Grotte du Pot de Chambre (ait. : 2200 m, dév. :1535 m, dén. : 60 m) (YIE HU DONG)
Situation
Cette belle résurgence s'ouvre en "zone interdite", en fait une zone sauvage protégée. Une bonne piste permet aux touristes chinois et japonais de découvrir les beaux paysages de la région. Pour y mener des explorations et, bien sûr, quitter la piste il nous faut des autorisations en bonne et due forme. Victor parvient à nous les obtenir au terme de plusieurs jours de tractations.
A partir de la porte d'entrée du "parc", une longue piste monte jusqu'à un col. A proximité, un observatoire a été construit au point culminant de la région (3052 mètres). Quelques kilomètres plus loin, il est possible d'apercevoir le porche, loin en contrebas de la piste. Une longue descente, de près d'une heure, dans une pelouse de style alpin permet d'y accéder.
Analyse d'eau
La température de l'eau est de 10,5 °C.
Sa minéralisation est de 30 mg/l avec quelques traces de nitrates.
Il s'agit de la minéralisation la plus faible que nous ayons mesurée en Chine. En fait, la cavité se développe dans une simple barre calcaire et il est probable que la partie amont se situe non loin de la fin du calcaire. La rivière coule dans toute la cavité sur le sol de schiste et provient probablement d'une perte. L'eau n'est donc pratiquement pas en contact avec le calcaire. Le manque de temps, le terrain accidenté et la végétation impénétrable ne nous ont pas permis de faire le tour du massif pour essayer de repérer cette perte.
Exploration
François et Gilles font une première reconnaissance dans la cavité le mardi 4 août. Ils visitent l'actif jusqu'à une vasque profonde. Le vendredi 7 août, François, Jeannot, Gilles, Josiane, Bernard, Christelle, Lin et un policier redescendent vers la résurgence avec le matériel de bivouac pour y passer éventuellement deux jours.
François, Jeannot et Bernard partent topographier l'actif. Les visées sont longues et agréables jusqu'au siphon. Au delà, une courte galerie boueuse est rapidement colmatée.
Gilles réussit à convaincre Josiane et Lin de l'accompagner à la recherche d'une autre cavité qu'il a aperçu, non loin de là, le mardi précédent. Le terrain très accidenté et la végétation luxuriante ne facilitent pas la prospection. Gilles prend de l'avance. Josiane et Lin suivent en se repérant aux traces de branches cassées. Lorsqu'ils arrivent à l'entrée, Gilles en ressort déjà. Une rapide incursion lui a permis de se rendre compte qu'il s'agit en fait d'une deuxième entrée de la même cavité. Il vient d'effectuer une traversée en aller et retour jusqu'à la résurgence et a fait la jonction avec l'autre équipe.
Josiane et Gilles topographient donc la traversée fossile. Les deux équipes se rejoignent pour achever d'explorer et de topographier quelques diverticules. Après 6 heures d'exploration, nous considérons la cavité "terminée". Il resterait bien un petit boyau, une désobstruction ou une escalade par ci ou par là, mais il est 19 heures. Nous savons que le camion nous attend jusqu'à 20 heures sur la piste et décidons de remonter le soir même. La montée est rude et nous arrivons d'extrême justesse à notre rendez-vous.
Description
La cavité est formée de deux parties bien distinctes: l'actif et un réseau fossile. Un très beau porche d'entrée (résurgence) se poursuit par une grande galerie de 10 mètres de haut pour quinze mètres de large. La rivière, d'un débit d'une dizaine de litres par seconde, serpente dans la galerie. A 130 mètres de l'entrée, alors qu'on devine encore la lumière du jour, on arrive dans une grande salle. Il est possible de continuer à remonter la rivière qui coule dans une galerie beaucoup plus petite (2 mètres de large pour 3 à 4 mètres de haut). La roche est noire, veinée de blanc. Le sol est constitué de galets de schiste. On observe sur le trajet de très beaux méandres fossiles. A 400 mètres de l'entrée, la galerie active recoupe une faille. Le plafond se perd dans le noir mais les galeries qui démarrent à droite et à gauche ne sont que des amorces rapidement colmatées. A 600 mètres de l'entrée, une profonde vasque d'eau marque la fin de l'actif. L'eau provient d'un siphon qui se devine à gauche au début de la vasque. Des branches et même des troncs d'arbres sont coincés à plusieurs mètres en hauteur dans le méandre. Il est pourtant difficile d'imaginer de telles remontées d'eau. Après la vasque, un ressaut remontant de deux mètres donne accès à la suite de la galerie. La morphologie ne varie pas mais la présence d'une boue tenace marque le caractère fossile (ou semi-fossile) de cette partie de la cavité. Une grande trémie qui laisse filtrer un important courant d'air bloque la progression vers l'amont. Plusieurs diverticules sont colmatés par la boue. Nous avons relevé, dans la minuscule salle terminale, des traces d'un petit mammifère ainsi que les reliefs de son repas (coquilles de noix).
Revenons dans la salle à 130 mètres de l'entrée. Un énorme éboulis remontant, plus ou moins bien stabilisé, marque le départ du réseau fossile. En se maintenant en paroi gauche, on accède à une grande galerie colmatée par une trémie. La salle se poursuit également vers l'ouest. Au sommet de l'éboulis, un petit passage bas en paroi gauche donne accès à une longue galerie surbaissée, colmatée par un éboulis au bout d'une centaine de mètres. La galerie principale continue vers le nord-ouest. Le plan montre qu'il s'agit de la suite amont de la grande galerie d'entrée. Elle se développe parallèlement à l'actif mais quarante à cinquante mètres plus haut. Nous aboutissons ainsi à l'entrée supérieure. Cette entrée se situe juste au-dessus de la faille qui coupe la galerie active. Le porche, extrêmement confortable, a servi d'abri comme en témoignent les nombreux aménagements (plate-forme, four, mur pour couper le courant d'air, etc.).
Après le porche, la galerie se poursuit vers l'amont jusqu'à une grande salle encombrée d'éboulis. En fait les nombreux blocs masquent la perspective et dans la partie terminale de la salle, l'équipe chargée de la topographie a fait de nombreux bouclages sans même sans rendre compte. Au début de la salle, le courant d'air provient de plusieurs petits puits entre des blocs. Mais ces puits sont tous colmatés à des profondeurs variant entre 10 et 20 mètres. Nous sommes juste au-dessus de la trémie fouillée dans la galerie active .
Biospéologie
*Prélèvement des échantillons G (3 Diplopodes, 2 Collemboles, 4 larves, 2 Embioptères, 8 Diptères, un crâne et des os de rongeur).
LIPS, Bernard; LIPS, Josiane; SCHALK, Patrick; COTTET, Jean-Pierre; BODIN, Michel; ARIAGNO, Daniel (1994) :
Spéléologie au pays de l'homme sauvage -AKL- Chine 1992.- 139 p. (20 photos couleur, 15 tableaux, 27 dessins, 5 cartes couleur, 9 cartes n. & b. et fig., 41 topos).
Analyse : BBS
Rapport spéléologique et scientifique d'expédition dans la région de Guilin et la province du Hubei (juillet-août 92). Déroulement; Contexte physique; Catalogue et fiches détaillées de 52 cavités pour 15,8 km de topo, 6 grottes d'un développement supérieur à 1000m., dont : Fen Dong (Xing'An) 1886m.-136m); Grotte du Pot de Chambre (Shennongia) 1535m.-60m.; Grotte des araignées (Yishang) 1383m. Hydrogéochimie (15 sites); Biospéologie : 127 prélèvements (liste et 40 déterminations); Annexes logistiques détaillées; Bibliographie. (FB).
6703 caractères - Lu 260 Fois
LIPS, Bernard; LIPS, Josiane; SCHALK, Patrick; COTTET, Jean-Pierre; BODIN, Michel; ARIAGNO, Daniel (1994) :
Spéléologie au pays de l'homme sauvage -AKL- Chine 1992.- 139 p. (20 photos couleur, 15 tableaux, 27 dessins, 5 cartes couleur, 9 cartes n. & b. et fig., 41 topos).
Rapport spéléologique et scientifique d'expédition dans la région de Guilin et la province du Hubei (juillet-août 92). Déroulement; Contexte physique; Catalogue et fiches détaillées de 52 cavités pour 15,8 km de topo, 6 grottes d'un développement supérieur à 1000m., dont : Fen Dong (Xing'An) 1886m.-136m); Grotte du Pot de Chambre (Shennongia) 1535m.-60m.; Grotte des araignées (Yishang) 1383m. Hydrogéochimie (15 sites); Biospéologie : 127 prélèvements (liste et 40 déterminations); Annexes logistiques détaillées; Bibliographie. (FB).
Source : BBS
Cette grotte a été identifiée ou explorée au minimum par cette (ces) expédition (s) :