques :

Ces spéléothèmes en bourgeons, de type calcin, se développent dans les entrées de cavités et croissent en direction de la lumière et non en fonction de la gravité. ZHANG SHOUYUE (1988, p. 87) a montré que le phytokarst se developpe dans la zone intermédiaire de lumière, entre l'entrée et la zone obscure. Une participation algaire, faisant intervenir la photosynthèse, est probable. De nombreux exemples ont été observés et des échantillons ont été prélevés, notamment à la Gebihe (Ziyun/Guizhou), Santang (Zhijin/Guizhou) et à Tenglongdong (Lichuan/Hubei). Observons des lames minces fabriquées sur deux échantillons pris dans le grand puits d'effondrement de 370 m de la Gebihe (base du ressaut de 40 m) (fig. 102, p. 159).

* Echantillon GB 493/3c (photo 30) : Sur un substrat de calcaire gris à foraminifères du Carbonifère (biomicrosparite), on observe un enrobage de plusieurs millimètres d'épaisseur (jusqu'à 10 à 20 mm) de teinte beige-marron. Cette masse plasmique présente une structure peloteuse. sans orientation nette. Pris dans la masse, on distingue de rares tests de mollusques et quelques éléments de calcaire très corrodés provenant de la biocorrosion du substrat. La surface de ce dernier est en effet très irréguliere, gris-brun et fortement corrodée (vacuoles de dissolution) ; des fragments prêts à se détacher confirme l'existence d'un front de corrosion.

* Echantillon GB 493/3d (photo 31) :  Cette lame mince montre un faciès plasmique marron et peloteux en enrobage sur une concrétion microstromatolitique gris-beige. Comme dans le précédent exemple, la masse amorphe marron corrode et infiltre le substrat. Ce dernier est représenté ici par une concrétion à bourgeons ?petits faisceaux de cristaux aciculaires de 1 mm de large sur 3 mm de long ?de nature microstromatolitique. L'enrobage plasmique sombre ne présente pas d'orientation ; un fragment de test de mollusque est pris dans la masse. Une calcite sparitique blanche occupe des fissures intraplasmiques et des vides situés entre l'enrobage marron et la concrétion stromatolitique comme si le front de corrosion était inactif.

* Genèse des concrétions phytokarstiques : L'échantillon GB 493/3c montre qu'il y a corrosion et "digestion" de la roche, c'est-à-dire réincorporation des carbonates sous une forme plasmique à structure en pelotes. En raison du phototropisme, la corrosion est de nature biologique (algues, mousses) et s'effectue par les micropores du calcaire. La roche, en voie de digestion, devient grise, puis brune. La progression du front biochimique provoque l'incorporation dans le plasma de grains de roche non complètement digérés (fantômes). Ce concrétionnement très original est donc le résultat d'une corrosion biochimique et d'une reprécipitation in situ sous forme amorphe ou pseudo-amorphe. Lorsque le front de corrosion n'est plus actif, les fissures de rétraction se remplissent de calcite sparitique ou aciculaire (échantillon  GB 493/3d).

b) Les structures bandées microstromatolitiques :

Les structures bandées et ondulées, en bourgeons, de type microstromatolitique, ont été décrites dans les cavités alpines et pyrénéennes où elles demeurent peu courantes (MAIRE, 1990, p. 458). En revanche, dans les karsts chinois étudiés, ce faciès est fréquent. Sa morphologie laisse supposer une participation biologique, sinon algaire, bactérienne et/ou mycélienne. Observons en lame mince une série d'échantillons du Guizhou, du Sichuan et du Hubei. Deux familles de structures ont été reconnues, l'une finement rythmée, l'autre en touffes et bourgeons.

* Les structures microstromatolitiques finement laminées :
Ces structures sont caractérisées par un aspect finement varvé et ondulé sans bourgeonnement et calcite aciculaire en touffes.

Echantillon Yi 497/14 : Celui-ci a été prélevé à l'extérieur, à 3 m de  l'entrée de la grotte de Jinshidong, dans le karst situé au NNW de Yichang (Hubei). Il s'agit d'un plancher érodé subsistant en paroi, dans la galerie décapitée proche de l'orifice de la grotte. On observe une série de séquences finement rythmées et ondulées, de 1 à 3 mm d'épaisseur chacune, séparées par des niveaux beige-orange, contaminés par des limons fins et des colloïdes. Dans chacune des microséquences à faciès microstromatolitique, les lamines mesurent entre 20-30 µm et 100-150 µm de large, et sont constituées par une calcite microcristalline. En revanche, on ne voit pas de calcite aciculaire en touffes.

* Les structures microstromatolitiques à bourgeons laminés :
Ces structures sont caractérisées par des séquences de bourgeons finement laminés. Selon la dimension des lamines, la calcite peut être microcristalline (micrite ou microsparite) ou en touffes de cristaux aciculaires (200 µm à 1 mm).

Echantillon GB 493/5d (photo 33) : Cet élément de coulée stalagmitique provient de la Gebihe (Ziyun/Guizhou), de la base du ressaut de 40 m (près du four à nitrate), dans le puits de 370 m. La concrétion s'est développée sur des limons et sables fins indurés. Le premier  horizon, épais de 4 à 7 mm, est formé par une calcite palissadique à base saccharoïde. Le second horizon, de 10 à 12 mm, est constitué par des bourgeons grossièrement laminés et fortement contaminés par de fins éléments détritiques. L'ensemble est fortement corrodé, avec de la calcite sparitique blanche en remplissage secondaire.

Echantillon DAD 518/a : Cette stalagmite massive, recouverte de bourgeons, a été prélevée dans un niveau fossile de la grotte de Dadong (Wufeng/Hubei), après la grande coupe de varves. On observe un coeur de calcite palissadique, à structure bandée, se continuant au sommet par des bourgeons mesurant 2-3 mm à 10-20 mm de large. Ces bourgeons sont constitués par une succession de fines lamines claires et sombres, véritables varves de calcite microcristalline. L'épaisseur des lamines va de 20-30 à 50-100 µm. La partie terminale des bourgeons est recouverte par une séquence de grosses lamines, de 0,5 à 1 mm d'épaisseur, formées par des touffes de calcite (ou aragonite ?) aciculaire. Localement, des lamines de calcite aciculaire sont présentes dans les séquences varvées.

 La datation U/Th du coeur de l'échantillon donne un âge de 12,6 ka (+ 0,4/- 0,3). La teneur en uranium est élevée (6 ppm). Le rapport 230Th/232Th indique une légère contamination détritique. (analyses : CERAK/Mons).
Echantillon DAX 502 : Ce plancher corrodé a été prélevé en surface (cavité recoupée), à proximité du gouffre de Daxiaocaokou (Zhijin/Guizhou). On observe une succession de bandes de calcite blanche et de calcite beige-marron contaminée. Le sommet se termine par une bande sombre de calcite microstromatolitique constituée de plusieurs couches de calcite aciculaire en petites gerbes de 1 à 2 mm de haut. L'échantillon DAX 498/10d présente une structure similaire (photo 32).

* Interprétation : Ces structures microstromatolitiques sont formées  par une lamination comprenant soit des microcouches de calcite microcristalline, soit des couches plus épaisses à calcite aciculaire se présentant en touffes ou faisceaux. Ces lamines forment soit des micro-ondulations inférieures à 200 µm, soit des bourgeons et choux fleurs pouvant atteindre 0,3-0,5 mm à 5-10 mm ou plus. Les bourgeons à calcite aciculaire en touffes forment donc une lamination plus lâche, les aiguilles mesurant au minimum 200 à 300 µm de long.

3. Les structures oncolitiques et les perles

Ces structures désignent des formes concentriques comprenant les "perles" de cavernes et différents types de formes subcirculaires à noyaux divers.

a) Etude de quelques exemples :

* Echantillon LD 511/c : Cette "perle" de calcite presque circulaire, de 28 mm de diamètre, a été prélevée dans le réseau de Dadong (Wufeng/Hubei), dans un affluent actif de rive droite. En lame mince, on observe un nucleus de 5 mm x 3 mm constitué par des sables et grains ferrugineux, et entouré par un ruban de calcite sparitique en mosaïque. Le corps principal de la perle est formé par des lamines concentriques à micro-ondulations. Cette structure rythmée s'efface au niveau de grandes plages de calcite saccharoïde engrenée. L'ensemble est recouvert par une fine séquence varvée, de 1 mm d'épaisseur,  comprenant une trentaine de lamines sombres (20-30 µm pour les plus fines) et claires (50 µm pour les plus épaisses). On observe une légère pollution détritique dans la masse du corps principal laminé (grains de 100 à 300 µm).

* Echantillon 514/1a : Cet élément subrectangulaire a enrobage bourgeonnant a été prélevé dans la grotte fossile perchée de Feirendong, près de Dadong (Wufeng/Hubei) (fig. 66, p. 91). Le noyau est formé par  un fragment de plancher stalagmitique de 23 mm x 35 mm recouvert par un concrétionnement pollué, de teinte beige-marron, d'épaisseur irrégulière (0,5 à 10 mm). La structure de l'enrobage est constituée par des niveaux bourgeonnants à faciès stromatolitique. La calcite, sans doute microcristalline, cimente une boue limoneuse. La partie externe est formée par une couche (2 mm) de calcite sacharroïde légèrement bandée.

* Echantillon GB 493/4e : Celui-ci provient du puits de 370 m, sous le ressaut de 40 m, dans le réseau de la Gebihe (Ziyun/Guizhou). Il s'agit d'une brèche constituée par des oncolites et un ciment détritique beige à marron corrodé et recimenté par de la calcite sparitique en mosaïque. Les oncolites, de forme irrégulière (10 mm x 15 mm), sont constitués par un noyau de roche altérée recouvert par des anneaux sombres à bourgeons, de nature microstromatolitique. L'intérieur du noyau présente des vacuoles de dissolution à remplissage de calcite sparitique.

b) Genèse des perles :
Les perles de cavernes des karsts chinois (Guangxi, Guizhou) ont déjà fait l'objet de travaux scientifiques. MEI ZHENGXING (1985) souligne l'intérêt de ces spéléothèmes pour l'étude de l'environnement de la cavité au niveau de la paléohydrologie et du paléoclimat. Il distingue quatre types en fonction de leur morphologie et de leur évolution. L'analyse chimique indique un taux d'insolubles (SiO2, argile) de 0,5 à 4 % environ. Fe2O3 et Al2O3 sont en proportions notables, soit 0,26 à 1,70 % et 0,73 à 2,88 %. Un échantillon contient jusqu'à 19 % de magnésium (MgO). Manganèse, potassium et sodium sont généralement en très faibles proportions. D'après quelques datations 14C, leur formation remonte à l'Holocène (3100 à 6600 ans BP), à une période où le climat devait être un peu plus chaud et humide.

4. Les structures en mosaïque

La calcite en mosaïque occupe rarement la masse d'une concrétion. Mais il peut exister des spéléothèmes entièrement constitués par de la calcite ou du gypse en mosaïque. Dans le cas du gypse, il s'agit de la variété saccharoïde.

* Echantillon LD 505/b : Ce plancher de gypse, très blanc, a été prélevé dans "Gypsy Room", salle située au fond du réseau de Longdong (Wufeng/Hubei) et dans laquelle on observe également des stalactites et de grandes aiguilles de gypse. En lame mince, on observe une masse de petits cristaux disposés en mosaïque, sans engrenage. Les cristaux sont hexagonaux, rectangulaires ou lenticulaires ; la juxtaposition n'étant pas parfaite, il existe de fréquents vides intercristallins. Les plus petits, de 20 à 30 µm de large, forment des bandes grises peu marquées (contamination détritique très fine). Le reste est constitué par des cristaux de 50 à 250 µm. - ^ -

B. ALTERATION ET CONTAMINATION DES SPELEOTHEMES

Les spéléothèmes de calcite observés dans les cavités sont variés : stalagmites, piliers, stalactites, coulées, draperies, perles... Certains sont massifs, actifs ou non, et non altérés. D'autres, abondants dans les niveaux fossiles, sont profondément corrodés dans leur masse et plus ou moins contaminés par des microdébris détritiques.

1. Les phénomènes d'altération

Les phénomènes d'altération, dus à une corrosion interne, sont fréquents dans les spéléothèmes anciens situés dans les galeries fossiles. Dans ces conditions, le système chimique s'ouvre et il se produit un échange avec l'extérieur, d'où l'impossibilité de dater de tels échantillons par la méthode U/Th.
 Dans les exemples décrits ci-dessus, la dissolution de la calcite se manifeste de plusieurs façons. D'abord, à la surface de la concrétion, on observe des contours irréguliers avec des golfes de corrosion, parfois profonds (ex : GB 493/3d), provoquant des infiltrations sur les zones de faiblesse (fissures, joints intercristallins). Les spéléothèmes altérés présentent donc une porosité vacuolaire. La circulation de l'eau peut provoquer ultérieurement une recristallisation de type sparitique à l'intérieur des vacuoles de dissolution sous la forme de microgéodes (ex : DAX 502).
 Ce processus d'altération est le même pour la roche calcaire. Des éléments de calcaire corrodé intérieurement se remplissent ensuite de calcite sparitique comme dans l'échantillon oncolitique GB 493/4e (photo 34). Dans le cas du "phytokarst", on constate que la corrosion biologique se produit à la fois par contact direct (surfaces déchiquetées) et imprégnation-dissolution par le système microporeux se manifestant par des plages gris-marron (GB493/3c et 3d).

2. Les contaminations détritiques

La contamination des concrétionnements se produit selon deux modalités :
- directement lors de la précipitation de la calcite ; l'eau est alors plus ou moins chargée en éléments détritiques ;
- indirectement par corrosion et infiltration postérieure des microdébris.
 Tout échantillon présente un certain degré de contamination naturelle en particules détritiques : grains de roches et de sols (argiles cristallisées, limons, colloïdes, phytolites...), éléments éoliens (limons, cendres volcaniques). Ces particules sont intéressantes à étudier car, selon leur nature, leur abondance et leur distribution spatiale, elles constituent des indicateurs du milieu naturel et des changements bio-climatiques. L'étude s'effectue par micromorphologie à partir de lames minces, technique classique et efficace qui a fait ses preuves en pétrographie.

* La contamination pédologique, un indicateur de changements bioclimatiques :
Dans les spéléothèmes, l'alternance de séquences de calcite blanche et de calcite rubanée brun-rouge est fréquente dans les karsts des régions méditerranéennes. En Chine, nous avons observé le même phénomène. Prenons un exemple didactique dans une grotte du Hubei.

Echantillon Yi 497/15 : Cette stalagmite brisée naturellement a été prélevée dans la grotte sèche de Jinshidong qui se développe dans le karst à ouvalas et vallées sèches, au nord de Yichang (Hubei), vers 450 m d'altitude. En coupe transversale, la concrétion montre un coeur de calcite blanche et rubanée, de 10 cm de diamètre, et un anneau externe rubané, brun-rouge, de 5 à 6 cm de large (photo 35).
L'analyse séquentielle  permet de distinguer deux phases bioclimatiques très marquées :
- La calcite blanche centrale, relativement pure, indique une stabilité de la couverture végétale et pédologique. L'eau de percolation est très peu chargée en particules de sols. La situation est de type biostasique.
- La calcite brun-rouge externe est riche en hydroxydes de fer et en microdébris de sols. Ce faciès très contaminé indique une instabilité des conditions édaphiques et par conséquent de la couverture végétale. Ce phénomène se traduit par une érosion des sols et par leur soutirage dans l'endokarst. Le sol ne joue plus le rôle de filtre ; il est tronqué et la roche apparaît localement à nu. L'eau d'infiltration se charge en hydroxydes de fer et débris divers  se déposant lors de la précipitation de la calcite.
Il n'existe pas de phase de corrosion entre les deux séquences et l'apparition de la contamination massive est brutale. Sur le plan bioclimatique, ces deux séquences indiquent un phénomène de rupture climatique, par exemple l'apparition d'un climat plus contrasté avec éclaircissement de la couverture végétale. Inutile d'insister sur l'intérêt de cette signification environnementale, surtout si l'on couple l'étude morphologique aux datations isotopiques U/Th (calcite pure et non corrodée).- ^ -

C. COMPOSITION CHIMIQUE

Dans les spéléothèmes des karsts chinois, la coloration, notamment en brun-rouge ou orange, est généralement due à une contamination pédologique ; celle-ci est due surtout à l'infiltration des hydroxydes de fer, en solution ou en microparticules, issus des sols rouges fersiallitiques ou ferralitiques. En complément de l'observation microscopique en lame mince, l'analyse chimique des spéléothèmes permet de quantifier cette contamination. Dans le tableau 15, on donne la composition chimique de 16 échantillons de spéléothèmes  prélevés dans les comtés de Wuxi (Sichuan) et de Wufeng (Hubei).
- Le taux moyen de CaCO3 est de 98,30 %.
- Les insolubles, représentés surtout par la silice et l'argile, vont de 0,06 à 0,38 % (moyenne = 0,15 %).
- Le taux moyen de Fe2O3 reste faible dans cette série d'échantillons, soit 0,016 %.
- Le taux moyen en MgO est relativement important, soit 0,60 % (0,04 à 1,38 %). Dans une autre série analysée, le taux en magnésium peut monter à 2,2 %. Il proviendrait de l'encaissant dolomitique.
- Le taux moyen en Na2O est sensible (0,32 %) et stable (0,282 à 0,410 %).
- Le taux en autres éléments métalliques (potassium,  manganèse,  cuivre,   plomb et  zinc) est très faible, soit 0,016 % (K2O) à 0,0005 % (CuO). Ces éléments métalliques peuvent également teinter les spéléothèmes et migrer à l'intérieur de la calcite au cours du temps selon les travaux d'IKEYA.
NB : Analyses effectuées par l'Institut de Géologie de Pékin (Academia Sinica).
* La contamination en Fe2O3 : Une série de sept échantillons relativement contaminés, prélevés dans le karst du Guizhou, donne un taux variant de 0,60 à 1,96 %. L'analyse chimique des roches de l'encaissant indique une valeur nettement plus faible en Fe2O3 (0,007 à 0,134 %). Lorsque les concrétions sont pures à assez pures, le taux moyen en Fe2O3 tombe à 0,016 %, soit 40 à 120 fois moins ; il pourrait alors provenir essentiellement de l'encaissant. L'amplitude la plus grande va de de 0,004 à 1,96 %, soit de 1 à 490 !
Le rôle de la roche encaissante dans la contamination des spéléothèmes est généralement faible quantitativement, à l'exception du magnésium et parfois du Fe2O3. L'analyse chimique étant destructive, il n'est pas possible de distinguer le rôle respectif de la roche et des sols. En effet, les calcaires du Trias inférieur, notamment dans le comté de Zhijin (Guizhou), peuvent renfermer jusqu'à 2 à 6,4 % de Fe2O3. Dans ce cas, roches et sols peuvent intervenir dans la contamination des spéléothèmes, avec une pollution turbide d'origine pédologique (soutirage des altérites) seulement mise en évidence par l'étude micromorphologique des lames minces (infra).- ^ -

D. DATATIONS U/Th DES SPELEOTHEMES ET TRAVERTINS

La datation isotopique des concrétionnements karstiques se développe en Chine. Rappelons les analyses U/Th effectuées par nos collègues de l'Institut de Géologie de Pékin (Academia Sinica), dans le cadre de l'expédition franco-chinoise de 1986 et ailleurs (ZHAO SHUSEN, LIU MINGLIN, MIA ZHIBANG, 1985). Des datations 14C sur calcite ont également été faites dans différents laboratoires, en particulier à l'Institut de Géologie du Karst de Guilin par la méthode de scintillation liquide, avec une erreur relative de moins de 5 % (CHEN XIAN et al., 1984). Après l'expédition de 1989, trois datations supplémentaires ont été effectuées par le CERAK (Faculté Polytechnique de Mons, Belgique).

1. Datations des spéléothèmes

35 échantillons de spéléothèmes (surtout des stalagmites), prélevés dans des grottes du Guizhou, ont été analysés par la méthode U/Th avant et après l'expédition de 1986, plus trois après l'expédition de 1989. Pour les données précises, se reporter au tableau publié dans le premier rapport franco-chinois (Spelunca Mémoires, n°16, 1988, p. 82-84). Les 35 analyses isotopiques ont été effectués par ZHAO SHUSEN et LIU MINGLIN de l'Institut de Géologie de Pékin et les trois de 1989 par Y. QUINIF (CERAK). (tableau 16).

* Teneur en uranium :
Celle-ci varie de 0,0092 ppm (valeur très faible) à 132,9 ppm (valeur très forte), soit dans un rapport de 1 à 14 445 ! Cette très grande variabilité spatiale a déjà été constatée ailleurs, notamment dans les karsts des Alpes et des Pyrénées, par les analyses du CERAK/Y. QUINIF (MAIRE, 1990).
  De fortes teneurs en uranium ont été mesurées (13 échantillons ont plus de 2 ppm). A Dadong (Wufeng/Hubei), deux analyses du CERAK indiquent une teneur en uranium de 6 et 9 ppm. Dans une même cavité, la teneur en uranium des stalagmites peut varier considérablement dans le temps et dans l'espace, par exemple de 0,05 à 7 ppm (rapport de 1 à 140) dans K18 Dong (Xiuweng/Guizhou).
 L'origine des fortes teneurs en uranium n'est pas encore connue avec certitude. A l'échelle mondiale, remarquons que les spéléothèmes prélevés dans les cavités développées dans les calcaires primaires présentent souvent des teneurs en uranium beaucoup plus élevées.
 Les types de gisements d'uranium dans les terrains karstiques de Chine ont été étudiés par YAO ZHENKAI, LIU YUANHOU et ZHU RONGBIN (1986). Ils distinguent :
- les produits résiduels par lessivage (poches) ;
- les gisements géothermaux ;
- les placers (concentrations en zone alluvionnaire) ;
- les gisements polygéniques, les seuls qui aient un intérêt industriel.
L'uranium est plus abondant dans les formations carbonatées renfermant des intercalations argileuses riches en matières organiques. Il est donc probable que la forte teneur en uranium des spéléothèmes provienne surtout du lessivage de ces intercalations argilo-charbonneuses. Le lessivage de poches paléokarstiques, de placers et de gisements géothermaux semble plus rare et plus ponctuel.

* Teneur en thorium détritique (ou 232Th) :
Sur les 38 échantillons analysés, 6 ont un rapport 230Th/232Th compris entre 1,7 et 4,8, indiquant une nette contamination détritique qui vieillit "artificiellement" l'âge de la concrétion. Cette dernière peut provenir de microdébris de roches et de sols. Lorsque le rapport est grand (21 échantillons ont un rapport supérieur à 200), la date calculée est fiable et la fourchette statistique d'erreur est plus étroite.

* Distribution des âges U/Th :
Le diagramme de distribution des âges isotopiques montre, dans le cadre du Pléistocène supérieur, deux phases :
- l'une entre 70 et 130 ka, avec un pic entre 100 et 110 ka ; elle pourrait correspondre à l'interglaciaire Eémien ;
- l'autre entre aujourd'hui et 60 ka.
Pour le Pléistocène moyen, le nombre de dates est encore insuffisant pour montrer des phases évidentes de concrétionnement.

2. Datations U/Th des travertins

Treize échantillons de travertins ont été prélevés à la sortie de plusieurs cavités du Guizhou lors de l'expédition de 1986 et analysés à l'Institut de Géologie de Pékin.

* Teneur en uranium :
Celle-ci est faible et varie peu, soit de 0,0127 à 0,172 ppm (rapport de 1 à 13).

* Teneur en thorium détritique :
La contamination en 232Th est faible, sauf dans deux échantillons qui ont un rapport 230Th/232Th de 11,5 et 26,8.

* Interprétation des âges U/Th :
La distribution des dates calculées pose encore des problèmes d'interprétation du fait de la dispersion des résultats.
- Cinq âges sont compris entre 17 et 31 ka. En zone tempérée, cette période correspond à la phase la plus froide de la dernière glaciation. Au contraire, en zone subtropicale chinoise, il semble qu'il y ait concrétionnement au niveau des émergences. Il est encore difficile de dire si cette période correspond à une phase de biostasie ou de rhexistasie. Le taux en thorium détritique  est plutôt faible.
- La distribution des autres âges ne permet pas de tirer de conclusion complémentaire : 3 dates entre 50 et 58 ka, 1 à 74 ka, 2 entre 103-104 ka, 1 à 165 ka et 1 à plus de 350 ka.

3. Signification paléoclimatique

Le principal problème soulevé par l'interprétation des diagrammes de distributions des âges U/Th est que le concrétionnement est continu en zone subtropicale de basse et moyenne montagne. Cela paraît évident et le creux entre 60 et 70 ka est soit un hasard statistique, soit une réelle phase de rupture climatique. De plus, la période de refroidissement correspondant au "Wurm récent", très marquée dans les karsts d'altitude  européens,  n'est pas du tout marquée ici.

 Dans les karsts de montagne des pays tempérés, chaque période glaciaire entraîne un abaissement des limites bio-climatiques (forêts, sols) et un arrêt du concrétionnement. Toutefois, en zone karstique tropicale, la mise en évidence de ruptures climatiques par l'étude des remplissages karstiques est un objectif nouveau. En effet, les changements climatiques peuvent s'accompagner, par exemple, d'une dégradation de la couverture végétale et pédologique, provoquant l'érosion des sols et leur soutirage dans l'endokarst. Ceci peut se traduire par une contamination détritique des spéléothèmes et un ralentissement de leur croissance.

 Il serait donc nécessaire de mettre en parallèle résultats isotopiques et micromorphologiques. Cela permettrait de voir si les phases de ruptures bioclimatiques sont en concordance avec la courbe climatique mondiale des paléotempératures, du moins pour le Quaternaire récent qui est le mieux connu. Les phases de biostasie et de rhexistasie, en zone intertropicale, ne sont pas forcément bien en phase avec les épisodes et interstades glaciaires et interglaciaires du domaine tempéré. Les données en notre possession sont encore trop insuffisantes. - ^ -

II. LES REMPLISSAGES DÉTRITIQUES INDURÉS

Les réseaux ou tronçons de cavités perchés à différents niveaux, parfois à plusieurs centaines de mètres au-dessus du niveau de base actuel, témoignent de l'évolution géomorphologique tertiaire en relation avec la surrection tectonique (chap. 11). En dehors des spéléothèmes, ces grottes présentent des remplissages détritiques anciens qui ont été généralement conservés par induration calcitique : brèches, conglomérats fluviatiles, limons cimentés. La nature des ciments et de la matrice des conglomérats donne des indications complémentaires sur le paléoenvironnement. Prenons plusieurs exemples dans le Guizhou et le Hubei. - ^ -

A. LES CONGLOMERATS FLUVIATILES

1. Les obstructions de galeries par des conglomérats

Deux exemples ont été pris dans le secteurs de la Gebihe (Guizhou) et de Wufeng (Hubei).

* Echantillon GB 533/a (photo 39) : Entre les deux pertes de la Gebihe se développe une vallée sèche le long de l'escarpement de faille. A 100 m au-dessus du fond s'ouvrent plusieurs porches de grottes, dont l'un est entièrement fossilisé par un conglomérat à 10 m de l'entrée (prélèvement). Des témoins stratifiés et consolidés subsistent en plafond, à l'aplomb de l'entrée.
 Le squelette est formé par des graviers altérés, mal roulés, de 3-5 à 10-25 mm. Du point de vue pétrographique, on distingue des grès, des schistes, des calcaires, des cherts et des éléments sombres imprégnés de fer (altération). La distribution est porphyrique à chitonique. Le ciment, gris-ocre, est fortement biréfringent en lumière polarisée ; il est de nature travertineuse et présente des touffes de cristaux aciculaires de type stromatolitique. La couleur gris-ocre provient d'une imprégnation du ciment par des matières colloïdales et des hydroxydes. Quelques vacuoles sont remplies par de la calcite sparitique blanche.

* Echantillon GEN 521/a  (photo 38) : La grotte du Général est une grotte-tunnel à écoulement temporaire, en forme de delta souterrain, qui traverse une  barre calcaire de 400 m de large (Wufeng/Hubei). Dans le fond d'une galerie adjacente de rive gauche, 10 m au-dessus du conduit principal, on observe un colmatage par des poudingues très indurés (prélèvement).
 Le squelette est formé par des graviers et petits galets centimétriques très arrondis. Quelques éléments sont brisés. Les bords sont lisses et non altérés. Il s'agit de grès, de schistes, et plus rarement  de calcaires. Le ciment beige saccharoïde est remarquable. Il s'agit d'une sparite engrenée teintée dans sa masse par des colloïdes et des argiles. On ne distingue pas de contamination pédologique grossière.

* Interprétation : Ces deux exemples différents témoignent de l'importance des conditions locales. Dans le cas de la Gebihe, l'altitude du dépôt par rapport au niveau de base actuel (+ 100 m) et l'état d'altération des graviers suggère un âge plus ancien que dans la grotte du Général. La nature variée du ciment, travertineux et saccharoïde, est également intéressante. L'absence d'une matrice de sables fins et de limons grossiers suggère un lavage important. Les suspensions argileuses et colloïdales sont prises dans la masse du ciment calcitique.

2. Les conglomérats fluviatiles étagés

Deux exemples sont pris dans le secteur des grottes-tunnels et canyons d'effondrement de Daxiaocaokou (Zhijin, Guizhou).

* DAX 498/11a (photo 40) : La vaste doline d'effondrement de Dacaokou  forme un tronçon de canyon aveugle donnant sur le cours de la Yijiehe souterraine (fig. 12, p. 26). A + 100 m par rapport au torrent, des poudingues subsistent sous un encorbellement et témoignent de l'ancien cours d'une rivière.
 Le squelette est constitué par des graviers et galets centimétriques bien roulés (grès, schistes, calcaires, grains noirs), parfois altérés. La distribution est chitonique. Les vides d'entassement sont occupés par un ciment blanc sparitique.

* DAX 498/8 (photo 41) : A l'ouest de la doline d'effondrement de Dacaokou, près du col, la route recoupe des cavités et fissures karstiques piégeant des alluvions anciennes consolidées sur plusieurs mètres de haut. Ces dépôts, localisés à plus de 150 m au-dessus du cours actuel de la Yijiehe, témoigneraient de l'ancien parcours de la rivière. (photo 37).
 Le squelette est formé par des graviers arrondis et des sables grossiers (calcaires, grès, charbons, cherts...). De nombreux éléments sont altérés. La distribution est porphyrique à pas simple. Le ciment, gris-beige, présente un faciès travertineux, avec des touffes de cristaux aciculaires de 2 à 4 mm de long (structure stromatolitique). On distingue quelques masses plasmiques brun-rouge et ferrugineuses prises dans le ciment.

* Signification géomorphologique : Ces deux poudingues, situés à deux niveaux différents au-dessus du cours actuel de la Yijiehe, témoignent de l'enfoncement général de la karstification en fonction du soulèvement tertiaire. Au-dessus du système actuel de grottes-tunnels existaient d'anciens systèmes de tunnels dont il existe encore quelques tronçons, le plus important étant celui de Xiaoheidong. Cette cavité importante est perchée 200 m au-dessus de la Yijiehe, en rive gauche ; longue de 2500 m, elle présente un vaste conduit de 50 m de large, prenant ensuite la morphologie d'un canyon (hauteur de plus de 50 m). D'autres cavités perchées confirment l'existence d'une succession de systèmes incluant tunnels et vallées aveugles et dont le tracé était différent.
 Les conglomérats fluviatiles étudiés appartiennent à ces anciens systèmes hydrogéologiques. Compte tenu du contexte géomorphologique et du degré important d'altération des graviers, le conglomérat DAX 498/8 date probablement du Néogène (chap. 11).- ^ -

B. LES DEPOTS BRECHIQUES

La pétrographie des brèches karstiques a fait l'objet de rares travaux. Dans la région de Guilin, LIN YUSHI et al. (1984) ont mis en évidence trois types de brèches karstiques appartenant respectivement au Quaternaire, au Crétacé-Tertiaire et aux périodes pré-crétacées. Les brèches rouges pré-quaternaires, souvent incorporées dans des zones fracturées, sont polygéniques et sous le contrôle direct des mouvements tectoniques. Nous n'envisagerons ci-dessous que des brèches quaternaires ou néogènes situées dans des conduits karstiques et n'ayant pas subi de transformations d'origine tectonique.


1. Les brèches de la Gebihe

Dans le puits de 370 m situé à proximité de la grande perte d'entrée, des brèches ont été prélevées à différents niveaux : 100 m (sous le ressaut de 40 m), 170 m (au-dessus du R40), 226 m (porche), 350 m (porche).
* Echantillon GB 493/6 b (photo 42) : Ce fragment de brèche très consolidé a été prélevé au sommet du ressaut de 40 m, soit 170 m environ au-dessus de la rivière de la Gebihe. Le squelette est formé par des éléments anguleux de calcaires carbonifères mesurant quelques millimètres à plusieurs centimètres. On distingue également un gros grain ferrugineux, très altéré, d'origine pédologique et de petits éléments (grès, calcaires, gastéropodes ?). La distribution est porphyrique à pas simple ou double. Le ciment, ocre, est d'apparence plasmique ; la calcite microcristalline indure une boue de limons fins et d'argile. Une phase de corrosion a créé  des vacuoles (10-15 %) sans remplissage sparitique.
* Echantillon GB 493/5a : Cette brèche originale a été prélevée sous le ressaut de 40 m (100 m au-dessus de la rivière). Elle est constituée par une concrétion prise dans des limons indurés. Le spéléothème présente une surface corrodée, très irrégulière et un intérieur également altéré (vacuole avec cutane d'argile ferrugineuse). Le ciment, beige-saumon, correspond à un remplissage de limons rythmés imprégnés par une calcite micritique. Des fentes de dessication sont occupées par une calcite sparitique. On distingue quelques grains pédologiques (fer) dans la masse des limons ainsi que des mouchetures d'oxydes de manganèse.
* Echantillon GB 493/4e (cf. supra) : Celui-ci a été prélevé sous le ressaut de 40 m. Le squelette, constitué par des concrétions oncolitiques (nodules), est noyé dans un ciment complexe, altéré. Il comprend un plasma beige-marron limoneux très altéré et de nombreuses vacuoles de dissolution remplies par une calcite sparitique blanche.
* Interprétation : Ces trois échantillons de brèches montrent déjà la diversité des types de ciment. Les difficultés d'interprétation sont plus grandes que pour les conglomérats fluviatiles. Toutefois, leur position dans le vaste puits d'effondrement de 370 m indique qu'ils sont postérieurs au foudroyage du plafond de la cavité. Les boues micritiques, associant une matrice limoneuse, sont plus ou moins contaminées par des éléments de sols (influence éolienne ? ).

2. Exemple de brèche fossilifère de Daxiaocaokou

Un bel exemple a été prélevé dans le secteur de Daxiao (Zhijin/Guizhou), dans une cavité de 3 m x 2 m recoupée par la route.
* Echantillon DAX 498/9a (photo 43) : La cavité, ancienne, présente un vieux plancher collé à la voûte et un plancher corrodé constitué par des brèches beige-marron. Le reste de la grotte est remplie par une terre rouge provenant du soutirage "récent" des sols. Le squelette de la brèche est formé par des fragments de coquilles de gastéropodes (3-5 à 10-50 mm), des boulettes d'argiles et de rares grains de roches. Le ciment est en réalité une masse plasmique amorphe indurée, de nature limono-argileuse, renfermant quelques grains ferrugineux. On observe de multiples pores de dissolution remplies par de la calcite sparitique.
* Interprétation : Ce dépôt complexe présente plusieurs phases de remaniement de sédiments fins (boulettes, éléments argileux craquelés) dont l'origine semble en grande partie pédologique. Les nombreux fragments de gastéropodes montrent aussi qu'il y a eu phénomène de soutirage.- ^ -

C. SIGNIFICATION DES REMPLISSAGES INDURES

Conglomérats fluviatiles et brèches recouvrent souvent l'ensemble de tous les sédiments détritiques trouvés en cavité karstique. Le phénomène de consolidation est classique et permet une meilleure conservation des remplissages. L'étude des ces dépôts présente un double intérêt méthodologique, d'abord micromorphologique, ensuite géomorphologique.
* L'intérêt micromorphologique est souligné par la variété des remplissages et des structures rencontrés. Ainsi, les ciments calcitiques observés en lame mince permettent de dégager plusieurs types :
- les ciments travertineux, de types stromatolitique, à petites touffes de cristaux aciculaires ;
- les ciments saccharoïde à cristaux sparitiques engrenés ;
- les ciments sparitiques blancs en mosaïque ;
- les ciments micritiques et microsparitiques.
Les ciments qui indurent la matrice fine des conglomérats donnent des boues argilo-limoneuses calcitées. Plus la charge détritique est grande, plus la cristallisation est petite (cas des limons rythmés consolidés). Plus elle est faible, plus la cristallisation s'organise en grands cristaux plus ou moins imprégnés de matières colloïdales. Dans les vacuoles de corrosion, le ciment blanc est toujours sparitique.
* L'intérêt géomorphologique est grand lorsque l'analyse des remplissages est associée étroitement à l'étude des grandes formes karstiques et de l'hydrogéologie. Dans ce chapitre, nous avons surtout développé l'aspect micromorphologique et abordé quelques pistes géomorphologiques qui seront developpées dans le chapitre 11 sur la genèse des karsts chinois. Par exemple : l'évolution des grottes-tunnels et l'étagement des cavités en fonction de la surrection.
Avant d'en arriver là, étudions sommairement une grande séquence détritique souterraine située dans un niveau "fossile" de la vaste grotte-perte de Dadong (Wufeng, Hubei).- ^ -

III. UN EXEMPLE DE SEQUENCE ENDOKARSTIQUE : LA COUPE DE DADONG (Wufeng/Hubei)

En 1988, lors de leur reconnaissance dans la grotte-perte de Dadong, les spéléos belges se sont arrêtés au sommet d'une grande galerie "fossile" dominant une galerie adjacente par un escarpement de plus de 25 m.  Ce dernier est constitué par un remplissage détritique rythmé remarquable par ses dimensions : 50 m de large sur 25 m de haut. Par son épaisseur et son caractère varvé, cette coupe est équivalente, en domaine subtropical, à celle de la galerie Aranzadi, dans le réseau de la Pierre Saint-Martin (Pyrénées), localisée en domaine tempéré de montagne.- ^ -

A. LEVÉ ET DESCRIPTION DE LA COUPE

1. Technique du levé de la coupe

Cette coupe a fait l'objet d'une topographie détaillée sur le terrain avec l'aide de SHI MENGXIONG de l'Institut de Géologie de Pékin. En 6 h 30 mn, il a été possible de lever la coupe au topofil grâce à un sentier étroit entaillé dans les alluvions. Pour disposer d'un levé en continu, la technique consiste à mesurer une série de six segments verticaux décalés horizontalement en fonction du sentier d'accès, technique déjà employée avec succès dans la coupe d'Aranzadi. La base de chaque segment est reliée au sommet du suivant par un fil horizontal mesuré au topofil.

2. Description de la coupe

(fig. 101)
L'ensemble de la coupe montre de bas en haut deux parties très différentes : un ensemble inférieur clastique constitué par des blocs et un ensemble principal rythmé à limons varvés et lits de graviers. Une couche terminale de sables, de 1 à 2 m d'épaisseur, subsiste sur le bord nord de la coupe. Cette coupe naturelle a été creusée perpendiculairement par un ancien torrent souterrain qui devait venir de l'E depuis une galerie orientée E-W, actuellement obstruée à ses deux extrémités par des blocs et des alluvions.
Le sommet de la coupe se situe à + 100 m environ au-dessus du niveau de la perte temporaire de Dadong.
a) L'ensemble inférieur (photo 45)
Il est formé par un entassement de blocs métriques provenant de l'évolution des voûtes. D'après l'exploration faite dans la galerie adjacente, l'épaisseur de la couche de blocs est importante, sans doute plus de 10 à 20 m. Il s'agit de calcaires bioclastiques de l'Ordovicien inférieur. Les blocs sont directement recouverts par des limons et argiles varvés dont les couches épousent la surface chaotique.
b) L'ensemble principal rythmé (photos 44 et 45)
Par commodité, nous le décrivons de haut en bas, dans le sens de la topographie effectuée sur le terrain. Cet ensemble principal est rythmé en fonction des cycles de sédimentation avec une alternance de couches de graviers et de couches de limons varvés décarbonatés gris et rouges. Sur 22 à 24 m d'épaisseur, on observe  quatre sous-ensembles (fig. 101) :
(1) Une séquence sableuse terminale, de 1 à 2 m, ne subsistant qu'au centre et sur le bord nord de la coupe (non visible sur la figure).
(2) Une séquence de 0 à 6 m formée par l'alternance de 26 couches de graviers et 26 couches de limons fins varvés. Les lits de graviers, de 5 à 10 cm d'épaisseur moyenne, sont constitués par des éléments roulés de 0,5 à 2 cm de diamètre et une matrice sableuse grise. Les couches varvées ont une puissance moyenne de 15 à 30 cm. Les lits de graviers et les limons varvés sont  teintés en rouge à partir de 4 m.
(3) Une séquence homogène, de 6 à 12 m, formée presque exclusivement par des limons varvés gris et rouges. Les lamines rouges mesurent de 1-2 mm à 5-10 mm d'épaisseur chacune.
(4) Une séquence de 12 à 20 m à alternance de lits de graviers et de limons varvés. Tous les lits de graviers (15 à 30 cm) ont une matrice teintée en rouge. En revanche, les couches de varves (15 à 40 cm) sont presque uniquement grises entre 13 et 20 m.- ^ -

B. SIGNIFICATION GÉOMORPHOLOGIQUE ET PALÉOCLIMATIQUE

Les grandes séquences détritiques souterraines,  visibles par le moyen d'une belle coupe naturelle, ne sont pas fréquentes. Elles se forment dans les réseaux souterrains en fonction des contraintes géométriques des parois (processus de barrage lacustre) et du régime hydroclimatique.

1. Signification stratigraphique et hydroclimatique

La séquence de Dadong présente une alternance de décharges détritiques fines et grossières. Le secteur concerné  de la grotte joue donc le rôle de barrage lacustre souterrain, et par conséquent d'enregistreur du régime hydroclimatique régional.
* Les varves : Une première indication est apportée par la morphologie des varves de la base de la coupe. On observe une succession de grosses lamines gris-beige et ocre ou rouge. A 19,50 m, par exemple, le couple lamine grise / lamine rouge mesure 5 cm + 4 cm d'épaisseur.
Au milieu de la coupe, la séquence intermédiaire de varves grises et rouges, notamment entre 10 et 6 m, montre qu'il s'agit d'une sédimentation relativement longue sans aucune décharge de graviers. Si les varves sont annuelles (2 cm en moyenne), la séquence intermédiaire correspondrait à une période de deux siècles environ. Si l'on admet plusieurs varves par an, cette séquence est pluriannuelle. Cette première conclusion est importante pour la signification des décharges grossières.
* Les couches de graviers : Les 58 décharges de graviers correspondent à chaque fois à une seule grande crue ; mais s'agit-il de crues annuelles, décadaires, cinquantenaires ou séculaires ? L'interprétation détaillée de la coupe indique que ces décharges varient dans l'espace et dans le temps.
- La première séquence, de 20 m à 12 m, montre 22 lits de graviers séparés par des couches de varves centimétriques (1-5 cm) à décimétriques (15-40 cm). Entre 18,50 m et 16,50 m, les couches de graviers sont rapprochées et pourraient être annuelles, tous les deux ou trois ans ou au mieux décadaires. Le régime hydroclimatique est contrasté.
- La deuxième séquence, de 12 m à 6 m, présente seulement quatre à cinq petits lits de graviers situés entre 11 m et 10 m. Le régime hydroclimatique, moins contrasté, se stabilise.
- La troisième séquence, de 6 m à 0 m, montre à nouveau un régime hydroclimatique contrasté, très régulier entre 3,50 m et 0,60 m. Entre 0,40 m et 0 m, la couche de graviers est séparée par 3 niveaux de limons jaunes de 15 mm chacun.

2. Interprétation paléoclimatique

* Le soutirage des sols rouges : Il joue un rôle majeur dans la contamination des lits de graviers (matrice sableuse rouge) et des limons varvés. Cette érosion de la couverture pédologique est liée à un changement climatique (rupture) qui est enregistré par l'ensemble de la séquence qui représente une période de plusieurs siècles à plusieurs millénaires.
L'étude d'un profil d'altérites, au-dessus de la grotte de Dadong, montre que les sols rouges proviennent de l'altération de l'Ordovicien schisteux. Sur 4 m d'épaisseur, on observe un puissant horizon d'altération argilo-limoneux, orange-rouge à jaunâtre. Des blocs altérés d'Ordovicien schisteux flottent dans le profil de même que de nombreux petits fragments rouges (oxydation du fer). (cf. chap. 11 : photo 62, fig. 108).
Les grandes crues, responsables des couches de graviers à matrice rouge, indiquent un décapage des sols. Cette érosion est liée à une déstabilisation de la couverture végétale et pédologique provoquée par une rupture climatique brutale. L'alternance saison sèche-saison humide  est très contrastée.
>* Ages U/Th : Deux stalagmites ont été prélevées à l'extrémité de la grande galerie sèche qui recoupe le remplissage. Par leur position, ces concrétionnements sont postérieurs à la coupe varvée. Les analyses U/Th sur DAD 518/A et DAD 518/B ont été effectuées au laboratoire du CERAK (Y. Quinif, Faculté Polytechnique de Mons, Belgique). (tableau 16, p. 142).
Les deux échantillons ont été pris dans le coeur des stalagmites. Il s'agit d'une calcite blanche, microstratifiée et très compacte. La teneur en uranium 232 est élévée (6 à 9 ppm). Les deux âges calculés sont de 12,6  (+ 0,4, - 0,3) et 16,3 ka (± 1,1) et sont considérés comme fiables. Ces dates récentes ne permettent pas de caler avec précision vers le haut l'âge de la coupe détritique de Dadong qui est nettement plus ancienne, peut-être pliocène supérieur à Pléistocène inférieur (travaux en cours).- ^ -

CONCLUSION

Dans la zone tropicale, les remplissages endokarstiques constituent un champ d'étude important qui débute à peine. En Chine du Sud, les premiers travaux montrent l'intérêt de ces dépôts dans l'étude des paléoenvironnements du Tertiaire et du Quaternaire, sans parler des remplissages plus anciens témoins des paléokarsts du Secondaire, du Primaire, voire du Précambrien. Bien que ces régions humides soient caractérisées généralement par une grande continuité de la pédogenèse et de la dissolution sous couverture de sols tout au long du Cénozoïque, on observe des indices de ruptures bioclimatiques au Plio-Quaternaire. C'est le cas, par exemple, de la grande coupe de Dadong (Hubei) ou des concrétionnements à séquences alternées  brun-rouge et blanches témoins de l'apparition de phases de déséquilibre de la couverture végétale et pédologique (rhexistasie). Dans les réseaux actifs, les remplissages “récents” peuvent renseigner sur les effets de l'occupation des sols depuis des millénaires, en particulier le rôle prédominant de la déforestation et du soutirage des sols.- ^ -


Karstologia Mémoires N° 4 Année 1991 GEBIHE 89 - ISSN : 0751-7628