Donghe 92 Sommaire

Chapitre 6 : Relations entre les remplissages souterrains et la déstabilisation de l'environnement

Richard MAIRE et Simon POMEL

Résumé -Abstract - Zusammenfasung -: Les remplissages détritiques sont abondants dans les cavités actives et fossiles. La signification de ces dépôts, formés d'éléments exogènes comme les sols, repose sur le concept de rupture climatique ; ils traduisent directement les modifications de l'environnement bioclimatique. Deux types de remplissages sont étudiés : les remplissages anciens traduisant une rupture paléoclimatique très nette et les remplissages récents répondant à un déséquilibre anthropique de l'environnement. Dans le réseau de Dadong (Wufeng), deux coupes remarquables ont été étudiées. La coupe ancienne est un dépôt stratifié de 25 m qui a enregistré un changement hydroclimatique important remontant peut-être au Quaternaire ancien. Après cette période fraîche à saisons contrastées, le climat a changé et des eaux sulfatées ont permis un développement des sulfato-bactéries et une oxydation des produits ferrugineux. La coupe récente montre une séquence de limons marrons, épaisse de 25-30 m, dont la base est datée par un tronc fossilisé (C14 : 18 590 ± 160 ans BP). Dans la coupe on observe un changement important dans le rythme saisonnier des lamines qui indique l'apparition vers le sommet d'une saison de mousson plus active. Ces dépôts montrent que les karsts subtropicaux de moyenne montagne du Hubei ont été une zone favorable pour enregistrer les changements climatiques. Ils représentent des indicateurs remarquables des rythmes saisonniers enregistrés dans les varves. Il existe aussi des remplissages souterrains riches en charbons de bois (Yanziping, Hefeng) qui attestent, comme les remplissages de poljés, de l'influence de l'homme dans la destruction de la couverture forestière et l'érosion des sols au cours des derniers millénaires. Certains correspondent à une grande période de déstabilisation liée à l'exploitation des forêts pour la métallurgie de l'acier avant 1958. D'autres sont contemporains des grandes mises en cultures de la période maoïste.

Mots-clés : endokarst, remplissages, varves, datations, environnement, paléoclimat, déforestation, érosion, sol.



Introduction

Les remplissages détritiques souterrains proviennent en grande partie du soutirage d'éléments exogènes et dépendent des modifications de l'environnement bioclimatique. Dans les karsts subtropicaux de montagne de Chine centrale, les remplissages détritiques sont abondants dans les cavités actives et fossiles. Deux types de remplissages sont étudiés ici :
1) les remplissages ferrugineux rouges anciens épais traduisant une rupture paléoclimatique très nette ;
2) les remplissages humifères et charbonneux marrons récents traduisant un déséquilibre anthropique de l'environnement dans un contexte climatique particulier en raison de saisons pluviométriques et thermiques très contrastées.

I. Les remplissages ferrugineux rouges anciens liés à une rupture paléoclimatique

Le concept de rupture climatique est très important en paléoclimatologie, en particulier en milieu intertropical où justement les changements climatiques ont été apparemment peu prononcés, même au Plio-Quaternaire. En revanche, il semble que la zone subtropicale, surtout en moyenne montagne, ait été une zone favorable pour enregistrer les modifications de l'environnement au cours des changements climatiques à la fin du Tertiaire et au début du Quaternaire en raison de l'influence plus marquée des masses d'air polaires.
Pour l'instant, nous ne savons pas s'il existe dans les vrais karsts intertropicaux (en particulier dans la zone équatoriale) des remplissages détritiques anciens de grande ampleur en relation avec un changement climatique important. QUINIF (1992) donne quelques éléments à propos des karsts du Bas Zaïre qui tendraient à prouver que ces karsts tropicaux ont bien enregistré des changements climatiques nets. Les découvertes faites dans les karsts subtropicaux de montagne de Chine centrale, en particulier du Hubei, attestent des changements importants de l'environnement à des époques dont certaines ne sont pas encore précisées. Il n'est pas exclu qu'un de ces changements puisse se situer au Quaternaire ancien en fonction des arguments géomorphologiques.

A. Les remplissages des paléocavités : indicateurs des variations saisonnières depuis le miocène
Les vieilles cavités, recoupées sur le flanc des vallées ou des cônes karstiques, sont remplies en totalité ou en partie par des dépôts argileux colorés et des concrétionnements souvent altérés. Ces séquences anciennes, la plupart d'âge tertiaire, ont une signification hydroclimatique précise car elles ont enregistré fidèlement les rythmes saisonniers et leurs variations. Trois exemples de grottes ont été choisis pour montrer la complexité de ces dépôts, mais aussi la richesse d'informations qu'ils contiennent.
Les deux premiers exemples sont représentés par une paléocavité située au-dessus de la résurgence de Donghe (Wufeng) et par la grotte-tunnel fossile perchée de Chuandong au-dessus de la résurgence de Wanrendong (Hefeng). Ces deux cavités tertiaires renferment des séquences de remplissages qui donnent des indications sur le contexte hydroclimatique du Tertiaire supérieur. Le troisième exemple, constitué par la grotte de Liangfengdong (Sangzhi, Hunan), est caractéristique d'une grotte de la fin du Tertiaire qui renferme des séquences moins anciennes, allant sans doute du Quauternaire ancien à l'actuel, avec notamment un ensemble de varves rouges du même type que celui de la grande coupe des varves rouges de Dadong (cf. § II).
1. Exemple de paléocavité au-dessus de Donghe (Wufeng)
Au-dessus de la reculée où résurge Donghe (Wufeng), on observe au niveau de la route des cavités anciennes recoupées par l'enfoncement de la vallée. L'une d'elle, située vers 370 m d'altitude dans les calcaires dolomitiques de l'Ordovicien, présente une série de remplissages et de spéléothèmes. Cette cavité a d'abord fonctionné en régime noyé avec un dépôt de silts vadoses, avant d'être dénoyée. Au contact avec des faciès recimentés de calcaires sparitiques gris du Cambrien (éch. 27/E1), on observe des silts composés d'éléments de sols rouges très concrétionnés. Induration et dépôts de planchers attestent ensuite un régime d'assèchement. Sur lame mince (éch. 27/E2) le plancher stalagmitique intercalé dans les silts présente des laminations avec un assemblage à microsparite rouge et grise et des joints intercristallins fortement pollués par l'érosion des sols. La porosité de dissolution, de 10 à 20 %, est marquée par une sparite claire. On observe de nombreux éléments noirs de matière organique mélanisée qui représente des incendies naturels (ou des feux de chasse ?).
Le réseau a ensuite fonctionné en régime d'écoulement libre avec dépôts de terrasses avant d'être occupé par des chasseurs et de fonctionner en régime épinoyé. L'enfoncement du réseau s'est produit en plusieurs étapes et les spéléothèmes de trois générations attestent au moins trois grandes périodes favorables au concrétionnement.
La première période est marquée par des planchers contaminés en débris de roche-mère, en silts fins à moyen quartzeux et en éléments de sols rouges. Sur lame mince (éch. 27/I) on observe un faciès laminé microstalagmitique à forte porosité avec deux ciments (micrite grise et sparite ou microsparite claire). Le système saisonnier est remarquable avec une alternance de lamines condensées polluées et de lamines claires et 6 microséquences marquant des variations dans le régime interannuel. Le plancher (éch. 27/D1) est encore plus remarquable avec plus de 700 doublets sur 3 cm. On observe des cycles de 40 ans de séquences condensées et polluées représentant sans doute une diminution des suintements dans le réseau et donc des phases de sécheresse. Le plancher (éch. 27/D2) est plus mince et marquée par des séquences condensées à micrite et microsparite marquant des épisodes plus secs et des séquences à calcite palissadique attestant des épisodes mieux alimentés en eau.
Des remplissages fluviatiles indurés, avec des microbrèches de dissolution, sont scellés par des planchers pollués par des argiles (lame 27/C). Un remplissage induré contient des ossements. Sur lame mince, il présente un faciès poreux et une alternance de plancher et de remplissage (lame 27/B2). On observe un ciment phréatique épitaxique (autour des grains de squelette) ou microstalagmitique emballant des éléments de plancher. Des éléments de remplissage sont corrodés par la circulation phréatique et recimentés. On distingue des nodules pédologiques à coiffes, des pelotes microlitées carbonatées et des microremplissages lités. La sédimentation turbide dénote à la base de fortes teneurs en micro-coiffes (érosion de sols gelés) et de fortes teneurs en carbonates au sommet.
Un autre faciès plus compact (lame 27/B1) montre le contact du plancher sur un remplissage micro-conglomératique. Le remplissage est formé d'éléments roulés, avec de gros éléments de sols soutirés, de pelotes zonées avec des auréoles liées au concrétionnement phréatique ou épiphréatique et de rares éléments de micro-grès. On observe deux types de ciment : le premier à micrite grise, le second à microsparite ou sparite claire. Le ciment épitaxique, autour des grains de squelette, est zoné et les éléments schisto-phylliteux altérés sont abondants. On observe des grains de sols schisteux avec des cutanes d'argiles et des microcoiffes ou des coiffes de silts entourant les grains qui témoignent d'un environnement froid.
La séquence supérieure, formée par des planchers intercalés dans un remplissage, est fossilisée par des nitrates. Le plancher stalagmitique supérieur (lame 27/A1) montre des micro-lamines avec pollution argileuse. On observe trois types de cristaux : une grande calcite palissadique ou une calcite bourgeonnante microlitée, une micrite fine grise à ocre polluée, enfin une microsparites claire dans les niveaux non pollués. La séquence saisonnière annuelle montre le passage d'une micro-lamine polluée à micrite grise condensée (hiver) à une lamine de calcite claire en faisceau plus ou moins bourgeonnant (printemps), puis à une micrite zonée polluée (été-automne). Nous sommes probablement dans un régime froid avec une mousson d'été modeste ou inexistante.
2. Exemple de la grotte-tunnel perchée de Chuandong (Hefeng)
La grotte-tunnel fossile de Chuandong est située vers 750 m d'altitude au-dessus de la résurgence de Wanrendong. Il s'agit d'un tronçon de grotte long de 250 m,  d'âge tertiaire, qui a été décapité par l'érosion ; il est actuellement totalement sec, hormis quelques suintements, et ne possède aucun lien avec le système karstique de Yanziping qui résurge à Wanrendong. Une étude précise des remplissages met en évidence plusieurs phases qui résument assez bien le fonctionnement hydroclimatique régional depuis la surrection néogène. Cette phase d'épirogenèse a porté en altitude une multitude de grottes dont le creusement initial, en régime noyé ou épinoyé, s'est effectué à une époque où ces cavités se développaient à proximité du niveau de base.
- Pendant la phase initiale, la cavité se forme sans doute en régime noyé ou semi-noyé (vagues et cloches de corrosion). Il pourrait s'agir d'un élément de l'ancien système karstique de Yanziping dont les parties amont ont en grande partie disparu.
- La première phase de sédimentation reconnue (I) correspond à un dépôt de silts rouges dont il reste aujourd'hui des témoins indurés. Ce remplissage lité s'est déposé en régime de décantation, donc lorsque la cavité était noyée ou fonctionnait en lac. Au contact avec la paroi, on observe une forte corrosion de la roche (lame 48/1D), un remplissage rouge et une alternance de lits de micrite et de lits noirs riches en matière organique et en pyrite. La pétrographie (lame 48/1A) montre un ancien remplissage induré et altéré (porosité = 30 %) présentant des pores remplis de sparite. Le réseau se dénoie, avec fluctuation du niveau de l'eau (régime battant), permettant la formation d'accumulations zonées bactériennes de fer et de manganèse dans la partie supérieure.
Les carbonates, complexes (calcite claire, calcite jaune biréfringente en touffe et sidérite), cimentent des éléments du remplissage. On observe (lame 48/E) les microséquences suivantes : (1) plancher à calcite peloteuse et éléments de remplissage ocre-rouge ; (2) 7 niveaux gris condensés avec débris de remplissage rouge alternant avec de la calcite claire ; (3) remplissage carbonaté micritique très riche en gros éléments de remplissage rouge ; (4) microremplissage silto-argileux rouge ± lité ; (5) microbrèches supérieures. On observe une reprise des éléments roulés du remplissage (lame 48/F) et de nombreux éléments silto-squelettiques rouge roulés pris dans le plancher. On note quatre séquences rythmées qui attestent des changements dans un régime saisonnier à deux saisons très contrastées.
- Dans la phase (II), la cavité fonctionne en régime totalement dénoyé et de vieux planchers se développent. Ces derniers sont corrodés et montrent une séquence initiale à calcite jaunâtre avec des pores de dissolution à recristallisation de sparite, puis un plancher noir bactérien attestant des eaux chargées en matière organique (lame 48/1B). La genèse des ferrobactéries est jalonnée par des concentrations de niveau ferrugineux et elle a initié la croissance cristalline de sidérite en présence de pyrite et en milieu oxydo-réducteur.
Dans un autre exemple (lame 48/1C), on observe à la base une microsparite ocre biréfringente (calcite magnésienne prouvant une forte turbidité des eaux). Le sommet est formé de lits alternés de calcite blanche, de micrite bactérienne très blanche, de niveaux avec pigments bactériens noirs, matière organique et pyrite et enfin des niveaux plus argileux. Dans la partie supérieure les lamines annuelles sont organisées en triplet saisonnier : argiles condensées (automne-hiver), pelotes de biomicrite (printemps), argiles carbonatées peloteuses avec développement de fer bactérien (début d'été) et enfin des argiles carbonatées riches en débris de sol (été). Nous sommes probablement en présence d'un régime de mousson modeste et débutant tardivement.
- La phase (III) est attestée par un remplissage argileux ocre-rouge scellé par une deuxième génération de spéléothèmes et de planchers marquant la phase (IV). Le contact entre le remplissage ocre et les planchers supérieurs montre à la base trois types d'argilisation successive : argiles jaunes, argiles organiques grises et argiles rouges dans des cutanes (lame 48/3-4). On note des fragments d'os et de nombreux niveaux d'incendies, avec des particules de matière organique mélanisée et de charbon de bois, des pellets de sols jaune et rouge. Dans la partie supérieure le plancher à sparite est très argileux et contient des quartz fins. En surface on observe une pellicule algaire ocre et le développement d'un petit phytokarst.
- La phase (V) est symbolisée par des argiles et limons marrons, résultant de l'érosion des sols, qui sont scellés par des concrétions qui terminent la mégaséquence : phases (VI) et (VII). Le contact entre des planchers anciens et des concrétions branchues (lame 48/2-7) permet de définir dans la partie terminale six microséquences sur un plancher corrodé : (1) sparite claire ; (2) boue grise bactérienne ; (3) micrite et microsparite claires ; (4) boue grise bactérienne ; (5) micrite claire pigmentée ; (6) algues ocre-jaune. C'est un exemple typique du rôle fixateur des associations algaires et bactériennes ; cependant, comme dans le développement des spéléothèmes, la cristallogenèse interrompt le développement de la bactériogenèse (CASTANIER, 1987).
Il est certain que le fonctionnement initial de cette grotte-tunnel est antérieur à la période d'enfoncement majeur du réseau hydrographique et au soulèvement tectonique régional que les arguments morphologiques situent au cours du Tertiaire supérieur, probablement à la fin du Miocène. Les remplissages ocre-rouge et marrons sont corrélables à ceux du réseau de Dadong.
3. Les remplissages de Liangfengdong (Sangzhi, Hunan)
Dans la cavité de Liangfengdong, un suivi topographique des remplissages a permis d'établir une stratigraphie complète (fig. 1). La cavité est développée dans des turbidites calcaires à pélites correspondant à une micrite fine avec des moules de gastéropodes et de diatomées et des microlitages (éch. 5). On distingue trois séquences détritiques, dont une unité principale de varves rouges, et plusieurs générations de spéléothèmes.
- La première séquence démarre par un dépôt rouge de silts très indurés. Sur lame mince (éch. 7/4) la masse de fond est formée de micrite colorée par des pigments organiques noyant un squelette silteux composé de grains d'argiles et de matière organique sédimentée. Les pores de dissolution sont remplis de microsparite. On n'observe pas de systèmes de lamines bien individualisées du fait du reconcrétionnement. Cependant on note des lamines très frustes surtout carbonatées, ce qui indique un régime régulier avec des sols épais et des éléments turbides régulièrement filtrés (pas de quartz). Cette formation est scellée par de vieux spéléothèmes corrodés.
- Un second remplissage de varves, de 5 à 10 m d'épaisseur, forme l'unité principale ; il est composé d'argiles rouges avec des os de rennes pris dans la masse. Sur lame mince (base éch. 7/11), il s'agit de varves silto-quartzeuses contenant des débris de sols, bauxite, microgrès et des minéraux altérés. Dans les silts homogènes de base, on observe quelques fissures carbonatées. Les silts, laminés et homométriques, sont typiques d'un régime de décantation avec un dépôt de lamines saisonnières.
- Plusieurs épisodes d'incision sont jalonnés par des systèmes de petites terrasses et des planchers de gours. Sur lame mince (éch. 7/11) les terrasses les plus anciennes sont composées de brèches fluviatiles à ciment carbonaté scellant des varves silto-quartzeuses homogènes à la base. Le ciment carbonaté, zoné, contient des argiles, des débris organiques et des grains de sols. A la base il remplit des fissures de dessiccation de l'ensemble principal. Le ciment est microsparitique à sparitique avec des cristaux engrenés de calcite magnésienne fortement biréfringents. Dans la masse de fond les éléments roulés et altérés sont formés de sables fins et de silts. On observe dans le squelette des éléments de charbon ligniteux, des débris de sols, de bauxite, des microgrès, de calcaires. On observe les microséquences suivantes dans l'unité principale : (1) silts microgréseux de période froide ; (2) conglomérat à ciment calcitique très biréfringent ; (3) éléments roulés de sols ; (4) argiles ferrugineuses rouges ; (5) calcite biréfringente zonée.
Sur lame mince (éch. 7/7) le plancher de gour est formé de boues micritiques avec présence de rares gastéropodes. La séquence s'organise depuis la base avec un niveau poreux, un niveau condensé, des microlamines à calcite bourgeonnante avec des touffes carbonatées biodétritiques, à nouveau un niveau poreux. On distingue plusieurs séquences de pollution argileuses et pédologiques et au moins 3 périodes de forte turbidité avec des apports fins (globules d'argiles et débris de sols). Le début de la déstabilisation de l'environnement est donc enregistré dans ces microséquences saisonnières. Dans les microlamines centrales à boues carbonatées on observe les séquences suivantes : (1) calcite microsparite ; (2) micrite ocre bourgeonnante ; (3) lamine condensée ; (4) micrite claire bourgeonnante ; (5) boues carbonatées ocres avec érosion des sols.
- On discerne une troisième séquence détritique avec un remplissage argileux ocre à blocs emballant des nombreux os de cervidés remaniés. Il semble qu'une occupation par une population de chasseurs se soit produite entre les remplissages rouge et ocre.
- Enfin des planchers, spéléothèmes et perles de gours de plusieurs générations scellent ce troisième ensemble détritique ocre.
La première génération de stalagmite (éch. 7/6) scellant une terrasse montre sur lame mince des intraclastes centraux, avec une zonation de calcite palissadique et de niveaux argileux (7/6-1). On observe bien le système de lamines saisonnières : calcite palissadique de saison chaude s'achevant par des pollutions turbides avec des quartz et des débris de sols et lamine condensée de saison froide.  A la base on observe un système de cristaux de calcite flottante (7/6-2). Le système de lamine est marqué par un doublet de calcite palissadique et de lamines condensées argileuses. Les microlaminations attestent des pollutions turbides dans la masse carbonatée avec des séquences alternées d'apports d'argiles et de matière organique (7/6-3). La saisonnalité est bien enregistrée et suggère un soutirage de sols durant la saison chaude et pluvieuse et durant la période de faible croissance carbonatée. On observe le système de lamines successives suivantes : 1) calcite palissadique de printemps ; 2) calcite en touffes avec pollution turbide et système bactérien d'été ; 3) arrêt du concrétionnement ; 4) redémarrage avec de la calcite palissadique claire. Indubitablement nous sommes dans un système où la mousson d'hiver est modeste.
La deuxième génération de plancher de gour (éch. 7/8) montre sur lame mince plusieurs micro-séquences : à la base des perles à nucleus et une alternance de microséquences à lamines argileuses condensées et de séquences à calcite palissadique, avec au sommet des nucleus carbonatés en choux fleurs. La séquence type de la partie supérieure montre sept microséquences successives : 1) calcite palissadique microzonée ; 2) lamine condensée ocre +/- argileuse ; 3) microsparite ; 4) lamine condensée ; 5) lamines ocres avec pollution pédologique ; 6) lamines condensées ; 7) calcite palissadique zonée.
 La troisième génération est représentée sur lame par une stalactite postérieure au détachement de blocs du plafond (éch. 7/9). La séquence est complexe et on observe plusieurs niveaux de pollution turbide ± charbonneux. La microséquence centrale est assez caractéristique avec successivement : 1) des pigments organiques ; 2) une lamine carbonatée ; 3) une lamine argileuse grise condensée ; 4) des micrites grises ; 5) une lamine grise condensée ; 6) une microséquence à calcite palissadique à cristaux zonés, encadrée par deux niveaux pollués argileux. Il s'agit de l'enregistrement saisonnier successif de plusieurs années (3), les lamines condensées (3-5) marquant les périodes évaporatoires et les printemps sont marqués par les séquences (1-2, 4 et 6). Il semblerait qu'une forte irrégularité interannuelle se manifeste et que la saisonnalité n'est pas encore très marquée par la mousson d'été (Dryas ou plus ancien ?). Une autre séquence-type est remarquable, avec : 1) des pigments organiques ; 2) des calcites palissadiques ; 3) des lamines condensées avec pelotes de micrites grises ; 4) des calcites plus claires ; 5) des micrites grises peloteuses ; 6) un niveau ferrugineux rouge enrichi en sulfates bactériens ; 7) une unité à calcite palissadique.
La quatrième génération est plus récente et l'enregistrment du système saisonnier est remarquable dans les perles de caverne. Sur lame mince (éch. 7/1 A) les microséquences carbonatées et détritiques avec quartz quelquefois grossiers, débris de remplissages roulés et grains de sols et de roches (microquartzites et quartz) sont enregistrées, avec une alternance de niveaux plus ou moins limoneux ou argileux jaunes ou de masses argileuses fortements biréfringentes On observe une alternance de phases condensées et de phases à boues carbonatées, voire une alernance de limons jaunes et de limons carbonatés. Les lamines carbonatées marquent l'activité végétative de printemps et les lamines détritiques les saisons pluvieuses. Il semble que ce concrétionnement représente un régime avec une mousson d'été très active.  On observe dans le détail un système de doublets (microsparite claire-pellicule condensée / microsparite ocre avec argile et débris de sols) ou de triplets (pellicule condensée / microsparite ocre avec argiles / microsparite claire).
Sur une autre lame (éch. 7/1B), on observe un plancher très détritique, avec des éléments de roche-mère et des bioorganisations de carbonates condensés et de carbonates en bourgeons. Deux types de carbonates : microsparites de calcite et cristaux fins d'aragonite. Dans le détail on observe la succession suivante : 1) lamine à gros quartz et nodules d'argiles ; 2) lamine condensée grise (hiver) ; 3) lamine carbonatée avec argiles ocre (début de la mousson) ; 4) lamine condensée riche en oxydes de fer et de manganèse et développement bactérien ; 5) lamine carbonatée à microsparite avec débris de sol, quartz et nodules d'argiles (pluies de mousson) ; 6) lamines très condensées avec oxydes de fer, manganèse. Là encore le système de mousson d'hiver semble modéré ou quasi-inexistant.
Nous n'avons de calage radiométrique de ce système de remplissage, mais il est possible de corréler l'ensemble principal de varves rouges à une période froide du Quaternaire responsable de l'érosion des sols rouges (type varves rouges de Dadong), période antérieure à une occupation humaine du site. L'ensemble ocre serait à mettre en rapport avec une autre séquence froide plus récente avec occupation du site par une population de chasseurs. Les concrétionnements et les remplissages plus récents se situeraient dans l'Holocène.

B. La coupe des varves rouges : réseau fossile de Dadong (Wufeng)
La coupe se situe à l'extrémité E du réseau de Dadong, dans une grosse branche fossile, perchée une centaine de mètres par rapport à l'entrée. Une étude préliminaire a été faite dans le rapport Gebihe 89 (MAIRE, 1991, p. 146-149). Le dépôt est constitué par un remplissage détritique rythmé remarquable par ses dimensions : 50 m de large sur 25 m de haut (fig. 2).
1. Description litho-stratigraphique de la coupe
On observe deux parties très différentes : un ensemble inférieur clastique constitué par des blocs et un ensemble principal rythmé à limons varvés et lits de graviers. Une couche terminale de sables, de 1 à 2 m d'épaisseur, subsiste sur le bord nord de la coupe. Cette coupe naturelle a été creusée perpendiculairement par un ancien torrent souterrain qui devait venir de l'E depuis une galerie orientée E-W, actuellement obstruée à ses deux extrémités par des blocs et des alluvions.
- L'ensemble inférieur est formé par un entassement de blocs métriques provenant de l'évolution des voûtes. D'après l'exploration faite dans la galerie adjacente, l'épaisseur de la couche de blocs (certains éboulés du plafond) est importante, sans doute plus de 10 à 20 m. Il s'agit de calcaires bioclastiques de l'Ordovicien inférieur. Les blocs sont directement recouverts par des limons et argiles varvés dont les couches épousent la surface chaotique. L'ensemble inférieur est riche en graviers, certains cimentés, avec de nombreux chenaux de chasse d'eau. Vers la base de la formation, on observe des blocs cimentés dans les varves et surtout un niveau caractéristique avec des débris de spéléothèmes remaniés.
- L'ensemble principal est rythmé en fonction des cycles de sédimentation avec une alternance de couches de graviers et de couches de limons varvés décarbonatés gris et rouges. De nombreux niveaux d'oxydo-réduction sont visibles, surtout dans la partie inférieure plus grossière. On observe quatre sous-ensembles que l'on décrit en partant du haut dans le sens du levé de la coupe :
(1) Une séquence sableuse terminale, de 1 à 2 m,  ne subsistant qu'au centre et sur le bord nord de la coupe (non visible sur la figure). Cette séquence est cimentée dans sa partie supérieure avec des blocs éboulés des parois.
(2) Une séquence de 0 à 6 m formée par l'alternance de 26 couches de graviers et 26 couches de limons fins varvés. Les lits de graviers, de 5 à 10 cm d'épaisseur moyenne, sont constitués par des éléments roulés de 0,5 à 2 cm de diamètre et une matrice sableuse grise. Les couches varvées ont une puissance moyenne de 15 à 30 cm. Les lits de graviers et les limons varvés sont teintés en rouge à partir de 4 m. Ces lits représentent des chasses d'eau et leur morphologie est typique de ravinements occasionnés pendant le dépôt. Dans certains cas, on observe une cimentation phréatique des lits dans les niveaux plus poreux et qui serait postérieure au dépôt.
(3) Une séquence homogène, de 6 à 12 m,  formée presque exclusivement par des limons varvés gris et rouges. Les lamines rouges mesurent de 1-2 mm à 5-10 mm d'épaisseur chacune. Cette séquence homogène est caractérisée par des processus d'oxydo-réduction. Dans cette séquence ont été prélevées en 1992 quatre carottes, représentant en continu plusieurs mètres de varves fines homogènes. L'étude micropétrographique des lamines est en cours et devrait permettre des conclusions importantes sur le régime saisonnier, le type de lamines et le rythme de la sédimentation dans la cavité.
(4) Une séquence de 12 à 20 m à alternance de lits de graviers et de limons varvés. Tous les lits de graviers (15 à 30 cm) ont une matrice teintée en rouge. En revanche, les couches de varves (15 à 40 cm) sont presque uniquement grises entre 13 et 20 m. Figure 3
2. Analyse séquentielle, granulométrie et étude micromorphologique
Un échantillonnage a été réalisé en 1989 sur l'ensemble de la coupe et un prélèvement en continu a été fait dans la partie centrale de l'ensemble principal en 1992. On dispose ainsi d'un nombre important de lames minces qui permettent d'avoir une bonne idée de la micromorphologie des microséquences varvées, des sous-ensembles stratifiés et des niveaux de graviers. L'étude micropétrographique et les analyses granulométriques et pédologiques permettent les observations et les conclusions suivantes en partant de la base de la coupe :
- Vers 2 050 cm (lame WU 491/2), les sédiments au contact avec les blocs de base montrent des graviers cimentés avec infiltration d'argiles ferrugineuses qui corrodent le ciment et les graviers (11,2 % de ballast). Ensuite les lits sont composés de silts quartzeux fins (54,5 %) avec de la matière organique particulaire qui s'organise en lamines avec des alternances de films plasmiques argileux condensés (24,5 % d'argiles micacées orientées dans le sens planaire) avec des tâches d'oxydation. Il s'agit de niveaux saisonniers de décantation avec des unités annuelles régulières de 180 à 112 µm d'épaisseur, ce qui représenterait si la série était régulière sur 20,50 m,  entre 114 000 et 182 000 ans de décantation.
- Vers 1 870 cm (lame WU 491/3), des graviers (53,2 % de ballast) à matrice rouge et noire, situés 1 m au-dessus des blocs, montrent un microconglomérat à matrice silto-squelettique quartzeuse et micro-quartzitique avec des argiles micacées très pauvres en CaCO3 (0,6 %) et à graviers calcaires du Permien (1,3 % de CaCO3 pour l'ensemble de l'échantillon). On observe des auréoles de fer autour des graviers et une deuxième génération de ciment ferrugineux corrodant également le ciment fin. Cette corrosion in situ s'observe dans tous les niveaux à graviers et atteste la circulation d'eaux acides.
- Vers 1 845 cm (lames WU 491/4a et 491/4b), un niveau rouge et gris varvé prélevé pour le paléomagnétisme (éch. WU 491/4bis) montre à la base des varves silto-squelettiques granoclassées sédimentaires vers le bas de la séquence avec des lits d'argiles biréfringentes (varves grises), puis des varves rouges plus argileuses avec des niveaux de décantation. Les lamines rouges sont riches en particules de sols, en éléments de roches ferrugineuses (Trias ou Ordovicien ferrugineux) et en sablons calcaires ocres roulés.
- Vers 1 630 cm (éch. WU 491/5bis), les niveaux de varves grises ont été prélevés pour le paléomagnétisme.
- Vers 1 610 cm, on observe une alternance de varves grises et rouges. Les varves grises (lame 491/5b) sont homogènes, silto-quartzeuses (27 % d'argiles, 57 % de limons fins, 11,2 % de limons grossiers) et le ballast est très faible (0,8 %). Elles sont granoclassées avec des lits argileux planaires et des éléments noirs (matière organique ?). Les varves rouges (lame WU 491/5a) sont moins argileuses (17,5 %) avec des limons grossiers plus abondants (15,1 %) et un peu de ballast (2,5 %) et sables plus notables (8,2 % contre 2,8 %). Elles sont très peu granoclassées et montrent des niveaux de décantation avec des sablons carbonatés et des films argileux avec des motifs de biréfringence faible et à tendance dispersée. On observe quelques particules noires dans la masse de fond et un squelette de quartz, avec des grains de calcaires permiens. La séquence passe vers le haut à des graviers avec ciment silto-squelettique ayant subi une dissolution et infiltration de fer bactérien.
- Vers 1 275 cm (lame WU 491/6), on retrouve un lit de graviers à matrice rouge. Là encore, on observe la forte dissolution des graviers post-dépôt et liée à la néoformation de fer bactérien. La dissolution affecte aussi le ciment silto-squelettique. La microséquence évolutive est la suivante : 1) cimentation silto-squelettique ; 2) dissolution ; 3) néoformation de fer plasmique cryptocristallin. Certains tests siliceux montrent même des épigénies par le fer.
- Vers 875 cm (éch. WU 491/7), des lentilles rouges avec auréoles de fer et manganèse noir sont marquées par des teneurs en argiles de 34,4 %, 51,6 % de limons, 11,3 % de sables et 7,6 % de ballast.
- Vers 860 cm (éch. WU 491/8), une séquence de varves grises et rouges est organisée en lamines. La teneur en ballast est nulle et les teneurs en limons dominent (70 %, surtout des limons fins 57 %). On distingue des lamines à granoclassement inverse qui se terminent par des silts très fins de quartz pur (lame WU 491/8a) et un film argileux, puis un plasma argileux et détritique plus grossier avec des sablons carbonatés et des pelotes d'argiles de fer et de manganèse. La lame (WU 491/8b) permet de définir 5 microséquences annuelles : à la base une lamine rouge argileuse, puis 4 doublets (lamine à sablons calcaires et néoformation de fer / lamine condensée), enfin au sommet des lamines grises granoclassées. Cette microséquence atteste un fonctionnement saisonnier avec dominance d'un régime d'hiver.
- Vers 750 cm (éch. WU 491/9), on observe des lentilles ferrugineuses rouges.
- A partir de 730 cm, le type de sédimentation change légèrement, les courbes de classement des sables qui étaient bimodales, avec des médianes comprises entre 0,6 et 0,4 mm, s'amenuisent entre 0,2 et 0,1 mm, avec pour deux exceptions les niveaux vers 630 cm (0,4 mm) et vers 15 cm (0,9 mm). L'indice de classement (So) passe de 3,2-2,3 à 1,4-2,4, et le Q de Phi baisse, ce qui indique une augmentation notable de l'énergie hydrique. Sur lame (WU 491/10a), on observe un niveau de lentilles rouges composé d'un amas de colonies ferro-bactériennes qui ont participé à l'oxydation des argiles ocres (goethite à motifs striés de biréfringence) et à leur transformation en argiles plasmiques sans motifs de biréfringence (goethite). Ces colonies vermiculaires ou en amas globuleux sont sans doute des sulfato-bactéries. Les niveaux de varves grises (éch. WU 491/10b) sont très faiblement argileuses (5 %) et très sableuses (35,1 %).
- Vers 710 cm (éch. WU 491/11), l'alternance de varves grises et rouges se poursuit et vers 700 cm on observe sur lame (WU 491/11bis) une alternance classique avec un granoclassement à éléments carbonatés arrondis dans certains niveaux et la composition inchangés (quartz, micas, fins débris noirs mélanisés ?) dans un plasma silto-argilo-squelettique (75 % de limons, 17 % d'argiles, 5,6 % de sables et 0 % de ballast). La teneur en CaCO3 est notable (1,5 %). On observe des passées de quartz détritiques altérés, des éléments de schistes altérés. Les lamines d'argiles biréfringentes sont rares.
- Vers 630 cm, des varves grises à la base (lame WU 491/12a) montrent un beau granoclassement avec un médiane forte (0,985 mm) et plus de 15 % de sables grossiers. (éch. WU 491/10a-b). Le squelette est composé de paillettes de micas, de quartz et de carbonates rares. On observe des particules de matière organique mélanisée et des tests végétaux. La microséquence type montre une faible activité carbonatée et un système de doublet constitué par une lamine de saison favorable avec des sablons et une lamine silto-détritique fine séparée par une pellicule condensée, signe d'assèchement. Quatre années sont enregistrées sur 7,8 mm soit 1,95 mm/an. Sur la base d'un remplissage de 630 cm, cela donnerait 3 230 ans pour la sédimentation restante. Sur la base d'une sédimentation de 2 050 cm, cela donne 10 500 ans pour la durée totale du remplissage (lame WU 491/12b). Au-dessus, les varves rouges (lame WU 491/12b) sont plus argileuses, moins riches en limons et en sables et un peu plus carbonatées (1 %). Elle montrent cependant quelques passées de graviers (schistes ordoviciens, microgrès et quartzites altérés) qui montrent des revêtements de ciment ferro-manganésifère avec des ponts d'hématite entre les grains, période de circulation d'eaux agressives post-dépôt et sans doute de remontée d'eau dans la cavité.
- Vers 615 cm, des lentilles rouges dans des varves grises (lame WU 491/13) montrent des microlamines de silts fins clairs alternés à des microlamines de silts à pelotes argileuses rouges. Le granoclassement est très fin avec quelques rares quartz plus grossiers. La séquence-type montre successivement un doublet annuel : lamine à sablons avec une pellicule condensée qui atteste un assèchement et une décantation et lamine granoclassée vers le plus grossier. Cinq années sont sédimentées sur 7,2 mm, soit 1,44 mm/an, soit 4 270 ans pour les 615 cm restant et 14 200 ans pour l'ensemble du remplissage de 2 050 cm.
- Vers 43 cm, on observe des passées plus grossières (8,5 % de ballast) enrichies en limons grossiers (46 %) (éch.WU 491/14). Sur lame, l'alternance de varves rouges et grises est marquée par le granoclassement des lamines claires avec des quartz fins hydroéoliens, de nombreux micas et des grains de fer et des lamines rouges plus riches en argiles, avec des amas ferrugineux, des micas argilisés, des quartz rares. Le système atteste surtout un fonctionnement de saison froide, avec 5 à 6 ans sur 7,2 mm, soit 1,2 à 1,44 mm/an, soit entre 17 000 et 14 200 ans pour la sédimentation des 2 050 cm. La microséquence-type montre un doublet : lamine avec augmentation de la granulométrie durant la saison froide et lamine condensée avec assèchement et développement bactériens avec consommation de la matière organique dans le film organique durant la saison fraîche.
- Vers 15 cm, un niveau de graviers à matrice grise (éch.WU 491/15) est très riche en ballast (59,9 %), en sables grossiers (65,4 %), très pauvre en limons (6,5 %) et totalement dépourvu de carbone organique et de matière organique.
- Dans la partie supérieure (éch.WU 491/16), un niveau sableux rythmé est marqué par des sables hydrauliques moyens et fins (11,3 et 26,1 %), très bien classés (So = 1,4). Un chaos de blocs éboulés des parois est recimenté par une concrétion récente (lame 14/A) à faciès microstalagmitique grise et bourgeons de calcite qui atteste des eaux turbides, riches en matière organique.
- La partie superficielle est constituée d'une poudre blanche de sables et limons carbonatés (éch. WU 491/1) et de limons fins de nitrates (éch. WU 491/1-a) liés à l'exploitation des fours à chaux.
3. Ages U/Th, paléomagnétisme et tephrochronologie
- Deux stalagmites ont été prélevées à l'extrémité de la grande galerie sèche qui recoupe le remplissage. Par leur position, ces concrétionnements sont postérieurs à la coupe varvée. Les analyses U/Th sur DAD 518/A et DAD 518/B ont été effectuées au laboratoire du CERAK (Y. QUINIF, Faculté Polytechnique de Mons, Belgique). Les deux échantillons ont été pris dans le coeur des stalagmites. Il s'agit d'une calcite blanche, microstratifiée et très compacte. La teneur en uranium est élevée (6 à 9 ppm). Les deux âges calculés, de 12 600 ans (+ 400, - 300) et 16 300 ans (± 1 100), sont fiables en raison de la pureté des échantillons.
Ces dates récentes ne permettent pas de caler avec précision vers le haut l'âge de la coupe détritique de Dadong qui est nettement plus ancienne. En effet, le remplissage a enregistré à la fois une séquence détritique de période froide, puis une immobilisation du dépôt avec un changement climatique chaud. Il s'agit aussi d'une formation dont la position géomorphologique exclu un âge pléistocène moyen ou supérieur. En l'état actuel des travaux en cours (paléomagnétisme), nous attribuons à la séquence froide / chaude enregistrée, un âge se situant entre le Pliocène et le Pléistocène inférieur.
- Des poussières volcaniques, sous forme de minéraux aciculaires ou automorphes (en particulier augite aegyrinique), sont piégés dans les lamines grise de saison clémente à carbonates et quartz éoliens dans les niveaux supérieurs à varves grises vers - 43 cm (lame WU 491-14). Il pourrait s'agir de contaminations atmosphériques distales liées aux apports de la mousson malaise durant une période où elle commençait à s'installer. Les grandes calderas des Philippines ou d'Indonésie sont à mettre en cause, mais dans l'état actuel de nos connaissances, il n'est pas possible de préciser un âge, tant est grand l'éventail d'attribution et incertaine la chronologie initiale des arcs volcaniques insulaires.
Il est cependant à noter que lors de l'éruption du Pinatubo (près de Manille), le 7 juin 1991 et surtout le 14 juin 1991 à 23 h 30, des retombées sont parvenue en Chine. Il y a là un domaine de recherche prometteur, dans la mesure où ces traceurs dans l'endokarst doivent permettre de préciser à la fois les effets atmosphériques et dynamiques des grandes éruptions sur la climatogenèse des régions de mousson et d'évaluer des zones de dispersion et les saisons précises de fonctionnement des grands appareils volcaniques.
4. Interprétation paléoclimatique
Les grandes séquences détritiques souterraines, visibles par le moyen d'une belle coupe naturelle, ne sont pas fréquentes. Elles se forment dans les réseaux souterrains en fonction des contraintes géométriques des parois (processus de barrage lacustre) et du régime hydroclimatique.
- Le soutirage des sols rouges joue un rôle majeur dans la contamination des lits de graviers (matrice sableuse rouge) et des limons varvés. Cette érosion de la couverture pédologique est liée à un changement climatique brutal enregistré par l'ensemble de la séquence qui représente une période de plusieurs millénaires. L'étude d'un profil d'altérites, au-dessus de la grotte de Dadong, montre que les sols rouges proviennent de l'altération de l'Ordovicien schisteux (cf. chap. 8). Sur 4 m d'épaisseur, on observe un puissant horizon d'altération argilo-limoneux, orange-rouge à jaunâtre. Des blocs altérés d'Ordovicien schisteux flottent dans le profil de même que de nombreux petits fragments rouges (oxydation du fer). Les grandes crues, responsables des couches de graviers à matrice rouge, indiquent un décapage des sols. Cette érosion est liée à une déstabilisation de la couverture végétale et pédologique provoquée par une rupture climatique brutale. L'alternance saison sèche / saison humide est très contrastée et s'est produite dans un contexte froid.
- La signification hydroclimatique de la séquence de Dadong est clairement illustrée par une alternance de décharges détritiques fines et grossières. Le secteur concerné de la grotte joue donc le rôle de barrage lacustre souterrain, et par conséquent d'enregistreur du régime hydroclimatique régional. Une première indication est apportée par la morphologie des varves de la base de la coupe. On observe une succession de grosses lamines gris-beige et ocre ou rouge. A 19,50 m,  par exemple, le couple lamine grise / lamine rouge mesure 5 cm + 4 cm d'épaisseur. Au milieu de la coupe, la séquence intermédiaire de varves grises et rouges, notamment entre 10 et 6 m,  montre qu'il s'agit d'une sédimentation relativement longue sans aucune décharge de graviers. Si les varves sont annuelles (2 cm en moyenne), la séquence intermédiaire correspondrait à une période de deux siècles environ. Si l'on admet plusieurs varves par an, cette séquence est pluriannuelle. Cette première conclusion est importante pour la signification des décharges grossières.
Les 58 décharges de graviers correspondent à chaque fois à une seule grande crue. L'interprétation détaillée de la coupe indique que ces décharges varient dans l'espace et dans le temps. La première séquence, de 20 m à 12 m,  montre 22 lits de graviers séparés par des couches de varves centimétriques (1-5 cm) à décimétriques (15-40 cm). Entre 18,50 m et 16,50 m,  les couches de graviers sont rapprochées et pourraient être annuelles, tous les deux ou trois ans ou au mieux décadaires. Le régime hydroclimatique est contrasté. La deuxième séquence, de 12 m à 6 m, présente seulement quatre à cinq petits lits de graviers situés entre 11 m et 10 m. Le régime hydroclimatique, moins contrasté, se stabilise. La troisième séquence, de 6 m à 0 m, montre à nouveau un régime hydroclimatique contrasté, très régulier entre 3,50 m et 0,60 m. Entre 0,40 m et 0 m, la couche de graviers est séparée par 3 niveaux de limons jaunes de 15 mm chacun.
Les argiles ferrugineuses à goethite sont issues des dépôts turbides et de l'érosion des sols pendant une période de découverture végétale, avec une saisonnalité contrastée à dominance hivernale froide et des crues d'hiver. Après cette période froide, à saisons très contrastées, le climat a changé à l'extérieur et dans la grotte : les conditions thermiques sont devenues plus chaudes.
La couverture végétale a pu se reconstituer et des marécages ont envahi les karsts, fournissant des eaux sulfatées. En effet, la présence d'eaux sulfatées pourrait avoir pour origine une remise en charge des aquifères allogènes du Permien ou du Trias, puisque les calcaires du Cambrien et de l'Ordovicien contiennent de très faibles teneurs en SO4 (1,6 % ) contre 5,47 % et 40,2 % respectivement pour le Trias et le Permien (cf. Gebihe 89). Il semble plus probable que c'est le développement d'une végétation tropicale humide de type marécageuse à l'amont qui a fourni les sulfates. Cet environnement correspond également à une fourniture de matière organique dans les eaux qui est à l'origine d'un développement des sulfato-bactéries et une oxydation des produits ferrugineux, c'est-à-dire une transformation de la goethite en hématite par la fourniture d'oxygène en milieu non photosynthétique. La circulation d'eaux riches en humates de fer a engendré dans l'ensemble du profil des processus d'oxydo-réduction et le dépôt de manganèse et de complexes humo-ferrugineux durant une période à pluviométrie abondante avec une saisonnalité d'été de type mousson. Ce résultat est remarquablement bien enregistré dans les néogenèses qui affectent le dépôt.
Enfin l'agressivité des eaux a repris son fonctionnement de saison froide, permettant l'induration et le concrétionnement partout où la porosité le permettait, ce qui représente le début d'un autre cycle froid. Dans ce cas, il faudrait placer la formation de cette grande séquence au moins dans le Quaternaire ancien en raison de ces arguments micropétrographiques. Des travaux plus précis sur la séquence de lamines de 4 m prélevée en continu en 1992 permettrons peut-être d'affiner ces résultats préliminaires, en particulier le comptage des lamines et la définition des rythmes séculaires, ainsi que la représentation précise des cycles de micro-assèchement de la grotte attestés par les films condensés.

C. Les dépôts à ossements de Tiankengcao (Wufeng)
Le début du réseau de Tiankengcao estriche en remplissages détritiques fins et grossiers, en particulier des masses de graviers et de galets dont certains sont consolidés.
- Litho-stratigraphie et sédimentologie : Au fond de la grande galerie fossile, à 250 m de l'entrée, on observe un dépôt de galets plus ou moins consolidé d'une dizaine de mètres d'épaisseur. Il est raviné et recouvert dans sa partie basse par une séquence de varves grises. Au sommet du remplissage grossier et dans sa masse, on observe la présence d'ossements très altérés. Les dépôts de galets varient en dimension en raison de la variation de la géométrie des parois. Dans les parties plus étroites, on constate que le remplissage, actuellement raviné, montait jusqu'au sommet de la galerie. D'autres coupes, situées au début de la grande galerie fossile, montrent que le dépôt est stratigraphié et correspond à des décharges successives de galets séparés par de minces horizons de varves gris-bleu.
- Interprétation : A première vue, il s'agit d'animaux de grande taille, de type cervidés et rennes, dont les squelettes ont été brisés, puis transportés par des crues importantes charriant des galets dans une matrice sablo-limoneuse. A cette époque, l'entrée du trou fonctionnait en perte de vallon. Aujourd'hui, la morphologie externe a complètement changé puisque l'on se situe dans la partie haute du karst, dans un champ de cônes et d'ouvalas, sans réseau fluvio-karstique apparent. Les vallons semi-actifs se situent maintenant 150 à 200 m plus bas au niveau du Puits E / Puits W. La présence d'éléments de flysch (grès) dans ces remplissages indique que la couverture de flysch du Silurien n'avait pas encore totalement disparu dans ce secteur alors qu'elle est encore présente 6 à 10 km à l'ouest. Ces arguments géomorphologiques montrent que le remplissage souterrain à ossements est relativement ancien et pourrait remonter au Pléistocène inférieur. Ce gisement est comparable à celui étudié dans le réseau de Liangfengdong dans le Comté de Sangzhi (Hunan) ou de celui de la partie supérieure de la poche à l'amont de Donghe (Wufeng).
La nature du remplissage, qui s'apparente à des laves torrentielles (“debris flow”), témoignent d'une rupture climatique nette, avec érosion des sols et crues massives qui ont obstrué partiellement ou totalement les conduits selon la géométrie du réseau, d'où la présence de terrasses dans les parties les plus larges et de bouchons dans les parties les plus étroites. Des crues ultérieures ont recreusées ces remplissages. Il s'agit donc bien d'une succession de grandes crues de période froide, séparées par de petits épisodes lacustres en relation avec le régime d'écoulement et l'obstruction momentanée des conduits. La détermination des espèces ou des genres d'après les ossements retrouvés pourrait permettre de préciser le paléoenvironnement.

II. Les remplissages récents à limons marrons et charbons de bois : rôle du climat et de l'homme

Les dépôts sont très abondants dans les grottes actives ou temporaires du Hubei, en particulier dans l'énorme perte temporaire de Dadong (Wufeng), dans les pertes de poljés du secteur de Yanziping (Hefeng) ou dans le réseau de Shuangdong-Zhangjiadong (Sangzhi). Il s'agit de dépôts frais ou assez frais pouvant dépasser 10 m d'épaisseur et recoupés par des écoulements plus récents.

A. Coupe de la salle des varves marrons de Dadong (Wufeng, Hubei)
Cette coupe très importante, de 20 m d'épaisseur, se situe dans la branche aval du réseau, en rive gauche de la deuxième grande salle, dite salle des varves marrons, vers - 100 m. Figure 4 et 5
1. Description de la coupe
Le dépôt, de teinte marron foncé, constitue la moitié de la salle en rive gauche. Il forme un talus incliné à 45°, haut de 15 à 25 m et long de 100 m au moins. Il a été recoupé par le cours actuel du torrent temporaire qui s'engouffre dans le porche de Dadong pendant la saison des pluies. Le débit de la rivière en hautes eaux, sans doute supérieur à 10 ou 20 m3/s pendant les fortes crues, a formé un dépôt de galets grossiers épais de 3 m. Quand on s'approche du talus, là où il est recoupé verticalement, on observe que le dépôt est finement stratifié et repose sur un dépôt grossier plus ancien. Dans le détail, on observe :
- une séquence inférieure de graviers stratifiés épaisse de 2 ou 3 m minimum ;
- une séquence laminée de base constituée de niveaux rouges et de varves grises sur 1,50 m ;
- une séquence principale de limons marrons finement rythmée de 20 m de puissance.
Par chance, un morceau de tronc d'arbre long de 40 cm est scellé à la base de la séquence de limons marrons. Ce bois flotté a été transporté par une crue et pris dans le remplissage. Il constitue un jalon chronologique fondamental car il est possible de le dater aisément par la méthode du carbone 14.
2. Description micromorphologique et analyse des lamines
L'analyse micropétrographique des principaux niveaux repères permet de tirer les conclusions suivantes :
- Vers - 20 m, au sommet de la formation à graviers épaisse de 2 à 5 m et à la base de la formation de varves marrons, on observe 2 à 3 m de varves grises et rouges. La micromorphologie montre une masse de fond silto-squelettique avec très peu de plasma argileux à motifs de biréfringence ponctués (éch. 15/A1, lame 24161). Le sédiment est très laminé avec des doublets annuels : lamine d'hiver, claire et fine, à quartz fins et calcite et lamine d'été sombre et plus grossière, avec argiles, grains de roches altérés, calcaire micritique gris, éléments de sols, particules de charbon de bois, matière organique mélanisée, nombreux tests végétaux et algaires et surtout lits de filaments algo-bactériens.
La séquence montre sur 2 cm, 19 saisons d'érosion des sols et d'incendies répétitives, avec fourniture de sulfates permettant le développement de nattes algo-bactériennes et 17 à 18 saisons froides (lamines carbonatées) avec apports en quartz éoliens et dépôts de carbonates, sans doute par des processus cryochimiques (PULINA, 1990). Sur la base d'un taux de sédimentation de 2 cm en 17-19 ans, les 2 à 3 m de varves représentent entre 1 700 et 2 850 années en contexte froid avec des pluies, surtout durant la saison favorable.
Les traces d'incendies répétitives durant la période de forte charge turbide et donc la plus humide est très remarquable, comme l'absence de contamination pédologique dans les lamines carbonatées, à l'exception de quartz fins éoliens. Cela est dû sans doute à la rétention par le gel et à l'absence d'interaction cyclonique de saison froide (?).
- Vers - 19,80 m, on distingue des varves silteuses fines, riches en quartz, avec des niveaux de graviers fins roulés de roche-mère calcaire (éch. 15/A2, lame 24162). On observe trois microséquences sur 4 cm.
(1) A la base des séquences de doublets : une alternance de lamines d'été, foncées riches en débris de sols, roche-mère argilisée et de lamines plus claires composées de silts fins de quartz avec un granoclassement d'hiver. Dans ces niveaux fins limoneux, on observe des silts fins et des niveaux plus grossiers avec décantation des argiles disposées à plat par rapport au plan de décantation (motifs de biréfringence parallèles au surface de décantation). Dans les niveaux foncés, on observe la présence d'un ciment argileux ferrugineux et de matière organique. Des tests charbonneux sont présents dans les deux types de lamines, mais surtout dans les lamines foncées à forte charge turbide de saison pluvieuse.
(2) Dans la partie moyenne, le système change et apparaissent des lamines turbides très enrichies en algues et probablement en sulfates et en fer. Les charbons de bois sont aussi très caractéristiques des lamines à turbidité grossière.
(3) dans la partie supérieure, une unité plus grossière avec soutirage d'éléments de roches-mères calcaires, débris schisto-chloriteux altérés surtout dans les lamines d'été.
Le système de fonctionnement saisonnier annuel est bien illustré par le granoclassement des lamines qui enregistre surtout deux saisons bien marquées. Le granoclassement est inverse et diminue de l'été à l'hiver et la sédimentation stoppe avec sans doute la décantation du fait de la rétention nivale et pluviale. Puis le système redémarre au printemps-été avec la débâcle et la fourniture de turbides grossières, fourniture de débris pédologique et de matière organique qui va servir de nutriment au développement algo-bactérien durant la saison la plus chaude et la plus pluvieuse. Nous sommes dans un système qui a changé par rapport à la lame précédente, car il y a une turbidité de saison froide et pas de fourniture de carbonates. Le taux de sédimentation augmente et on observe 8 séquences annuelles sur 4 cm, ce qui représenterait entre 400 et 600 ans pour les 2-3 m de varves de ce type.
Les conditions sont toujours froides, mais la turbidité augmente et on observe une interaction d'une saison de mousson. Les impacts des feux sont sensibles, répétitifs et toujours durant la saison à plus forte pluviométrie et turbidité pédologique.
- Vers - 19,60 m, les varves grises sont organisées en 20 doublets hiver / été représentant 10 années sur 4 cm, soit 4 mm/an et donc entre 500 et 750 ans pour 2-3 m de varves de ce type. Sur lame mince (éch. 15/A3, lame 24163), on observe une différence de motifs de biréfringence entre les argiles planaires d'été et les argiles ponctuées d'hiver, sans doute en relation avec l'épaisseur de la lame d'eau.
Les lamines plus grises sont constituées de fines particules de calcite, de silts quartzeux et de très rares roches calcaires. On note la présence de lamines quartzeuses très claires et très fines. Ces niveaux sont alternés à des lamines plus détritiques et plus grossières, avec des charbons de bois, avec des tests algaires, des tissus algo-bactériens ferrugineux et / ou pyriteux et des cristaux verts automorphes (tephras ?). On observe des éléments de roche-mère altérée en chlorites et en phyllites, des éléments de microquartzites et de microgrès et des quartz pédologiques corrodés. Le développement de nattes algo-bactériennes durant la saison pluvieuse et plus chaude est liée sans doute aux apports en sulfates. La saison d'été (?) est marquée par le démarrage d'une lamine grossière qui interrompt la pellicule condensée précédente et dont le granoclassement va aller en diminuant jusqu'à la prochaine microdécharge.
- A partir de 19 m environ et jusqu'au sommet se développent des varves marrons très argileuses de décantation avec une bonne alimentation en eau, alternées à des décharges de graviers.
- Vers - 1 m, on observe les deux microséquences-types qui constituent ce type de remplissages.
(1) A la base de la lame (éch. 15/A4, lame 24164), un assemblage de varves granoclassées avec argiles de décantation en milieu très noyé, composées de silts argileux. L'ensemble présentant des pigments ferrobactériens et un assemblage argileux syn-sédimentaire à motifs de biréfringence très allongé et planaire indiquant une certaine profondeur d'eau et un milieu à très faible énergie. Les lamines de silts quartzeux montrent le type de granoclassement décroissant depuis la saison pluvieuse et chaude jusqu'à la saison froide caractérisée par des apports en quartz anfractueux très fins éoliens.
(2) Une séquence sommitale ravinante à graviers très roulés de roche-mère calcaire à micrite, de calcaires altérés gris, de microquartzites, de roches schisteuses et de “shales”. On observe une phase de dissolution, avec recimentation de fer.
L'ensemble suggère toujours des conditions froides, mais le changement se manifeste par la présence d'eaux agressives, engendrant une dissolution, la fourniture saisonnières de sulfates dans les eaux, surtout dans la partie supérieure de la séquence. On peut se poser la question de savoir s'il s'agit d'une évolution post-dépôt ou non. Les microséquences ne sont pas toutes évidentes et le comptage des lamines est difficile du fait d'une sédimentation irrégulière liée aux décharges grossières. Les passages les plus clairs présentent 5 doublets annuels sur 4 cm, soit 2 500 ans pour 20 m, 3 125 pour 25 m et 5 000 ans pour 40 m de varves marrons.
3. Datation C14 de la base de la coupe (bois) et corrélation U/Th avec le réseau de Dadong<BR> La base du remplissage de 20 à 40 m est datée C14 (LY-6505) 18 590 ans (± 160 BP) par un tronc fossile (éch. 15/C), situé à la base du remplissage et emballé dans la première séquence de varves grises et rouges. L'activité C14 par rapport au standard est de 9,89 % ± 0,19, ce qui en fait une date fiable. Le sommet de l'unité de varves grises/rouges se situe à 18 590 ans (± 160 ans BP) C14, la base au contact avec les galets se situerait entre 400 et 750 ans avant soit à moins de 19 500 ans BP.
La série de varves marrons qui succède en continu étant homogène, il s'agit d'une sédimentation assez rapide. Un comptage sur les niveaux à lamines saisonnières bien exprimées permet d'estimer à moins de 5 000 ans et de donner un âge voisin minimum de 12 000 à 13 000 ans pour la partie supérieure.
Dans la mesure où les varves ont enregistré un changement dans la saisonnalité, passage de varves avec une sédimentation liée aux pluies d'hiver à des varves représentant une sédimentation détritique avec pluies d'été, on est en présence d'un enregistrement exceptionnel d'un changement climatique qui se situerait au niveau du passage du stade isotopique 2 au stade 1 entre 18 000 et 13 000 ans BP. A la base, au contraire, vers 18 000-19 000 ans, la saisonnalité est marquée par une absence d'interaction et de pluies d'hiver et la sédimentation de carbonates cryogéniques.
Ce remplissage n'est pas le seul dans le réseau de Dadong puisque à 30 m du tunnel du gypse, dans la galerie des belges, on observe un ensemble de varves marrons sous des blocs éboulés et cimentés, l'ensemble étant réentaillé par une tranchée d'exploitation des nitrates.
Dans le réseau de Dadong ce type de remplissage est situé dans la fourchette des âges U/Th établis sur concrétions : entre 16 300 ans (± 1 100) et 12 600 ans (+ 400, - 300) et qui représentent une nette amélioration climatique. La vitesse de croissance annuelle passe de 90-45-72-60-36-52 µm avec une moyenne de 59 µm vers 16 300 ans (éch. DAD 518/B) à 654-654-514-313-400-327 µm, avec un moyenne de 477 µm/an vers 12 600 ans (éch. DAD 518/A).
La séquence de ravinement et de terrasses grossières qui entaillent l'ensemble des varves marrons pourrait être antérieure à l'âge U/Th établi dans la galerie fossile du puits de 50 m, soit 3 700 ans (± 300) (éch. 15/B). Sur lame mince on observe un rythme d'accroissement avec un coeur pollué (sols et charbons de bois) au rythme régulier (2 fois 10 ans sur 7,2 mm) et plus rapide dans la partie supérieur (4 ans sur 7,2 mm). Le rythme d'accroissement est marqué par les saisons de pollution. L'accroissement annuel mesuré est de 313, 225, 180, 180, 200, 72, 72, 120, avec une moyenne de 170 µm/an.
A 1 km de l'entrée de Shuangdong / Zhangjiadong (Sangzhi), dans la galerie des nitrates, une séquence de remplissages est scellée par des planchers de vieux gours, avec des concrétions plus récentes. Les perles de caverne (lame 8/A) montrent des calcites en feuilles de chêne avec des pollutions de quartz fins ou de charbon de bois et débris de sols qui donnent des microséquences plus condensées (lame 8/B). Une stalagmite (éch. 8/C) montre une fabrique palissadique avec quelques pollutions zonaires charbonneuses très fines (lame 8/C-1). On observe des surfaces de croissance avec niveau condensé sec qui marquent un arrêt de la croissance. La croissance des cristaux repousse et concentre les turbides dans les joints intercristallins et les coins (lame 8/C-2). Il a été possible de mesurer la vitesse de croissance annuelle avec des mesures de 654, 514, 654, 313, 400, 327 et une moyenne de 477 µm/an. La datation a donné un âge U/Th de 14 100 ans (+ 700, - 600). Bien que le faible rapport isotopique 230Th/232Th rende cette datation peu fiable, il permet cependant de caler vers le haut la séquence des remplissages marrons de Dadong.
4. Signification générale
Dans la mesure où les varves marrons ont enregistré un changement dans la saisonnalité, avec le passage d'une sédimentation rythmée liée à des pluies d'hiver à des varves représentant une sédimentation détritique avec des pluies d'été, on a un enregistrement d'un changement climatique au passage du stade isotopique 1-2, vers 13 000 ans. A la base, au contraire, dans les niveaux à varves grises et rouges, vers 18 000-19 000 ans, la saisonnalité est marquée par des pluies d'hiver et la sédimentation de carbonates cryogéniques Ce remplissage majeur est aussi important en épaisseur que le dépôt des varves rouges de la galerie fossile perchée. Son intérêt est de donner une indication précieuse du fonctionnement hydroclimatique pendant plusieurs millénaires à une période de changement important dans le rythme saisonnier des lamines qui indiquent vers le sommet l'apparition d'une saison des pluies de mousson plus active.
Le fait le plus important concernant ces microséquences continues et répétitives d'eaux turbides est qu'elles charrient des particules de sols, des cendres et des charbons de bois. Il ne peut s'agir de feux accidentels et la répétitivité, la position dans les lamines saisonnières indique probablement des feux intentionnels. Des feux de chasse n'auraient en aucun cas une telle régularité et n'aurait engendré une érosion des sols aussi spectaculaire que rythmée. De plus il semble difficile à admettre que des feux non intentionnels interviennent justement durant la saison la plus humide. Il en découle la conviction que nous avons affaire aux premiers effets d'une intensification de l'agriculture sur brûlis (ou de ray) qui sera confirmée par l'étude des grands remplissages de poljé.

B. Dépôts à charbons de bois de Chushuidong (Hefeng, Hubei)
Dans le réseau de Chushuidong (résurgence du poljé de Datangmi), on observe dans la galerie du fond, après l'étroiture de l'Ouragan, un remplissage argileux marron à grisâtre dont la puissance varie de 2 à 5-6 m.
- Description de la coupe : La coupe étudiée sur 2 m, vers l'extrémité de la galerie, montre une première séquence d'argiles et de limons séparés par des lits de graviers avec des niveaux charbonneux espacés d'une dizaine de cm. Les petits charbons de bois, dans les niveaux de base, ont été prélevés pour le C14 (éch. 42/B). La partie supérieure (1 m), située au-dessus d'une discordance, montre des sédiments marrons avec des charbons de bois et des niveaux limoneux clairs. En amont de la coupe des morceaux de porcelaine vernisée récente sont pris dans le sédiment (éch. 42/C). Dans la masse du sédiment plutôt limoneux on observe de nombreuses concrétions argileuses. En aval de la coupe, une stalagmite (éch. 42/B) est en partie recouverte par le dépôt argilo-limoneux, ce qui indique l'âge plus ancien de cette concrétion. Figure 6
- Datations (C14 et U/Th) et interprétation : La datation des fragments de charbons de bois donne un âge C14 (LY-6504) dont la teneur (98,34 % ± 0,58) en carbone 14 est très proche de celle de l'atmosphère avant l'apport en C14 dû aux bombes atomique. Nous pouvons lui attribuer un âge antérieur à Hiroshima (1944), mais inférieur à un siècle. La concrétion prise dans l'argile (éch. 42D), donc antérieure à la coupe, a été datée U/Th de 6 400 ans (+ 300, - 200). Elle montre sur lame mince une pollution importante et une très faible vitesse de croissance annuelle avec des mesures donnant 107, 56 et 40 µm et une moyenne de 68 µm/an.
La coupe de Chushuidong indique une période de concrétionnement holocène, qui fossilise des remplissages plus anciens. Ces derniers sont scellés par des stalagmites et des gours dont l'âge U/Th a donné 14 100 (+0,7 / - 0,6) à Shuangdong, mais avec un faible rapport isotopique 230Th/231Th qui rend cette mesure peu fiable. Il faut simplement reconnaître que le remplissage antérieur est corrélable aux varves marrons de Dadong. La cavité a été ensuite brutalement colmatée par une première séquence d'érosion des sols pendant la dernière guerre, sans doute liée à l'exploitation des forêts pour la métallurgie de l'acier. La deuxième séquence correspondrait à la période de mise en valeur des terroirs de pente de la période maoïste.
Il faut noter la similitude de ce dépôt avec celui des varves marrons de Dadong. Mis à part l'âge, il s'agit dans les deux cas des résultats d'une crise majeure. Dans le cas de Dadong, c'est une crise d'adaptation à une modification climatique et probablement à un changement dans le mode de gestion des espaces forestiers avec une pression accrue sur les hautes terres karstiques. Ici, il s'agit d'un impact social plus direct d'une économie de guerre et d'une Révolution volontaire sur un environnement déjà dégradé par plusieurs millénaires d'exploitation.

C. Vitesse de concrétionnement holocène et fonctionnement de la saisonnalité : anthropisation précoce et paléomoussons
L'étude micropétrographique des lamines de cinq concrétions datées U/Th permet de préciser la vitesse de croissance annuelle Les mesures ont été effectuées par comptages sur lame en LN et LP avec des grossissements 25, 100 et 500. On observe une forte augmentation entre 16 300 (± 1 100) ans et 12 600 (+ 400, - 300) ans de près de 60 à près de 600 µm/an en moyenne, mais avec de grands écarts. Ce décuplement en moins de 5 000 ans est en relation avec une première phase d'amélioration climatique. Les moyennes annuelles diminuent ensuite pour atteindre le taux moyen de 70 à 170 µm/an.
Le fait que la vitesse du concrétionnement ait rapidement diminué pour atteindre des valeurs très basses vers 6 400 (+ 300 / - 200) et remonter ensuite est difficile à interpréter en terme climatique. On pourrait admettre un retard dans ces karsts de montagne à la reconstitution des couvertures végétales et pédologiques après la période froide du Dryas récent. Il semblerait plutôt que ce soit l'un des effets du décapage des couvertures végétales et pédologiques par une anthropisation précoce comme cela est bien démontré dans les remplissages des grottes et des poljés (chap. 10). Figure 7
L'étude des varves permet également de préciser la durée du changement dans le régime de la mousson. Actuellement la mousson malaise en Chine méridionale et surtout au sud de la Chine centrale est caractérisée durant l'hiver par une forte interaction entre la mousson du sud et des cyclones chinois (PEDELABORDE, 1961). La mousson d'hiver souffle par spasmes et entretient une cyclogenèse active et en retour, chaque cyclone déclenche un appel puissant sur la face ouest (décharge post-cyclonique). Les fronts froids provoquent des averses brutales parce que l'ascendance cyclonique l'emporte. C'est une lutte continuelle entre la mousson et les dépressions mobiles.
Il semblerait qu'après 18 000-16 000 ans BP, il n'en ait pas été de même. L'étude de la saisonnalité dans les lamines montre que durant cette période il n'existait pas d'interaction avec des pluies d'hiver et que durant l'été le front de mousson se situait au moins vers 30° 11,5 de latitude nord et 110° 42,5 de longitude E (position de la grotte de Dadong) vers 18 500 BP. Cette position est un peu plus méridionale que prévu sur les modèles de paléomoussons (PETIT-MAIRE et al., 1994). Ensuite entre 16 000 et 15 000 ans BP, le front de mousson prograde vers le nord et son influence va être bien marquée dans la saisonnalité du remplissage des varves marrons de Dadong.

Conclusions

le rôle de l'homme et du climat

Dans toutes les cavités karstiques, les remplissages constituent des enregistreurs des transformations de l'environnement naturel et anthropisé. Pour le Pléistocène récent, en particulier l'Holocène et les 50 000 dernières années, le milieu souterrain constitue un réceptacle de tout premier ordre pour enregistrer les prémices de l'agriculture sur brûlis. Or le domaine karstique de Chine centrale et méridionale, avec ses grottes immenses et innombrables, détient probablement le plus grand potentiel d'enregistrement karstique de la planète.
L'étude de la coupe des varves marrons, dans la grotte géante de Dadong (Hubei), est un exemple de l'intérêt de l'étude de tels dépôts qui mettent en évidence à la fois un changement climatique à la fin du dernier glaciaire (stade isotopique 2) et une possible influence des brûlis anthropiques précoces au Paléolithique supérieur avec ensuite une certaine intensification des pratiques. Les dépôts attestent un laps de temps très court entre des pratiques de chasse et de cueillette et des pratiques agricoles dans le sud de la Chine centrale. Cette dernière question sera développée dans les futures recherches sur les karsts de Chine.
Un autre aspect important concerne l'enregistrement de la saisonnalité et le positionnement de la mousson grâce aux dépôts laminés. Il semblerait que la mousson se soit manifestée très tôt, au début de l'Holocène, ayant favorisé une intensification saisonnière des pratiques systématiques des brûlis. La récurrence froide postérieure (Dryas) pourrait être liée à un effet d'hystérésie (effet de retard) lié à ces pratiques systématiques et elle aurait pu favoriser une sédentarisation très précoce en Chine centrale et ultérieurement en Chine du Nord. Ce dernier point d'importance demeure encore prospectif et il devra être précisé par de nouvelles recherches.
L'étude séquentielle des spéléothèmes en est à ses début avec les travaux de GENTY (1992) ou de FRISIA, BINI et QUINIF (1993). L'application au domaine tropical est par contre nouvelle surtout dans une zone-clé d'interaction climatique et anthropisée très tôt, comme la Chine. Signalons toutefois quelques analyses microséquentielles effectuées récemment sur des stalagmites du Yucatan (HERAUD-PINA, 1995). Un domaine encore très fertile demeure l'étude de l'enregistrement des données hydrochimiques dans la cristallogenèse (MILLS, 1965) et surtout la signification environnementale des fabriques crypto-algaires (MONTY, 1974). L'étude de micropétrographie séquentielle des séquences de remplissages représente un champ presque totalement inexploré.
Enfin, les dépôts endokarstiques ont fidèlement enregistré les crises sociales récentes, en particulier les effets néfastes du “Grand Bond en Avant” sur l'érosion des couvertures pédologiques. Il reste à préciser et à dater les autres grandes étapes de l'anthropisation des paysages de cette zone clé de la Chine, en particulier lors de la naissance de la métallurgie et des expansions démographiques du X-XIIIème siècle et du XVIIIème siècle. S'il était besoin de le démontrer, les karsts du Hubei et du Hunan deviennent des zones privilégiées pour les études des impacts sociaux sur les déstabilisations de l'environnement. Les travaux en cours en font déjà une région test pour apprécier l'impact des paysans chinois sur la nature et reconstruire l'histoire de la domestication des plantes et des sols dans un des grands berceaux de l'agriculture.


Karstologia Mémoires N° 6 Année 1995 DONGHE 92 - ISBN : 2-7417-0162-8