B. Le réseau de la Gaolu souterraine
Ce réseau de plus de 11 km de développement possède trois entrées connues : Gaolushuiluodong qui est la perte pérenne de la rivière Gaolu, Ganlongdong qui est la résurgence de trop-plein et Guanniudong située juste au-dessus de cette dernière.
Gaolushuiluodong - Perte de la rivière Gaolu
(fig. 82) - Code : Liu982 - Village : Xingchang - Gaolu
Lat. : 26°26’07”N - Long. : 105°16’48” E - Alt. : 1 380 m
Dév. : 11 835 m - Dén. : - 184 m - Vol. : 711 710 m3
1. La perte de la rivière Gaolu
Code : Liu982
Lat. : 26°26’07”N - Long. : 105°16’48” E - Alt. : 1 380 m
La grotte-perte de la Gaoluhe est située à 2,5 km au nord-ouest de Xingchang. Une piste difficile, même pour un véhicule 4 x 4, s’arrête au hameau de Songduo. De là, on continue à pied vers le sud-ouest dans l’axe de la vallée sèche, en se dirigeant vers un ensemble de petits cônes karstiques très caractéristiques qui dominent la perte, en rive droite de la Gaoluhe. Le site de cette vallée aveugle, enchâssé dans la montagne, semble hors du temps. Dans les falaises, de nombreux orifices de grottes sont visibles dont une grotte fortifiée perchée au milieu de la paroi. Ces cavités se développent dans les calcaires blancs du Trias inférieur (T1yn1) dont le pendage de 3° présente une direction N140°.
- De l’entrée au réseau des Pas (0 à - 76 m)
D’un débit de 50 à 100 l/s, la rivière pénètre dans un porche trapézoïdal de 20 m de large sur 20 m de haut en cascadant entre les blocs. En rive gauche, on observe les inévitables témoins de l’activité humaine sous la forme de murets délimitant une ancienne terrasse. On suit ainsi le collecteur vers l’est sur 450 m où de nombreux orifices perchés n’ont pas été explorés faute de temps. La rivière souterraine emprunte ensuite des passages bas sur 250 m ; en cas de crue, cette partie serait impraticable et dangereuse du fait de sa longueur. C’est au débouché du dernier laminoir que la rivière se perd. A partir de ce point, la galerie devient silencieuse et spacieuse sur 350 m. Le plancher de galets est parfois scellé par des formations stalagmitiques ; plusieurs coudes à 90°, commandés par la fracturation, rompent la monotonie de la progression.
Nous laissons de nombreuses galeries affluentes et rejoignons un premier carrefour formant une salle. Le côté droit est envahi par un gros éboulis sur lequel croissent des stalagmites ; le côté gauche est occupé par le lit de galets. Vers le nord-est, une galerie large et basse, encombrée de nombreuses stalagmites, mène à un regard sur la rivière, mais celle-ci coule dans une galerie basse impraticable. A l’est la galerie principale devient plus accidentée ; de nombreux blocs polis et des vasques font leur apparition, indiquant une intense activité hydrologique en période de crue. Au bout de 200 m, on parvient à un deuxième croisement localisé à 1 300 m de l’entrée et à la cote - 76 m ; c’est le départ du réseau des Pas situé en rive droite.
- Le réseau des Pas (- 76 à - 6 m)
Il s’agit d’un affluent actif que l’on remonte sur environ 200 m, vers le sud et vers le sud-ouest. Le ruisseau, d’un débit de 2 l/s environ, est suffisant pour alimenter de profonds bassins situés en rive droite. Cet écoulement émerge des blocs, au pied d’un puits d’effondrement qui éventre le plafond en formant une salle de 50 x 30 m. L’éboulis, très pentu, mesure 50 m de haut et se termine par un ressaut boueux de 3 m, délicat, dominant un vide de 20 m. Deux galeries apparaissent alors : l’une se dirige vers le nord-ouest en montant jusqu’à un puits de soutirage que nous n’avons pu franchir sans équipement ; l’autre, la galerie des Pas, descend vers l’ouest jusqu’à une obstruction stalagmitique active. C’est au début de ce conduit que nous observons des empreintes de pieds nus dans l’argile. Celles-ci se dirigent vers l’éboulis, donc vers la sortie actuelle. Apparemment, il s’agit au moins d’un adulte et d’un enfant. Notre curiosité, désormais en éveil, nous permet de repérer de nombreux grattages de torches dans l’éboulis, permettant le prélèvement de petits charbons de bambou pour une datation au carbone 14. Ces observations, qui accréditent des visites souterraines parfois anciennes, loin des entrées actuelles, à l’aide de torches en bambou posent à nouveau de multiples questions : âge, pénétration par des entrées actuellement bouchées ou inconnues, etc.
- Le laminoir de la Jonction (- 139 m)
Depuis la birfucation avec le réseau des Pas, la galerie principale se poursuit vers le nord-est en prenant la morphologie d’un canyon ; ce surcreusement sous la voûte en plein cintre crée un très beau profil de galerie. Pendant 400 m la progression se fait en zigzagant entre des vasques d’eau et de gros blocs polis bien représentés au niveau du Chaos Usiné. Finalement, on retrouve la rivière à 1 720 m de l’entrée. Dans de petits biefs folâtrent quelques poissons cavernicoles blancs ; un exemplaire de 5 cm de long est prélevé pour détermination (photo 122). Puis la rivière se fraie un chemin à travers les blocs sur une distance de 250 m. A mi-parcours, un affluent de rive droite de 10 l/s vient renforcer son débit, c’est l’affluent des Douches, méandre de 2,5 m de haut qui n’a pas été remonté. La rivière principale disparaît 50 m en aval, en rive gauche. La galerie présente à nouveau un profil en canyon sur 150 m, puis elle change de morphologie. De nouveau le plancher est recouvert de galets, mais le plafond s’abaisse à 3 m de haut et prend une section triangulaire ; quelques branches coincées au plafond ne présagent rien de bon. Deux petits départs ne sont pas explorés. Cette “autoroute” de galets finit par déboucher dans la salle de Décantation, de 20 m de large sur 60 m de long. A l’entrée, sur la gauche, un départ au-dessus d’une coulée stalagmitique serait à revoir. Un raide talus de boue occupe l’autre extrémité de la salle et la colmate entièrement. Sur la gauche, un court laminoir de 40 cm de haut aboutit dans une galerie à ventilation aspirante. Ce laminoir qui s’ennoie en crue marque l’arrêt de l’exploration de 1998 pour des raisons de sécurité. Il est situé à 2,4 km de l’entrée et à la cote - 139 m. En 2001, il devient le point de jonction avec Ganlongdong sous le nom de laminoir de la Jonction. [J.-P. Barbary et F. Darne]
2. Ganlongdong - Grotte sèche du Dragon
(fig. 82) - code : Liu982
Lat. : 26°26’39” N - Long. : 105°19’20” E - Alt. : 1 220 m
Cette grotte-résurgence temporaire constitue le trop plein de crue du système karstique de la Gaoluhe souterraine. D’après les habitants, la résurgence permanente se situerait 20 m plus bas, dans le lit de la Nalongqiaohe, vers 1 195 / 1 200 m d’altitude. La cavité s’ouvre 4,5 km au nord-est de Xingchang, à l’extrémité d’une longue vallée sèche qui recoupe en rive droite la gorge de la Nanlongqiaohe. C’est en aval de ce canyon, en rive gauche, que se situe la fameuse grotte-forteresse de Anjiadong. L’entrée de Ganlongdong se situe à 100 m en aval du pont qui permet à la route de franchir la rivière. Depuis ce pont, en direction de Xingchang, prendre la première piste à droite. Dans son premier coude, tout droit, on suit un sentier qui se termine par la mauvaise vire herbeuse aboutissant au porche où niche un couple de hiboux.
- De l’entrée à la jonction avec le réseau de Gaolu (Shuiluodong)
Dès le porche d’entrée, large de 30 m et haut de 15 m, on est saisi par le puissant courant d’air frais qui souffle vers l’extérieur alors que la température extérieure affiche 32°C en cette journée de juillet 1998. Le profil de la cavité est celui d’un canyon souterrain haut et étroit. Aussi, est-ce par des chemins détournés, à mi-hauteur ou presque au plafond, que nous rejoignons le plancher de la galerie. Des blocs lisses et arrondis jonchent le sol ; au bout de 100 m, on franchit un chaos d’effondrement recouvert, à droite, par une grosse formation stalagmitique. Cet endroit marque une limite au delà de laquelle les blocs polis font place à des graviers et de petites dunes de boue.
De longues stalactites, déformées par le courant d’air et atteignant jusqu’à 3,5 m de longueur, ornent le plafond où quelques chauves-souris virevoltent. Comme des cimeterres, elles semblent garder l’entrée d’un austère canyon en trait de scie, de 0,4 à 1,2 m de large, que l’on suit sur 100 m. Puis la galerie change de profil : la largeur passe à 7 m et la hauteur se réduit à 4 m. L’ensemble du courant d’air semble passer par ce conduit de 30 m2. Il n’y a pas de doute, c’est le courant d’air d’un grand réseau qui fonctionne en tube à vent, par le processus de thermoventilation, à cause de la chaleur extérieure. On débouche dans une salle dans laquelle arrive une galerie, située à main gauche, qui constitue la future jonction avec le réseau de Guanniudong par l’affluent de Rive Droite.
En remontant le lit de ce collecteur temporaire, on est contraint de suivre à nouveau le fond étroit du canyon dont les parois luisantes sont “usinées” par l’eau. Dans ce défilé inférieur à 1 m de large, les visées topographiques sont courtes. Au bout de 200 m, un ressaut vertical de 6 m marque un seuil typique lié au travail de l’érosion régressive. Seul un judicieux lancé de corde permet de le franchir. Au delà, le passage s’élargit entre 4 et 6 m : c’est la galerie des Marmites Fiévreuses en référence à la pathologie des quatre explorateurs qui déambulent dans cette succession de marmites coalescentes. Après 60 m, la progression de 1998 est arrêtée sur un bassin profond situé à 630 m de l’entrée.
Durant l’hiver 2001, le bassin est évité par une escalade de 5 m. Puis la progression reprend dans un méandre de 0,4 m présentant des évasements de plus en plus fréquents et larges. On laisse sur la droite une grosse salle supérieure sans suite. Il faut parfois se glisser entre des blocs, mais la progression est globalement aisée. 400 m plus loin, on arrive sur un beau canyon que l’on franchit en balcon pour redescendre dans son lit. Sur la rive gauche, on observe une galerie qui grimpe fortement sur une coulée de calcite. Au point le plus haut, les squelettes et le guano de chauve-souris sont fréquents. Cette branche tourne, redescend et revient sur elle-même. Au niveau du bouclage, sur la gauche, on accède à un puits de 17 m dont la base présente des plumes d’oiseaux.
Dans la galerie principale, on progresse à nouveau en balcon, en rive gauche, sur du calcaire blanc. La galerie dessine une courbe et devient plus étroite. A l’extérieur du virage, un départ donne accès à un réseau développant plus de 1 km, dénommé Une Corde et Pas Plus. Le réseau se termine sur un conduit rectiligne, long de 200 m, appelé le Grand Couloir ; il aboutit sur un puits de 17 m correspondant à une zone de mise en charge alimentée par un petit écoulement qui se perd dans un siphon.
Revenu à nouveau dans la galerie principale, on avance de 300 m avant de croiser en rive droite un conduit de 200 m de long se terminant sur une coulée stalagmitique. Dans la galerie principale, après 600 m de progression facile vers le sud-ouest, on bute sur un passage bas qui n’est autre que le laminoir de la Jonction avec le réseau de Gaolu (ou Shuiluodong). En ces lieux de mise en charge et malgré le courant d’air, les parois demeurent noires et humides . [J.-P. Barbary, J. Bottazzi et L. Mangel]
- Le réseau de l’affluent Rive Droite
Ce réseau de plusieurs kilomètres de développement débute au sud-ouest, à 300 m de l’entrée de Ganlondong, juste après le tube ventilé, au niveau d’une salle. La galerie commence par un labyrinthe de petits passages permettant de sortir dans le plancher d’une vaste galerie fossile de 20 m de large sur 30 m de haut, à proximité d’un énorme pilier stalagmitique. Le courant d’air remontant en hiver a complètement séché la fine couche d’argile qui recouvre les blocs effondrés et les concrétions. Après un ressaut de 4 m, on laisse sur la droite un puits qui aspire l’ensemble du courant d’air. Plus loin, sur la droite, une galerie chaotique, de 5 x 10 m, donne sur un puits. On évite ce passage par un petit boyau.
Dans la galerie principale, appelée aussi la galerie du Lac, on longe un lac par une vire située au ras de l’eau (photo 130). Ensuite, il faut escalader une coulée stalagmitique pour traverser des gours secs. A partir de ce point, la section de la galerie se réduit à 30 m2. Le parcours est accidenté par des concrétionnements qui barrent le passage à deux reprises. On arrive ainsi à une fourche avec deux galeries de section identiques, de 3 x 5 m. Dans la galerie de gauche, se dirigeant au sud, le courant d’air est perdu dans un soubassement sans suite. A partir de ce point, le vent circule dans l’autre sens, l’argile devient humide, les parois sont noires et la progression est moins agréable. Au total, ce réseau se développe sur 300 m et se termine sur un puits de 15 m entouré de micromarmites. Le léger courant d’air soufflant qui circule dans cette branche provient de ce puits qui se dirige vers l’aval du réseau.
De retour à la fourche précédente, on prend à l’ouest la galerie Monotone qui développe plus de 2,5 km. Elle débute par une grosse coulée stalagmitique qu’il faut escalader. En haut, le courant d’air s’accentue, puis la galerie devient plus régulière, les concrétions se raréfient et il faut parfois enjamber des petites laisses d’eau. Sur la gauche, une branche localisée en bas d’un ressaut n’a pas été explorée. Peut-être explique-t-elle la raréfaction du courant d’air. Une fine couche d’argile vient progressivement tout recouvrir. La galerie, pratiquement horizontale, présente quelques bassins nécessitant un bain. Vers la fin du réseau, le sable semble l’emporter sur l’argile, mais c’est finalement les blocs cassants et coupants comme des rasoirs qui nous marquent le plus. Au delà d’un puits-cheminée, après une petite salle formant un carrefour, des petites branches sont disposées sur les talus ; leur origine est sur la droite, en haut de la coulée, avant le siphon qui marque la fin de cette galerie. Au sommet de cette coulée, on peut suivre une petite galerie qui arrive à la base d’un puits remontant, le puits du Brin de Laine, où on peut observer un tesson de bol et un brin de laine. Ces indices indiquent une relation proche avec la surface, mais le courant d’air est très faible. Si l’on prend à gauche dans la salle carrefour, la galerie est boueuse et de petite section. 20 m plus loin, une salle est percée par le puits des Cheveux, profond de 10 m, qui marque l’arrêt de nos investigations. Les cupules montrent que nous sommes dans une branche amont. [J. Bottazzi]
3. Guanniudong - Grotte du Gardien de Vaches
(fig. 82) - code : Liu012
L’entrée fossile de Guanniudong s’ouvre 115 m au sud-ouest de Ganlongdong et 64 m plus haut. Le porche d’entrée, de 15 x 4 m, donne accès à un conduit de 20 m de large. Puis on progresse de 60 m dans une galerie plane de 40 m2 de section, pour déboucher sur un puits de 20 m qui jonctionne avec Ganlongdong, juste à l’ouest du Tube Ventilé. Lorsque l’on ne descend pas le puits, on tourne à gauche pour suivre un balcon sur 50 m qui débouche sur une galerie de 10 x 20 m. On enjambe le vide à plusieurs reprises. Cette galerie totalise 200 m et se termine sur une lucarne débouchant à nouveau sur Ganlongdong. [N. Clement]
"BARBARY, Jean-Pierre; BOTTAZZI, Jean; DARNE, Fabien; MAIRE, Richard; MANGEL, Laurent"
Karstologia Mémoires, n° 9 : Voyages en terre chinoise : Chapitre 2
Analyse :
Le plateau de Xingchang (district de Liuzhi, Guizhou, Chine) est un massif économiquement déshérité mais riche d'histoire et de karst. Lors d'expéditions en 1997, 1998 et 2001 nous y avons exploré 22 km de cavités dans quatre réseaux remarquables. Le système perte-résurgence de la Gaoluhe développe environ 12 km. Au nord-est, la grotte de Wuliudaxiaodong est une ancienne exploitation de nitrates de grande ampleur et constitue l'ancien cours souterrain de la Gaoluhe. Au sud, le système de Heitanghe présente deux maillons fossiles : le paléocollecteur de Linjiadong et son prolongement dans l'énorme grotte de Fujiadadong. Ces grottes présentent toutes d'importants vestiges historiques. (BJ).
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