Résumé :
Dates : du 11/10/11 au 20/10/11
Organisation : Plongée Spéléo Club Jeunes Années (P.S.C.J.A., Vénissieux) Associé à l’institut du karst de Guilin (I.G.K., Guilin, Guangxi, China) et à l’équipe d’administration de la grotte de Wanhuayan (Chenzhou, Guangxi, Chine)
Localisation : district de Chenzhou (Chine, province du Hunan)
Participants : Colette BOTTAZZI, Jonathan BOTTAZZI, CHEN Lixin, Arthur CLARKE, Carlos PLACIDO, Karen STOKES, ZHANG Hua, ZHANG Yuanhai.
Autres contributeurs aux topographies : L’expedition south China Caves 1988 et l’Hofman Environmental Research Institute.
2) contexte : Le comté de Chenzhou, au sud de la province chinoise du Hunan, possède une grotte touristique aménagée de longue date et connue sous le nom de Wanhuayan (grotte des dix mille fleurs). Elle a été topographiée une première fois en 1988, puis topographiée à nouveau en 2005 par des Américains (South China Caves, 1988 et Hofman Environmental Research Institut, 2005). Lors de cette deuxième expédition, des colorations avaient été réalisées, mettant en évidence des liaisons entre la rivière souterraine et des pertes situées sur le plateau. Le comté de Chenzhou souhaitait une nouvelle campagne d’explorations pour tenter de connecter cette rivière souterraine avec une de ces pertes, dans laquelle Eric Sanson avait fait une reconnaissance un an auparavant. Cette expédition, destinée à faire la promotion du secteur en attirant l’attention des téléspectateurs, devait inclure de la plongée-spéléo afin de rendre l’histoire plus impressionnante. Nous avons donc rassemblé une petite équipe pour répondre à cette demande bien précise et nous sommes rendu sur le terrain du 11 au 20 octobre 2011. Le bio-spéléologue australien Arthur Clarke était de la partie, pour compléter le tableau par ses découvertes. En marge des sorties décrites ci-dessous, il réalisera la collecte d’échantillons de faune dans toutes les cavités en ciblant ses recherches sur les crevettes.
L’expédition Wanhuayan 2011 a reçu le parrainage de la CREI sous le numéro 29/2011.
3) Déroulement de l’expédition.
- 11 octobre, Colette Jonathan et Carlos arrivent par le train à grande vitesse depuis Canton, Jean arrive en voiture, accompagné de Chen Lixin et Zhang Hua depuis le Guangxi où il réside. Arthur, Karen et Zhang Hai arriveront le lendemain.
- 12 octobre, le matin, nous sommes invités à visiter un site géologique de type Danxia, une montagne de grès joliment érodée. L’après-midi, Carlos tente de gonfler les bouteilles de plongée à l’aide du compresseur loué à Nanning, dans le Guangxi. Mais divers problèmes techniques tels que fonctionnement de la vanne et risque de retour de gaz d’échappement dans les bouteilles font qu’il doit s’interrompre dans cette tâche. Pendant ce temps, Jean et Jonathan font une reconnaissance rapide dans Songjiadong, la perte qui est supposée être tout proche de l’amont de la rivière de Wanhuayan. L’objectif du jour étant seulement de faire une reconnaissance, nous ne poursuivons guère au-delà du passage où il faut se tremper dans l’eau.
- 13 octobre, Colette et Jean retournent dans Songjiadong avec un peu plus d’ambition et surtout du matériel de topographie et prêts à se mouiller. D’après la reconnaissance que Eric avait faite l’année précédente, il faudrait trouver une escalade pour shunter un siphon à la recherche d’un hypothétique courant d’air. Le plan dont nous disposions alors montrait la perte vraiment toute proche de l’amont de Wanhuayan. La configuration du méandre, la rivière, la distance parcourue sous terre… tous ces facteurs rendaient tout à fait raisonnable l’hypothèse que la jonction était faite et que le seul problème était de l’établir par la topographie. Ces rêves ont été brisés en deux temps. D’abord sous terre en arrivant au siphon, qui ne présente pas de vrai espoir de shunt : rien ne suggère l’existence de passage supérieur, le courant d’air étant imperceptible depuis les derniers rétrécissements. Une fouille minutieuse à permis de trouver une petite salle perchée dont l’escalade pourrait être prolongée mais elle est probablement colmatée par la calcite. La seconde déconvenue a eu lieu le soir, après avoir fait les calculs topographique et tenté de les faire coller avec les documents fournis: même avec la meilleur volonté du monde, il était impossible de considérer les deux topographies comme ressemblantes. En passant du temps sur google-earth, nous découvrons le pot-aux-roses : Songjiadong est en fait située située à plus de 2 km de la jonction convoitée ! Ce constat provoque de grandes discussions entre les chinois de l’équipe et les gens de Chenzhou. Il en ressort que la grotte représentée sur la carte serait en fait Lianhuadong, grotte dont nous retrouverons la trace sur d’autres documents sous le nom de Zhenyandong. Nous retiendrons ce nom dans la présente publication. Le même jour, Carlos et Jonathan font une reconnaissance dans Wanhuayan et parcourent la rivière sur quelques centaines de mètres. Cette reconnaissance apporte une information capitale pour la suite des activités : l’eau n’est pas à 8°C comme annoncée mais bien moins froide (16°), ce qui est une excellente nouvelle car il est impossible de passer sans se mouiller, un rétrécissement interdisant l’usage de bateaux après une centaine de mètres.
- 14 octobre, la pluie nous incite à ne pas nous engager dans la longue rivière de Wanhuayan. Jonathan et Jean font donc, pour la troisième fois, la topo de la partie touristique de la cavité ainsi que du début de la rivière puisque, selon les dires de Zhang Hai, ceci est nécessaire, les données topo ayant été égarées. Pendant ce temps, Colette et Carlos vont à Zhenyandong. Ils en relèvent la topographie et la fouillent dans ses recoins. A part un laminoir aval nécessitant une désobstruction, il n’y a pas d’espoir de continuation.
- 15 octobre, les pluies n’ont pas été fortes et sont terminées. Nous nous engageons donc dans la rivière. Carlos est malade et ne peut pas participer. Par contre, les chinois sont en force. Nous disposons alors des informations suivantes : il y a une cascade, qui a été remontée, puis d’autres obstacles qui n’ont pas tous été franchis. Nous transportons donc des cordes et un perforateur. Il y a aussi des caméras, dont la vidéo 3D de Chen Lixin. L’escalade semble avoir été à l’époque faite quasiment en libre. Peut-être y avait-il moins d’eau ou un bon grimpeur. Le rocher n’est pas de bonne qualité et il a fallu l’attaquer par le côté, au perfo, avec quelques goujons et lunules. En haut, on retrouve les spits de l’année 2005 en bon état. Nous formons une équipe restreinte pour la suite, la salle au pied de la cascade servant de relais-restaurant, avec réchauds et force victuailles. Il est au demeurant for mal placé, dans l’axe des embruns, là où l’air froid est sans arrêt en mouvement. En haut de la cascade, il faut replacer le perfo dans son sac étanche et passer une marmite mi-nage mi-varrape où l’on se fait repousser par le courant quand on essaye d’en sortir. Les difficultés s’enchaînent. On monte une autre cascatelle par une vire, puis une autre un tantinet plus scabreuse au-dessus d’une marmite. A chaque fois, le perfo et les cordes évitent de se poser des questions ou de prendre des risques inutiles. On quitte un instant la rivière par une coulée de calcite. Les amis chinois trouvant un passage trop aisée et désireux d’économiser le matériel prennent l’initiative de récupérer la corde de descente… et la font tomber dans l’eau. Il sera impossible de la retrouver. On finit par arriver à un siphon, bien franc mais pas très gros, d’où arrive le débit principal. Un petit siphon dans un gours de calcite quelques 50 m auparavant amène un petit affluent. Comme il restait de la capacité dans le perfo, une escalade a été faite 20 m avant le siphon dans des volumes prometteurs. Hélas, une trémie bloque le passage. Cette escalade est la seule véritable exploration que nous ayons faite dans cette grotte, puisque plus tard, en épluchant le dossier de la cavité arrivé tardivement sur le terrain, on a retrouvé des croquis d’explosé allant jusqu’au siphon. La rivière elle-même, à son début, présente indiscutablement du courant d’air, mais on le perd, bien avant la cascade.
- 16 octobre, l’exploration de la veille s’étant achevée tôt le matin, cette journée est principalement consacrée au repos à à l’achat des diverses bricoles nécessaires à la mise en place de la plongée du lendemain, à la récupération d’une corde laissée le premier jours dans Songjiadong et à quelques visées topo pour disposer d’une version complète de Songjiadong sous toporobot. Une conférence sur la spéléo et les techniques de cordes est également tenue dans une salle des bâtiments administratifs de la grotte à un public d’étudiants et membres d’un club local de sports de plein.
- 17 octobre, le but de la plongée n’est fort heureusement pas d’engager l’exploration en plongée du siphon terminal de Wanhuayan mais seulement de produire quelques images pour la télé. Nous nous installons pour cela dans le début de la rivière. Carlos est à peu près rétabli et nous arrivons à faire quelques bulles sous l’oeil binoculaire de la vidéo 3D de Chen Lixin mais dans une eau pas assez claire pour faire quelque chose de vraiment joli.
- 18 et 19 octobre, ces journées sont consacrées à diverses cérémonies, visites et communications, puis chacun repart par là où il est venu.
4) Description des cavités :
- Songjiadong est une perte formée au contact entre le granit et le calcaire. Après une partie large et aménagée, on y trouve une rivière coulant parcourant un méandre jusqu’à un siphon. L’entrée se trouve au fond d’un canyon verdoyant dans lequel a été aménagé un chemin et quelques passerelles dont les planches sont passablement pourries et surtout très glissantes. La cavité elle-même a subit un semblant d’aménagement consistant en un chemin de béton et un ensemble de lignes électriques vétustes. Des détritus divers laissés par les crues donnent à la grotte un aspect peu avenant. Non loin de l’entrée, sur la droite, une galerie remonte jusqu’à un porche perché dans le canyon. Le chemin aménagé s’achève dans une salle à 150 m de l’entrée, elle remonte fortement sur la gauche mais ne présente pas de continuation. Il faut donc suivre le ruisselet dans un laminoir. Des morceaux de bois équipent une escalade de 2 m au-delà, de laquelle on redescend d’autant pour arriver à un puits de 5 m environ. Ce puits ne doit pas être descendu car à sa base le passage est presque siphonnant. Sur le coté droit, en montant sur une coulée de calcite par un passage un peu étroit, on arrive en haut d’un autre puits, d’une quinzaine de mètres, sur une coulée de calcite, qui shunte cet obstacle. Un petit affluent vient y déverser une cascade. La rivière en bas du puits reste modeste. Toutefois, en suivant le méandre, si on n’y prend pas garde, on passe sans le voir devant l’arrivée de la rivière principale. D’un débit de l’ordre de 100 l/s, elle sort d’un étrange siphon tout rond, foré à même un grosse coulée de calcite. Elle présente deux passages latéraux. Le second n’est qu’un conduit parallèle, mais le premier présente un intérêt : il permet de remonter plus haut que le plafond du méandre. On trouve ainsi une salle perchée avec une branche rejoignant presque le sommet du P15 et une autre remontant plus haut encore sur une grande coulée de calcite. L’exploration a été stoppée par un pas jugé trop risqué. Vers l’aval, la suite est une belle rivière courant au fond d’un méandre large de 1 à 2 m et haut d’une hauteur pouvant dépasser 20 m. Des coulées stalagmitiques créent quelques incidents de parcours qui obligent à passer dans l’eau sans pour autant rendre la natation obligatoire. Au terme de quelques centaines de mètres, on arrive au siphon marquant la fin des explorations. Il ne semble pas y avoir de shunt à ce siphon, le courant d’air est absent vers la fin du méandre et peu marqué dans son début.
- Wanhuayan (拱뺐喫, grotte des dix mille magnifiques, UTM 49R0693696 2844633, Z = 210 m).
Cette grotte a été topographiée par des américains en 1987, son développement total serait de 7 km pour un dénivelé de 110m. Elle accueille des touristes depuis à peu près la même époque. Il s’agit d’une traversée dans le carbonifère. On remonte depuis la résurgence jusqu’à un regard, une galerie sèche permet d’avancer plus loin jusqu’à une perte fossile. Un gros affluent s’écarte du parcours visitable et constitue la majeure partie du développement. Le parcours touristique débute par une vaste résurgence et suit une belle galerie bien taillée de 10 à 15 m de diamètre avec des belles concrétions de part et d’autre d’un torrent souterrain. Les spots multicolores, le béton du chemin, escalier et balustrades... facilitent la progression. Des panneaux lumineux de ci de là indiquent là où il faut voir le paradis, la vierge, le père noël ou je ne sais quel raton laveur. Trois haltes-buvette et un poste de secours sont aménagés, l’éclairagiste a soigneusement ménagé une zone de quasi obscurité après chacune d’elle afin que le visiteur se sente arrivé et fasse éventuellement demi-tour après une halte prolongée. Ceux qui ont atteint la troisième buvette se voient traditionnellement proposer un retour en mini-raft sur la rivière, en effet, 50 m plus loin, plus de 50 rafts sont empilés. Il faut dire que le lit de la rivière a été calibré à cet effet. Plus loin, on finit par remonter une doline-puits exagérément qualifié de tiankeng grâce à des escaliers. Un chemin bien tracé permet de revenir par l’extérieur. Ce parcours ferait 2 km, il représente une extension de 850m. Wanhuayan est avant tout une grotte touristique permettant un parcours La rivière est longue, très longue. Elle coule dans un beau méandre parfois taillé dans le marbre et aux formes élégantes. On quitte rarement l’eau, notamment pour shunter un siphon. Mais fort heureusement, les rares portions où il est nécessaire de nager ont peu de courant. Le profil du conduit change en une galerie semi-tubulaire où nous apprécions de marcher au bord de l’eau. On observe un affluent important, environ 1/3 du débit, mais dont l’eau est très trouble. Il provient d’une fissure boueuse et peu engageante. Quelques centaines de mètres encore et nous voici au pied de la cascade. D’une quinzaine de mètres, elle est provoquée par une faille.
Conclusion : Cette expédition répondait à une demande principalement médiatique. Nous avons fait très peu de réelle découverte, mais nous étions préparés à cette éventualité et bien qu’il soit toujours désagréable d’apprendre le lendemain les informations qui auraient la veille permis d’être efficace, cette expérience agréable nous permet de mieux connaître la Chine et son patrimoine naturel. En effet il ne fait aucun doute que si Wanhuayan était en France, sa rivière serait une des classique les plus réputées et parcourues. A la dernière minute, nous avons accès à un dossier sur la grotte contenant toutes les informations qui auraient pu nous permettre d’avoir des résultats. Les spéléos américains qui nous ont précédés ont fait un beau travail et en dehors de l’escalade avant le siphon terminal, seule quelques centaines de mètres dans Songjiadong ont été ajouté aux topographies existantes.
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