Le réseau de Shanyangdong
L’entrée de ce nouveau réseau a été reconnue dès 2006, mais ça n’est qu’en 2008 que nous avons poussé son exploration jusqu’à un développement de 4502 m et une profondeur de 174 m.
On est en présence d’un réseau cutané et ramifié à entrées multiples. Un axe général semble se dessiner, remontant sous les hauteurs du massif vers l’amont et pointant à l’aval en direction des gorges de Fuyan. La surface n’étant jamais très loin, il est difficile de faire des pronostics sur le devenir de cette cavité si encline aux coups de théâtre.
a. Accès
Depuis le col au-dessus de Fuyan, un chemin carrossable repart au sud vers un groupe de mines de charbon correspondant au bas du Permien supérieur. Après avoir franchi un grand village, la route monte en lacets puis longe une grande combe au fond de laquelle on peut voir la grosse entrée de Fengjiadong. Lorsque la route atteint l’axe de la combe, prendre le sentier qui la longe en remontant dans les prés. On passe devant plusieurs belles pertes sans nom, puis on arrive en balcon au-dessus de l’énorme entrée de Shanyangdong. L’effondrement en amont de la grotte se nomme Dingmudong et mesure plus de 400 m de long pour 100 m de large. Ses parois sont presque toutes verticales et sa base est très rarement fréquentée. Il est traversé par deux petites rivières déposant un limon jaune-orangé et qui se rejoignent avant de se perdre sous la haute entrée triangulaire de Shanyangdong qui mesure 60 m de haut et 40 m de large. Les autochtones annoncent que cette eau résurge dans la gorge de Mawangdong, mais rien n’est moins sûr car les reliefs extérieurs suggèrent plutôt un drainage vers une autre rivière située à l’est du massif, plus de 500 m en contrebas.
Lorsqu’il fait froid, l’air chaud exhalé par la grotte se condense et forme un épais brouillard dans la partie haute du porche et dans la galerie principale.
b. La perte de Shanyangdong (6)
La galerie d’entrée, large et haute, s’enfonce comme un tube de section rectangulaire dans l’axe de la vallée. Il est possible de voir la lumière extérieure jusqu’à 500 m de l’entrée.
Peu après l’entrée, sur la gauche, se devine un départ derrière un rocher décamétrique contre lequel des murs de pierres sèches ont été construits. Derrière les murs et le bloc, la galerie s’arrête en cul-de-sac. Dans l’axe de la galerie, un ruissellement arrive du plafond. Une escalade de 15m verticale serait nécessaire pour voir la suite. Vers le sud, un petit actif de couleur blanche arrive d’une galerie située 12m plus haut. Cette escalade serait à faire, elle paraît nettement plus intéressante que la précédente.
La galerie principale est parcourue par un ruisselet, 50 m plus loin, il se jette dans un ruisseau de 10l/s à l’eau jaune. De cette galerie souffle parfois un très fort courant d’air lié aux conditions météorologiques locales et à la proximité d’une sortie. La galerie principale continue encore sur 200 m, son diamètre diminuant progressivement, montrant des traces de montée des eaux de plus en plus marquées jusqu’à aboutir à un siphon.
Quarante mètres avant la fin, un petit ruisseau arrive de droite, derrière un imposant monticule d’argile. Un méandre à peine étroit, ventilé, se laisse facilement remonter. Après le terminus topo, 60m ont été parcourus, le méandre s’élargit (4 m) et l’on arrive au pied de puits remontants de 20 m. Le méandre continue en bas, avec des départs probablement en haut des puits. Ce méandre doit probablement ressortir en surface au niveau d’une vaste entrée, 100m au nord-est de la doline dans l’axe de la vallée, près d’une ferme : un vaste porche a été aperçu en montant.
c. La perte de l’arche et les trois puits (7, 8)
Remontons maintenant le ruisseau principal. Le passage est bas et large sur 10 m et l’on passe à genoux sur les galets pour éviter l’eau jaune. La galerie s’élargit considérablement ensuite pour se dédoubler. La partie de gauche est fossile et encombrée de blocs effondrés du plafond ; la rivière quant à elle emprunte un passage bas à droite.
La galerie continue, large et haute (25 mx15 m), de gros rocs jonchant le sol. Sur la droite, un actif résurge d’un siphon.
Vingt mètres plus loin, un départ a été laissé. On trouve des escaliers grossièrement aménagés, un semblant de bassin de décantation, dans une atmosphère très sèche contrastant avec la galerie principale. On y trouve des feuilles mortes desséchées. La suite semble labyrinthique.
Après ce passage, la galerie remonte plus sensiblement et on commence à entrevoir la lumière du jour. Il y a une vaste salle d’effondrement sur la gauche. Sur la droite, une conduite forcée fossile repart en arrière, parallèlement à la galerie principale qu’elle rejoint finalement en plafond au niveau du dédoublement précédemment décrit. Cette galerie continue dans le même axe, une main courante de 15 m permettrait de sécuriser l’accès à cette suite possible.
La lumière du jour provient d’une doline d’effondrement de 60m de diamètre, bordée de parois verticales de 20 à 40m de haut, dont le fond en forte pente présente 26 m de dénivelé, c’est la perte de l’arche.
En remontant le fond de la doline vers l’est, on arrive dans la branche des trois puits. Trois puits débouchent en surface et quelques déchets plastiques sont visibles au sol. La salle terminale bute sur une trémie impénétrable.
d. Le puits glacé (9)
L’actif que l’on retrouvait dans Shanyangdong provient en partie d’une cascade au sud-ouest, passant sous un pont naturel haut et étroit.
L’autre partie, un bel actif blanc, sort d’un porche de 8 m x 5 m situé à l’extrémité sud de la doline. La suite s’élargit, un petit actif arrive de gauche. Il provient en cascade d’un méandre que quelques escalades ont permis de parcourir. Un réseau supérieur se développe dans l’interstrate mais les escalades qui en défendent l’accès ont été laissées à de prochains explorateurs.
Cinquante mètres plus loin, toujours sur la gauche, un petit actif sort d’un méandre impénétrable. Au-dessus de lui, on peut remonter une large coulée stalagmitique concrétionnée. Un trou pénétrable dans le plancher stalagmitique redonne sur l’actif 7 m plus bas. Il serait intéressant de voir si le méandre continue, en bas, le sommet de la coulée étant bouché par le concrétionnement.
Dans la galerie principale, la rivière s’élargit pour prendre toute la largeur de la galerie, tandis que le plafond s’abaisse. Il faut alors se mettre à plat ventre, un vent glacial sur le visage et presque se mouiller pour passer une voûte basse qui siphonne en saison des pluies. Cette étroiture est ponctuelle, la galerie retrouve des dimensions respectables et arrive dans une salle éclairée par la lumière du jour.
Sur la droite en effet, après avoir franchi des blocs effondrés et des plaques de glace vive, on arrive au fond d’un puits ovale taillé à l’emporte-pièce très esthétique, entièrement bordé de parois verticales de 25 m de haut. Sous les feuilles mortes jonchant le sol, on a une épaisse couche de neige gelée. Nous sommes dans le puits glacé. Côté nord, un petit méandre arrive à mi-paroi. Il peut constituer un objectif d’exploration secondaire.
e. Huobiangaidong (10)
La galerie principale change de forme et devient un haut méandre de 10 m de large et 20 m de hauteur parcouru par un ruisselet. Après quelques minuscules arrivées d’eau arrivant en cascade sur la gauche, nous laissons à droite un méandre avec un bon courant d’air dont le fond est occupé par une laisse d’eau glaciale qu’un mauvais ressaut de 4m pourrait permettre de le traverser. En remontant le ruisselet sur 60m, on arrive au “carrefour des maladroits”. L’actif provient de la branche de gauche et ressort à Huobiangaidong.
Huobiangaidong présente un porche d’entrée de 20 m de haut, 6 m de large, caché au fond d’une doline à côté du village de Huobiangai. En hauteur, un peu à l’intérieur sur la droite, un renfoncement naturel pratiquement inaccessible sans échelle a été protégé par des pierres. La galerie d’entrée descend régulièrement. Nous notons de nombreux débris de poteries et des murs de pierres sèches. Plus bas, deux murs décalés de 1,8 m de haut forment une sorte de porte. Enfin, au niveau d’un replats, nous trouvons les restes d’un véritable camp souterrain. Des pierres ont été assemblées pour former une plate forme, nivelée avec du gravier. Des branches d’arbre (diamètre 10-15cm) sont fixées dans le sol, probablement pour installer une bâche. Des morceaux de poteries cassées sont présents. Quelques mètres plus loin se trouve le “carrefour des maladroits”.
f. Le puits du lynx (11)
Au sud-ouest de ce carrefour après les contorsions imposées par le contournement d’un gros bloc, au pied d’une cascade de faible débit et de 17 m de haut deux escalades successives de 4m donnent accès, vers l’ouest, à un embranchement en “T”. À droite, on bute sur un ressaut arrivant en balcon au-dessus du carrefour des maladroits. À gauche, le sol est jonché de blocs et de cailloux sur 100 m. Quelques concrétions agrémentent la galerie qui est percée à trois endroits par des puits (de 7 à 8m), que nous n’avons pas descendus mais qui doivent tous rejoindre le niveau inférieur. Cette galerie arrive en balcon (R5) à la Salle du “carrefour multiple”.
Le “carrefour multiple” donne accès à de nombreux départs de galeries. Il y a un vaste volume dans lequel on trouve ça et là des déchets d’origine anthropique au sol (emballages plastiques). Au nord-est, un balcon laisse voir une galerie descendante de grandes dimensions qui sera un objectif prioritaire pour une prochaine exploration. Prévoir une corde pour descendre.
En longeant la paroi nord, en direction ouest-sud- ouest, après un premier ressaut de 10 m légèrement actif la galerie remonte fortement par escalades successives et gagne 60 m de dénivelé sur 110 m, pour arriver au pied d’un puits en cloche qui débouche en surface. Le puits du lynx doit son nom au cadavre d’un grand félin que nous avons trouvé au pied. Ce cadavre était très récent, le sang sur les vertèbres était encore rouge, tous les os étaient rongés, seule la tête et la colonne vertébrale restaient solidaires. Après le puits, la suite est très étroite et peu engageante.
g. Le puits de l’ascenseur
Depuis le “carrefour multiple”, juste avant le ressaut de 10m montant vers le “puits du lynx”, un pas d’escalade sur la gauche donne accès à une galerie supérieure fossile, non ventilée, sans suite possible et légèrement concrétionnée avec beaucoup de concrétions en forme de choux-fleurs. Elle est percée de puits qui rejoignent l’étage inférieur décrit plus loin. Nous avons pu remarquer que de petites concrétions avaient été cassées et positionnées comme des cairns en milieu de galerie.
En dessous de cette galerie part une faille qui arrive en balcon au sommet d’un puits de 20m d’où l’on entend monter un bruit d’eau courante. Un départ sur la droite, juste avant le puits, redonne sur une autre P20 non descendu et sur une galerie parallèle à l’axe de la faille qui revient juste à côté du “carrefour multiple”.
En traversant le P20 en vire, on tombe 10 m plus loin à mi-hauteur du “puits de l’ascenseur”, un gros puits sur la droite, qui remonte sur 40 m et qui descend de 20 m. La galerie continue tout droit et s’arrête sur un puits remontant de 30 m.
Le P20 lui-même donne accès à un niveau infé- rieur où il y a de nombreux départs. [Olivier Testa]
BOTTAZZI, Jean; BARBARY, Jean-Pierre; HUGON, Bruno (2011)
Spelunca Mémoires, n° 35 (2011) : 306 p. 300 photos, 135 topos, 14 cartes (ISBN 978-2-900894-18-7)
Voyages en terre chinoise tome 3 : Expéditions spéléologiques franco-chinoises du P.S.C.J.A. de 2006 à 2010.
Analyse :
Les résultats traités dans cet ouvrage rendent compte des travaux effectués au cours de six expéditions du P.S.C.J.A., toutes agréées par la Fédération Française de Spéléologie, s’étant déroulées de 2006 à 2010, ainsi que d’explorations réalisées sur la même période en marge de ces expéditions. Ce sont en tout plus de 186 km de grottes inédites, principalement situées dans la province du Guizhou. 278 cavités sont citées, dont 253 le sont pour la première fois. Après quelques clefs de lecture et le résumé des expéditions ayant permis toutes ces découvertes, les résultats de ces expéditions sont présentées en 11 chapitres. (JB).
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