La province du Guizhou est une zone karstique typique, ce qui crée de sérieux problèmes pour le développement économique. Le karst , bien que dépendant du hasard de la géologie, peut être considéré comme une ressource naturelle .
L'utilisation des ressources du karst pour l'eau potable, l'électricité, l'agriculture et l'industrie reste un problème important. La mise en valeur de ces ressources doit tenir compte des conditions géologiques et géomorphologiques. Dans le Guizhou plusieurs réalisations ne fonctionnent plus, ou, très mal faute de recherches préalables approfondies. C'est pour cela que nous devons travailler.
Dans les zones de karst à tours ou à cônes, de poljés et de plaines d'érosion, les rivières sont larges et l'eau souterraine peu profonde. La karstification sous les plaines et les vallées n'est pas très importante ; les projets de barrages et de réservoirs peuvent s'y réaliser.
Dans les zones de karst à tours ou à cônes et ouvalas, les rivières coulent dans de profonds canyons, et les collecteurs souterrains sont très profonds. Les rivières principales ont un pouvoir énergétique important (vallées profondes, gradient hydraulique élevé), elles peuvent donc être utilisées si les conditions géologiques le permettent.
Les études préalables à la construction devront impérativement tenir compte des trois points suivants : l'âge des formations karstiques, la structure géologique des vallées et le problème spécial posé par le gypse dans le Trias. Ces trois points déterminent le développement du karst et le caractère des cavités (direction, longueur, profondeur).
Exemples :
Le barrage de Wujiangdu est le plus grand barrage en région karstique de Chine. Avec ses 165 m de haut et un volume d'eau de 2.14 km3 il fournit une puissance de
630 000 KW. Le barrage de Maotiaohe, en 6 étages, a quant à lui, une puissance de 200 000 KW. Ils constituent les deux plus grosses installations hydroélectriques du Guizhou.
L'implantation de ces barrages et reservoirs ne va pas sans poser quelques problèmes d'étanchéité. Pour les résoudre quelques méthodes, citées ci-après, sont utilisées.
* Pour les installations hydroélectriques de grande taille :
Détection des cavités profondes et bétonnage après forage (ex : barrage de Wujiangdu où une grosse cavité a été bouchée).
Utilisation d'argile, de béton ou de plastique pour imperméabiliser le fond des bassins et construction d'un rideau étanche sous les ouvrages. Ces deux solutions sont aussi utilisées pour les petits réservoirs.
* Pour les réservoirs de petite taille (irrigation, eau potable) :
Obturation des cavités horizontales par des rochers et du béton.
Les puits dans le fond des bassins sont coiffés par un tube. Celui-ci ne permet pas l'entrée de l'eau dans la cavité tout en servant d'exutoire aux crues des rivières souterraines.
Dans ces régions karstiques, les réservoirs et les barrages ont des effets bénéfiques sur le développement économique (irrigation, electricité, eau potable) mais ils modifient l'écologie. Ils peuvent être à l'origine de nouveaux problèmes : sapement des eaux provoquant l'effondrement des rives, tremblements de terre locaux dus à la pression des eaux, sédimentation, pollution des plans d'eau.
Ressources en eaux
Dans le Guizhou les eaux d'origine karstique représentent 91.6 % du volume des ressources en eau souterraine.
Le développement du karst et la distribution des ressources en eaux dépendent de deux facteurs : d'une part, des séries de roches carbonatées qui sont toujours séparées par des roches clastiques comme on peut le noter dans les colonnes stratigraphiques. D'autre part, des plissements très importants et extrêmement faillés qui contrôlent l'hydrodynamique des unités.
Ces conditions géologiques permettent la formation de nombreux réseaux et rivières souterraines, spécialement dans les zones périphériques des unités, tout prêt des canyons profonds.
Le Guizhou se situe dans la zone de partage des eaux du Zhujiang au sud et du Changjiang au nord. Les paléopénéplaines ne sont pas entamées par les rivières récentes excepté par les gros drains régionaux (Sanchahe, Gebihe). Dans la zone de rupture de pente les rivières s'écoulent, tantôt aériennes, tantôt souterraines. Ces caractères morphologiques sont démontrés par les reliefs karstiques et par le niveau des eaux souterraines.
Depuis le Tertiaire tard et le Quaternaire, le plateau du Yunnan-Guizhou s'est élevé de manière intermittente. Il en résulte des constantes dans l'altitude des paléopénéplaines et naturellement dans les différents étages géomorphologiques dont dépendront les réseaux. Dans les plaines d'érosion actuelles le niveau des eaux souterraines reste très proche de la surface. Dans les zones influencées par les drains régionaux profonds, les rivières souterraines peuvent être aperçues par des puits et ponors. Le tracé théorique de celles-ci s'effectue en accord avec l'altitude du fond des ouvalas, des ponors et des puits. Cette méthode est utilisée avec succès pour la détermination des emplacements de pompages.
La mise en valeur de ces ressources doit être effectuée en deux phases en accord avec le contexte ci-dessus. Pour l'évaluation des ressources en eaux souterraines et la détermination des zones intéressantes, nous devons étudier les unités hydrodynamiques qui sont contrôlées par les structures géologiques. Pour l'utilisation de ces ressources il faut définir le site d'exploitation en fonction des conditions géomorphologiques.
Quelques exemples d'aménagements pour le captage des eaux :
* Utilisation après aménagement simple des résurgences.
* Obturation totale ou partielle des résurgences pour faire monter le niveau de la nappe et constituer ainsi des réservoirs souterrains ou de surface (Daxiao Jing).
* Pompage direct dans les puits et les ponors.
* Forage et puits artificiels pour le pompage dans les zones à nappe peu profonde.
Ressources des cavités et des paysages karstiques
Le Guizhou possède maintenant de nombreux sites touristiques aménagés et ouverts au public : grottes visitables (tableau 17 ), chutes d'eau, parcs.....
Les cavités peuvent-être utilisées de manières différentes. La stabilité de leur environnement (température, humidité, bruit) autorise l'implantation de certains hopitaux spécialisés (comme en Tchécoslovaquie). Les grandes salles peuvent abriter des usines souterraines ou des champignonnières. La richesse et la diversité des paysages souterrains permettent l'aménagement des cavités et leur ouverture au public.
Les grottes témoignent toujours d'anciennes activités humaines. Quantités de traces ont été découvertes dans les remplissages au cours de nombreuses fouilles archéologiques.Tous les sites se trouvent dans le Pleistocène inférieur et supérieur excepté dans le comté de Qianxi où l'on en rencontre un dans le Pléistocène moyen. Dans ceux-ci, de nombreux restes humains, outils, foyers et ossements d'animaux ont été découverts. Ces fouilles se révèlent très utiles pour les recherches sur le paléoenvironnement. A l'aboutissement des travaux, certains sites seront aménagés en musée.
Dans ces zones peuplées, l'activité humaine pose de sérieux problèmes pour l'environnement. La pollution des eaux, la désertification, les pluies acides sont des phénomènes extrêmement graves qui risquent à moyen terme de compromettre l'équilibre de ces régions.
Pollution des eaux
Dans cette région, c'est un problème d'autant plus grave que les eaux souterraines et aériennes sont intimement liées. Les ressources en eau potable y sont sérieusement menacées. Le mauvais emplacement de certains captages contribue à cette pollution ou assèche les autres captages environnants. De plus une densité trop importante de pompage peut provoquer des effondrements. Par exemple, dans le bassin de la ville industrielle de Suicheng, les quinze forages d'alimentation en eau potable, d'un débit total de 2880 m3/h, sont responsables de 731 effondrements.
Désertification :
Dans les régions karstiques du Guizhou, la forêt a été détruite par l'activité humaine. Les sols, généralement peu épais sur le karst, disparaissent lessivés par les eaux de ruissellement. La formation des sols étant beaucoup plus lente que leur lessivage, c'est maintenant 20 % de la surface du Guizhou qui est totalement mise à nue. Par exemple, dans les six premiers mois de l'année 1983, les eaux de la rivière Sanchahe contenaient 47.7kg de matière solide au mètre cube.
Pluies acides :
Dans le Guizhou, le charbon fournit 90 % de l'énergie. Malheureusement, celui-ci a parfois des teneurs en souffre beaucoup trop élevées. Une des conséquences directes est la très grande acidité des eaux de pluies ; leur pH, de 4 à 5 en moyenne, descend jusqu'à 3 dans la région d'Anshun.
Durant l'expédition, nous avons topographié de nombreuses cavités et étudié leur distribution ainsi que leur contexte géologique. Nous avons aussi été sollicités par plusieurs gouvernements locaux pour travailler sur certains sites.
A Santang (Zhijin), le poljé se noie régulièrement pendant la saison des pluies, compromettant ainsi les récoltes. Nous avons donc exploré le ponor qui semble d'ailleurs beaucoup trop étroit pour l'évacuation des eaux, ainsi que les cavités alentours. Nous avons transmis nos premières informations aux autorités locales.
A Babu (Zhijin), le lac utilisé pour l'irrigation voit son niveau baisser d'année en année. Nous avons donc envoyé deux équipes, l'une pour explorer le puits de Macaojing et l'autre pour observer la géologie précise du terrain. Nous avons ensuite transmis nos informations qui serviront à l'élaboration d'un projet éventuel.
Suite à nos explorations, nous pensons que la zone de Daxiaojing (comté de Luodian) peut être aménagée. Ce système inclut trois grottes majeures : Daxiao Dong, Xiangshui Dong, Hei Dong, qui totalisent actuellement 8 739 m de développement. Les résurgences de Dajing et Xiaojing (débit moyen 20 m3/s) ainsi que la plus grande salle de Chine dans la grotte de Hei Dong sont des atouts importants. Cette zone a de nombreux points similaires avec le fameux site touristique de la Fontaine du Vaucluse. Aussi, avons-nous suggéré que celle-ci soit aménagée en réserve où se cotoieraient les activités touristiques, les explorations spéléologiques et les recherches scientifiques dans les domaines de l'hydrogéologie et de la karstologie.