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Donghe 92 Sommaire

Donghe 92



Programme

Du 17/11/92 au 13/1/93
du 17/11 au 20/11 voyage de France à la première zone
du 21/11 au 23/11 comté de Sangzhi
du 24/11 au 25/11 liaison Sangzhi/Wufeng
du 26/11 au 8/12 comté de Wufeng
le 9/12 liaison Wufeng/Hefeng
du 10/12 au 29/12 comté de Hefeng
le 30/12 Hefeng/Xianfeng
du 31/12 au 3/1/93 comté de Xianfeng
le 4/1 liaison Xianfeng/Sangzhi
du 5/1 au 8/1 comté de Sangzhi
du 9/1 au 13/1 retour vers la France via Canton et Hongkong

Santé

Les conditions de vie
Qu'est ce qu'on caille !
Quand on pense à la Chine, on voit des images de paysans courbés sous le soleil dans les rizières. Mais cette expédition se déroulait en hiver (novembre à janvier), vers 1 000 m d'altitude (500 à 1 500 m) et dans le centre du pays, en zone subtropicale pourtant (29° latitude nord). Autrement dit, le soleil ne nous a jamais écrasés, et nous cherchions plutôt à capter quelques-uns de ses rayons pour combattre un froid glacial. Il a gelé une nuit sur deux dans les régions explorées et nous gardions la doudoune pour dîner. Bref, nous étions peut-être proches du Tropique, mais le climat était plutôt celui du Vercors en automne.

Une expé peinarde, mais soutenue :
Ce ne fut pas l'enfer vert (ni jaune ou brun d'ailleurs). Les journées spéléo dépassaient rarement 10 heures et nous n'avons jamais sauté une nuit. Alors ? Farniente ? Non. L'expé a gardé en fait un rythme très soutenu, avec une sortie pratiquement 5 jours sur 6, et une course continuelle contre la montre, à cause des horaires imposés par les chauffeurs et les cuisiniers. Mais comme ces journées avaient toujours une longueur raisonnable (retour en voiture oblige), nous avons toujours pu récupérer pendant la nuit et attaquer le lendemain en pleine forme.
La gastronomie chinoise, ce n'est pas du pipeau !
L'alimentation d'un spéléo en Chine, ce ne sont pas des larves du bananier, ni des plats lyophilisés. C'est une cuisine raffinée, variée et bien équilibrée (même si nous n'y retrouvons pas certains de nos aliments préférés comme les laitages ou les viandes rouges). Bref, pas besoin d'emporter quoique ce soit. On trouve dans les moindres villages de quoi se faire de bonnes ventrées. Et cette bonne alimentation est probablement pour quelque chose dans la pêche que nous avons gardé tout au long de l'expé, et elle nous a armés contre les infections.
Un environnement médical modeste :
 La Chine est fière, et à juste titre, d'une politique de santé publique plus efficace que bien d'autres pays du Tiers Monde. Il y a des infirmiers et des dispensaires un peu partout dans les campagnes, et ils font des tournées jusque dans les hameaux les plus reculés. Par exemple, quel ne fut pas notre étonnement de voir un infirmier venir ausculter les petits vieux à Hahulu, qui nous semblait vraiment le bout du monde civilisé !
 Cela dit, les montagnes du Hubei sont isolées, les routes mauvaises et l'hôpital régional n'a pas grand chose à voir avec un CHU selon les standards européens. S'il existe donc en Chine une excellente médecine de base, permettant de soigner un milliard de paysans, il ne faut pas compter y trouver des infrastructures trop performantes pour soigner un grand blessé polytraumatisé. Gardez-le en mémoire avant de tenter toute connerie.
Les mesures préventives
Vaccinations :
Tout le monde était vacciné contre la polio et le tétanos, indépendamment de l'expédition d'ailleurs. Pour la Chine, chacun s'était mis à jour en ce qui concerne la typhoïde, mais personne ne s'était fait vacciner contre le choléra, bien que cette maladie existe à l'état endémique dans le sud-ouest de la Chine (malheureusement, le vaccin existant n'est pas très performant). La moitié des membres de l'équipe était vaccinée contre la leptospirose.
 Cette dernière maladie est particulièrement grave (un cas mortel lors d'une expédition à Bornéo il y a quelques années et de nombreux cas lors des expéditions aux grottes de Mulu, en Malaisie). Elle est notamment propagée par certains mammifères comme les rats. En Europe, elle touche souvent les égoutiers (et les bouchers). Il est donc utile de s'en protéger avant d'aller patauger dans des rivières souterraines qui servent d'égouts à des milliers d'habitants. Cela avait été particulièrement vrai lors de l'expédition de 1989, au cours de l'exploration des grandes rivières souterraines de la Gebihe, Santang et Daxiaocaokou. En 1992, nous avons passé encore plus de temps dans l'eau, mais souvent dans des karsts de haute altitude peu habités et où le risque d'infection est donc moindre.

Hygiène alimentaire :
Les campagnes chinoises étant très peuplées, la plupart des eaux sont polluées bactériologiquement, et ceci vaut aussi bien pour les eaux superficielles que pour les eaux souterraines karstiques. Il est donc impératif de traiter l'eau de boisson, en la chlorant (nous avons beaucoup apprécié l'hydrochlonazone en solution) ou en la faisant bouillir (ce que font systématiquement les chinois).

Prévention du paludisme :
Il n'y a aucun risque de paludisme en hiver (les moustiques n'arrivent pas à décoller, les ailes alourdies par le givre !). En été par contre, la nivaquine et l'emploi de moustiquaires sont recommandés.
Les petites misères rencontrées
Rhumes, grippes, bronchites, otites :
Lors d'une expédition hivernale en Chine, il faut craindre a peu près les mêmes petites misères que chez nous : rhynites, bronchites, grippes, etc. Tout le monde a eu une ou plusieurs rhynites prolongées, accompagnées ou non de toux persistantes qui constituent le lot de toutes les expés spéléos ici. Les affections les plus graves ont été huit bronchites (soignées au ZINNAT) et une otite sévère, (avec perforation du tympan lors du transport en avion).
Diarrhées :
Les diarrhées constituent souvent le principal problème lors des expéditions en région tropicale. Nous n'en avons eu que quatre cas, relativement bénins (deux soignés simplement à l'IMODIUM et deux pour lesquels il a fallu passer à l'INTETRIX). Ce n'est pas mystérieux : la nourriture et l'eau sont pratiquement toujours bouillis en Chine et en plus, nous y étions en hiver, une saison où l'on ne consomme guère de produits crus.
Bobos divers :
Pas grand chose à signaler, sinon quelques plaies sans gravité ; étant donné les difficultés qu'aurait posé un éventuel secours, personne ne s'est permis de prendre de risques. Elles se sont contentées de BETADINE. Une seule mycose observée (pied) mais le froid ne leur est pas favorable. Quelques contusions (cheville, genou) ont été soignées au SRILANE ou au NIFLURIL et NIFLUGEL. Un bel et ô combien douloureux abcès sous une grosse molaire a finalement été éliminé avec une overdose de catalgine et paracétamol et finit aux antibiotiques (heureusement car même le dentiste chinois avait un peu de réticence à aller gratter sous la petite quenotte !). Peu de tendinites observées, malgré la lourdeur des sacs que nous avons parfois portés. 


L'équipe

Coordonnées
BARBARY Jean-Pierre (J.P.B.)   P.S.C.J.A
P.S.C.J.A 20 rue P. Brossolette, 69200 Vénissieux (France)
7 ème Continent, 30 rue L. Bonin, 69200 Vénissieux (France)
BENAVENTE José (J.W.B.) P.S.C.J.A
BOTTAZZI Jean (J.B.)  URSUS, Lyon
CHEN Shicai (C.S.)  IGAS, Beijing
COLLIGNON Bernard (B.Co.)  SCOF, Orsay
Laboratoire d'hydrogéologie, Université. d'Avignon
33 rue Louis Pasteur, 84000 Avignon (France)
FULCRAND Serge (S.F.)
GEBAUER Daniel (H.D.G)  H.A.G
Marktplatz 32 D-73525 Schwäbish Gmünd (Allemagne)
JIN Yuzhang (J.Y.)  IGAS, Beijing
MAIRE Richard (R.M.)  ARSIP/CNRS
CNRS, URA 1978 DYMSET , maison des SudsDomaine Universitaire de Bordeaux, 33405 Talence cedex (France)
MATRICON Sylvain (S.M.) URSUS, Lyon
ORSOLA Jacques, dit La Rouille (L.R.)  Individuel
POMEL Simon (S.P.) CNRS
CNRS, URA 1978 DYMSET , maison des SudsDomaine Universitaire de Bordeaux, 33405 Talence cedex (France)
QI Zhonglin (Q.Z.)  IGAS, Beijing
RÉMY Cyriaque (C.R.) P.S.C.J.A
SHI Mengxiong (S.M.)  IGAS, Beijing
ZHANG Dachang (Z.D.)  IGAS, Beijing
ZHANG Shouyue (Z.S.) -team leader-  IGAS, Beijing
Academia Sinica Institute of Geology Karst and Groundwater Research Division POB 9825 Beijing 100029 China 


Portraits

Radioscopie des membres de l'expedition franco-chinoise
DING DINGUE DONGHE 92
Simon Pomel

JEAN-PIERRE
Tenue éternelle et gouaille permanente du garagiste, bon sens immédiat, promptitude dans la décision, avec Jean-Pierre “ça usine” dans et hors des trous. Il fait partie de l'espèce particulière des troglodytes flegmatiques passionnés. Sûr dans les montées et les descentes labyrinthiques de fond de trous, impressionnant dans la descente des côtes du Rhône, de Beaujolais ou des vins des Monts du Lyonnais, il redoute cependant les lacets en roue libre, méthode chinoise des bus, version glissée “à la marocaine”, mélange du style napolitain au Klaxon, turc en folie et africain des grumiers “s'en-fout-la-mort”, truffé de kola... En ce cas, il se transforme en torchère de Feyzin, devient un redoutable conduit à fumée, fort déprécié du Bozzo Occidental, espèce sur laquelle nous reviendrons.
 On peut se demander ce qui a attiré et retenu ce garagiste de Vénissieux en Chine. De nombreuses raisons sans doute dans et hors des “dong”, mais pourquoi ne pas imaginer qu'un amoureux de la Mécanique ?et là je parle de la Mécanique céleste, de celle des fluides et pas seulement des bagnoles ?ait été subjugué par cette civilisation qui est à l'aube des techniques, par ces paysans artisans et inventifs, par ces conduits d'hydraulique, ces vasques-chaudrons usinées!
 Jean-Pierre, c'est aussi ce mélange délicieux du Gône et du Guignol lyonnais, toujours prêt à fantaisie et espièglerie, en fait très “chinois”, mais dans la sécurité, mélange “étonnant” ?il faut y mettre l'accent inimitable des soyeux ?de jeu et de maturité, pur produit de la cité des Gaules, notre bonne vieille ville de Lyon.
Remarquable chef d'expé, homme de “commerce agréable”, comme on disait à une époque en langage châtié. Un peu “feu follet”, souvent grave, toujours souriant, jamais démonté, Jean-Pierre BARBARY a su réunir une équipe assez remarquable d'individus à forte, attachante et spécifique personnalité : collection incroyable de “zigomars” représentant un bon nombre d'espèces, voire de familles en voie de disparition, faune endémique constituant le DREAM TEAM DONGHE 92.
RICHARD
Coeur de Lion, l'homme qui dégaine le topofil plus vite que son ombre, ce “Luky Luke” des trous est tout sauf un solitaire. Grand troglodyte devant l'éternel, compagnon bougon à ses heures, variété spéciale de “caviste” entomologue des conduits, à la démarche inimitable, il oscille entre l'ours, le chamois et la chauve-souris. Il jouit d'une réputation usurpée de mauvais bougre et de râleur permanent, réputation introduite par quelques individus sur lesquels il exerce une forte ascendance, contestée par ailleurs pour la forme. En fait Richard Coeur de Lion n'a pas l'habitude de fréquenter les routes départementales, ni les autres d'ailleurs et encore moins de se laisser embarrasser par les éléments naturels. Il ne cale que devant les autres et ne sait refuser une demande formulée “dans les formes” évidemment !...
 Mis à part, grosse connaissance du milieu naturel, des montagnes, des coins inaccessibles, toujours hors des sentiers battus, partisan inconditionnel des voies directes, de l'essentiel, on pourrait le définir comme un Troglodytus elementaris (quand les éléments naturels exagèrent...). Une sainte horreur des villes, comme autant de Sodomes, du superflu, des embroglio, des détours méandriformes (sauf, je suppose, dans les trous), Richard cumule de nombreuses casquettes. Leurs visières ont érodé les couches capillaires temporales et leurs superpositions réitérées ont usé le sommet tonsural, lui donnant un aspect de moine paillard, de rabbin rasé, de farfadet égoutier. Richard MAIRE cumule : la casquette du spéléo - de base - baroudeur, la casquette du spéléo de pointe - aventurier, une espèce intermédiaire entre la taupe et le rat-taupier, la casquette du scientifique méticuleux et perfectionniste, mais faut pas exagérer quand même et ne pas s'embarrasser de détails, la casquette du Fondateur - Directeur - Rédacteur de revue et la casquette du Patron de laboratoire...
 La frite malgré quelques articulations “fritées” par des sacs monstrueux dont lui seul a le secret et est le grand spécialiste, Richard accumule de grandes contradictions ?faciles à expliquer et justifier ?de redouter la vie en bande et d'être compagnon, d'avoir répulsion des centres urbanisés et d'avoir attirance à relationner, d'éliminer souvent d'un geste l'accessoire et de s'accrocher parfois en pestant contre des détails matériels qui sont futiles. On reconnaît dans ce dernier point un sens infaillible du travail bien fait, mais à la condition qu'il soit rondement mené. Richard possède cette dose de naïveté et d'arrogance qui en fait un redoutable enfant, mais «nul n'entrera dans le Royaume des Trous s'il ne redevient comme un petit enfant» (sic...).
 Force et fragilité, de toutes les espèces pérennes, espèce rare, menacée, mais toujours là, pour d'autres comparaisons, dans d'autres “coinstauds bizars”. Après Donghe 92 “la très peuplée”, Centre Terre 93 “le vide d'homme” du Grand Plateau Papou, mais peut-être que Richard y rencontrera une gorillette, qui sait !
BERNARD
Collignon l'Africain pour certains, «Bernard le Conan» pour d'autres, pétri d'un sourire inimitable fendu jusqu'aux oreilles pour tous, ce collinoforme est résistant : espèce à la démarche dandineuse, au verbe spécial, à la verve drolesque... Moitié chevalier médiéval, moitié homme de la Renaissance, le Collignon est né petit et l'est demeuré par enchantement, mélange des 7 nains, rappelez-vous certains, “farceur”, “trublion”, “simplet”, j'ai bien dit simplet, mais au sens enfantin : quand on est petit on ne compte pas... Bernard ne compte pas, ni sa peine, ni ses sous, ni ses équipements (sic...).
 Compagnon remarquable, spécialiste de la semi-provocation quasi-permanente (accent belge très atténué, mais dites quand même KOUAZI), de la “demi”-altercation décapante, mais huilée, de la “véritable” amorce de polémique, du “sérieux” deux pieds dans la bassine d'eau chaude. Mélange de méthode helvétique, type suisse allemand et de la technique flamande, type italo-espagnol, Bernard barbote en permanence au dedans et au dehors des Dong dans un fleuve de loukoum. Bernard COLLIGNON est le seul totalement européen de la bande car il représente à lui seul l'ensemble des pays européens... et du Maghreb bien sûr !
 Contact humain direct, souriant, ouvert, immédiat, surprenant, enjoué, “africain noir” quoi, jusque dans l'élasticité du temps, des équipements aussi disent les mauvaises langues d'orties, le Collignon c'est comme les cuvées des grands crus : différent mais pareil à chaque essai. Le Collignon Château Centre Terre Grand Papou 94 ne pourra se mesurer au Castel Dream Team du Domaine Donghe 92, mais il y aura toujours le même goût des grands bourgognes, fraîcheur souriante et rutilante de robe et des premiers contacts, velouté relationnel en culotte de velours fruitée en bouche et coup de barre d'efficacité contrôlée et caramélisée en gorge.
Mais le Collignon ne s'imite pas, ne se décrit pas, ne se catégorifie pas, ne peut se réduire à des caractéristiques d'espèces, individu totalement rétif à la société des dividus, le Collignonus est un genre à soi seul, que dis-je une famille. Il butine, simplement avec une grande dextérité et un ravissement qui se voit bien sur sa face lunaire de chérubin malin, dans l'espèce des troglodytes, des Aventuriers du Porche Perdu, des Ramoneurs des Ondes, des Echassiers de la Chasse d'Eau, des Égoutiers de la Rivière Jianlibao, avec ses godillots de gavroche, ses chaussettes de tyrolien, ses pantalons coupés bien à lui et son parka digne du garagiste de Vénissieux, mais ne résistant pas à la comparaison avec la barboteuse du Bozzo occidentalis, espèce sur laquelle nous nous pencherons - à distance - plus tard. Il a certes échappé à la terrible épidémie de Zhaidongomanie qui a justement touché le Bozzo et contaminé le Sylvanus et même le Cyriacos, deux spécimens qui nécessiterons de plus amples développements, mais a résisté, simplement parce que Bernard aime aussi faire d'autres choses, voir et vivre d'autres choses. Il est avant tout éclectique : en pays de paysans, il se devait également de passer du temps dehors et dehors du temps avec sa conception du “jeu de l'élastique”, du temps circulaire, de l'occupation non linéaire, qui donnera des choses étonnantes dans le rapport de l'expédition Dingue - Dongue 92.
JACQUES
Il serait vain de comparer Jacques LAROUILLE au Bozzo occidental, espèce sur laquelle nous ne voudrions pas trop insister et pour laquelle nous réservons un tir non groupé. «Rak tam tam le Rouge» représente une espèce voyante, à la verve de chacal, mais au coeur tendre, à la promptitude remarquable à déceler ce qui cloche, avare de compliments, mais généreux dans l'âme, efficace, redoutable dans et hors des trous. Avec la Rouille tout le monde dérouille. Il est un peu insuffisant de dire qu'il est décapant, il est corrosif, incisif et presque toujours juste et droit. Espèce par définition indocile, ingérable mais comme les loups c'est une espèce qui a un sens inné du matériel, du solide. Tout dans le Rouge est bataille, cheveux enchevêtrés-couleur vénitienne prétend-il, mais sûrement celle des luttes intestines, des papes Borghia, vision dantesque, une bouche de Pythie, bataille aussi des dents, parsemées en Papouasie, vision d'horreur dentesque, je répète, vision crétoise d'Idea Antron, une bouche de caviste corrognonée, bataille encore des cordes et des équipements, et déséquipement, bataille permanente, comme si le rouge devait démontrer à la face et au cul du monde sa redoutable efficacité.
 Jacques a ceci de remarquable, c'est que sans avoir la méthode, ni l'allure du pachyderme, il joue toujours l'éléphant dans un service de porcelaine de Chine. Il rêve aussi de devenir chinois, parce que dit-il «les chinois ne glandent rien», mais il a toujours été chinois sans le savoir. Son don inné du commerce, sa passion des jonques, ses réflexions toujours mûries du genre : « il faut être con pour aller en Chine et en revenir pas complètement changé». El Oxydo est un être souvent corrosif, toujours incisif, quelquefois gonflant, jamais hors de propos. Il est une étape et un élément nécessaire aux expé. Viendrait-il à l'idée de cuisiner sans sel ? Est-il possible de confectionner un «Chile con Carne» sans piment ? Le plus remarquable est son sens aiguë de l'observation, il ne rate rien ni personne, mais l'art des maniements de la faux est à double sens : qui tranche sera tranché.
 Il est impossible de tirer portrait de ce Viking sans le faire à distance. La méthode pointilliste des acupuncteurs de la description, l'impressionnisme léché, ne peuvent lui convenir. Il doit être peint à la Van Gogh, au couteau, avec matière, à plat et tranche vif. Le Rouge nécessite plusieurs couches pour immobiliser le personnage car il échappe toujours. En fait c'est un lutin ?et je pèse mes mots ?diabolique. Jacques aurait pu être géologue et «pas de ce côté ci seulement», il est matériologue et c'est bien ainsi. La vie d'expé est avec lui un vaste chantier, une saute d'humeur permanente, avec cependant un «talon d'Achille» à ce personnage, une certaine paresse (certaine) naturelle, mais cultivée. Le Rouge a un comportement de groupe totalement différent de son comportement hors groupe!
 Comme un Lupus ornithorenx cavernensis, mais c'est encore à côté de la plaque, car il aime la mer et en ce cas il faudrait ajouter le genre Lupus marinus (loup de mer), souvent diront les mauvais bougres, loup de merde, loubar de merde. La Chine pays de mer, la Chine terre cultivée de merde et avec la merde, la Chine paysage de boue, lui était prédestinée. Il y reviendra peut-être et ce serait bien que ce lupus ne se transforme pas trop en Ursus cavernensis, pour traîner au-dehors, là où les paysans grattent la terre, là où les terrassiers taillent le sol et le roc pour bâtir ce paysage millénaire de terrasses cultivées étagées. La Chine pourrait-il dire comme dans «l'homme du Mississippi» est un vaste fleuve, trop solide pour être navigué, trop liquide pour être cultivé. L'expé grotte rivière (Donghe) aurait volontiers été transformée par Jacques ORSOLA en fleuve de boue, la reconnaissance en tournoi de jonques, les cordes en haubans, les hôtels glacés en «boat people» et les problèmes de prélèvements résolus : tremper un Bozzo nappé de barboteuse dans l'eau fétide environnante, puis ressortir, essorer, filtrer, passer et repasser et laisser faire le Collignon-éprouvette.
DANIEL
«Daniel et les lions» - ce pourrait être le titre d'une nouvelle du «fruit Donghe 92» - et il se défend avec un sourire ineffable, extrême politesse, queue de cheval enroulée, vieux fichu grand-mère, qui fût jaune, le King du 3 D, le Prince de l'inclinaison / orientation, le Comte de la Topographie. Ce Chevalier Teutonique est campé dans la horde barbare du Team français, avec douceur, simplicité et efficacité. Himalayiste longiforme, grand spécialiste de l'économie, il traverse une expé, comme il choisit un trajet sur les blocs, avec sûreté, parcimonie et excellence. Son refus de la vie de fous urbaine et capitaliste, le mène de la Chine à la Malaisie et à l'Inde, avec de courts atterrissages dans le Jura Souabe de Stuttgart. Il est aux antipodes du Teuton des clichés : d'abord il boit du café, ensuite il parle très doucement, enfin il fonctionne au feeling.
 Daniel est une des nombreuses valeurs sûres et précieuses de cette expédition. Il n'est pas nonchalant, il est indien, il n'est pas taciturne ou renfermé, il est posé, mélange d'affabilité retenue et d'émerveillement contrôlé. Homme d'Asie certes, mongol quelque part mais d'avant les hordes, il possède cette qualité rare de savoir écouter et une grande passion pour les sons, une écoute ineffable et symphonique de l'aspect Kitch de toutes les miettes de la vie. Ainsi il est existentialiste, comme l'était Kierkegaard le philosophe danois. En ce sens il me rappelle un autre personnage d'expé, celle du grand désert du Sahara, l'homme des Touaregs, du Ténéré, le collègue Erhard, l'homme des pollens, l'amateur franconien de vins fins, l'analyseur africain des miels et des poussières mais ceci est une autre histoire. Revenons en Chine... le manipulateur des carottes.... le touilleur de crottes de bique, l'enregistreur des anthologies de Muezin, le Prince de Qzar Hadada en Tunisie... Laissons cela, mais nous le retrouverons un jour en Chine...
 Daniel est souabe et fonctionne en soupape, toujours en sécurité, toujours avec réserve, réserve de mots, de force, de langage, de pas, trotte-menu efficace. Il suffit de le suivre sur un chemin escarpé pour en reconnaître, à la trace, à la marque, le spécialiste des longs pierriers du toit du Monde. Moitié ordinateur, moitié capteur de sons, moitié archéologue-caviste itinérant, cela fait 3 demi direz-vous, mais c'est justement cette mixture incongrue qui en fait un individu volontairement hors Musée, une espèce pas encore disparue, mais déjà réapparue. Daniel GEBAUER est un ébéniste des grottes qu'il sculpte et ausculte avec ses mesures, marqueteurs des maquettes de restitution parlante, ajusteur des mosaïques de distances et d'angles, sans lui pas de visualisation des trajets accomplis par les lutins infernaux de la bande à MAIRE et PERE BOZZO, pas de restitution des enjambées du Cyriacos, des dandinettes du Collinionus, des galopades de lapies du Bozzo vulgaris, des usinages torrentiel monstrueux du Barbariesque, des batailles épuisantes dans les puits du Boucteint Rouge, des baignades et rampades dans la boue du Sylvanus - autre menuisier des caves - des directissimes du cabri Richard, des puits et des passages techniques du Fufu Sergio Leone des «ça marche fort”, du José le mousse de l'équipe. Mais n'anticipons pas sur la présentation trop édulcorée et anticipée des associations faunistiques complètes du Team Chine 92. Daniel est à cette équipe ce qu'aurait pu être Vinci à Xu Xiake. Imaginons Léonard avec un Power Book et des cadrans de visées en sautoir, accompagnant le premier karstologue chinois et «Du Monde !»... Décidément le dream du Team déroute toute tentative sérieuse de dresser un portrait objectif et il faut reconnaître là l'effet pervers du Kitch allemand, un effet Daniel à retardement.
SYLVAIN
Sylvanus homme des bois, amoureux des charpentes, avec lui «ça va mal» mais toujours bien, toujours partant, la pêche, la modestie, le bon sens près de chez vous, l'homme de Haute-Savoie est comme la dame ou les gâteaux du même nom, d'une solide étoffe. Impossible de jauger le spéléo, mais l'homme est bon comme le tilleul, franc comme l'orme, souple comme l'if, varié à la coupe comme le robinier, résistant comme le chêne, droit comme le peuplier, ancré comme le bambou, calorifique et imputrescible comme le Palétuvier, majestueux comme les grands Okoumé ou le Sipo d'Afrique.
 Sylvain MATRICON a véhiculé dans cette expé 92 de nombreuses formules qui demeureront : le légendaire «Ah ça va mal !» qui précède ou accompagne les nombreuses pannes des bus pourris, les retards aléatoires (et restez-y !), le sempiternel «Allah Bouf» qui scande les petits déjeuners - réveils et les retours où il a fallu choisir la bouffe ou l'eau chaude, jamais la bouffe ou l'eau froide. Sylvain a mis bonne humeur, parce qu'il a un contact inné avec les gens, un sens étonnant du dialogue simple avec les gens simples. Comme le Richard il va à l'essentiel et se pose comme à table, en écartant ses ailes et ses coudes, à l'aise Blaise.
 Le Sylvanus a tombé des trous et pas des moindres, s'est fait de solides amitiés dans et hors de l'équipe, dans et hors des trous. Nature robuste, il n'est pas du bois dont on fait les flûtes, un peu Acacia, pas fayard, surtout Cèdre, le Sylvanus n'est pas troglodytus ou alors de type pirogue. Il faut dire aussi que les arbres se sont un peu vengé de lui dans les conduites forcées parcourues, au fond des grands réseaux, force est de dire que leur enchevêtrement, parait-il extraordinaire dans certaine passages, ne pouvait être que petit signe amical de compagnie au menuisier. Pour la boue, c'est autre chose, un rappel à la terre, aux relations de jardinier. La boue a été la grande constance de cette expé, la grande compagne dedans et dehors : liquide dans les trous, visqueuse hors des trous, pâteuse dans le «steam-bread» du petit-déjeuner, chiasseuse aussi un peu partout. A voir revenir le Sylvanus de certains trous - la couleur de mon pantalon après les coupes de varves de Dadong ou du poljé de Datangmi, des vases bourrées d'algues rouges de Baishuiba - il était évident que l'adversaire a été pour lui également la boue ; mais l'homme de Savoie en a vu et en verra d'autres... Il sera de la prochaine et je compte bien l'épingler dans une grande forêt pourrie de fumerolles volcaniques !
JOSÉ
Dire tous les bons moments passés avec José, moi le plus vieux, lui le plus jeune, fait penser aussi aux «Aventuriers de l'Arche perdue» ou à certains passages de «Crocodile Dundee». José le photographe a souvent l'émerveillement des fils de passion. José reste en arrêt devant un enfant, le couple du grand-père et de sa petite fille.
 José a aussi passé son temps avec les caméristes au coin du feu des brûlots de Hefeng. Le plus célèbre moment demeurera la séance de coupe-coiffure-massage avec deux brunettes aux mains d'athlète : inimitable... Imaginez en séance publique, un tripotage qui commence à la pointe des cheveux et redescend sous les bras, la nuque je vous dis, le dos, les reins.... les articulations des doigts et un curieux étirement des nerfs aux aisselles, bras tendu : redoutable après deux mois d'expé. Autre affaire mémorable, la partie de billard (jeu devenu dans ces régions de Chine une affaire nationale) gagnée contre les militaires à Wufeng le mercredi 9 décembre à 13 h.
 José est surtout le compagnon du hors trous, le rare à savourer aussi la vision de ces paysages agraires somptueux. Mélange de gentillesse et de franche légèreté, José a apporté à cette équipe le vent des ailes delta, aussi son insouciance et ses baisses de tonus. On ne peut être toujours au top ! Placé dans le Team, avec une place à part du fait de son âge, mais surtout de son attitude rêveuse, José a été notre correspondant de guerre. Tous les soirs, petite visite pour les fichiers pellicules photo, tâche ingrate, mais accomplie avec sourire et petits mots aimables chaque fois renouvelés.
SERGE
Le Fufu arrivé avec le Bozzo après le début de la bataille a apporté au Team le contrepoids verbal qui manquait face au Rouge, avec sa verve de Méditerranéen et son éternel Walkman. Le Fulcranus a trouvé en Chine rurale l'antidote à son penchant pour l'emphase. C'est aussi parce qu'il est espiègle dans l'âme que ces paysans rieurs et joueurs lui ont plu. Serge sans doute est tel qu'il est lui-même au fond des trous, mais dehors aussi et son esprit joueur est souvent mis à l'épreuve. Pour exemple, cette soirée grandiose dans le grand hall du cinéma de Hefeng avec partie de billard dingue Fufu-José-La Rouille contre les «tueurs locaux». Il a bien fallu battre pavillon, mais cela a construit une solide réputation locale.
Serge a été compagnon des visites de la vie rurale, compagnon émerveillé des produits chinois, redoutable dans les joutes oratoires, il est surtout celui qui sait tester l'ambiance.
 Sa place dans le Team a été celle qui manquait, car le Rouge s'est essoufflé à mettre de l'animation avec les frimats de décembre. Serge est avant tout un homme gentil et prévenant, serviable, bricoleur et il ne peut rater une occasion de mimiquer tout, tous et toutes. En regardant le Fufu, j'avais par avance une opinion sur ce qu'il avait vu ou allait dire. Il a été le thermomètre et la lunette du Dream Team, bien-sûr adapté aux excès dans ce conglomérat d'individus.
BOZZO
Jean Chevalier d'Apocalypse tu demeureras dans mon esprit comme le farfadet de cette expédition. C'est avec émotion que je fais ton portrait, toi le découvreur des coinstauds les moins échancrés de ces karsts chinois. Ta barboteuse a souvent ressemblé à mes mouchoirs ou à mes filtres à poussières, ta tignasse à la mienne. Surtout tu as accompli, comme d'autres, comme le Sylvanus, un travail de base formidable, dans les trous les plus humides.
 En cours d'expé, le Bozzo occidental a attrapé un virus chinois et une mutation d'espèce l'a transformé en Bozzo orientalis. Je crois en connaître la cause. Sa barboteuse était bourrée de sulfato-bactéries et cette mutation de porteur a engendré une «redoutable» (prononcez à la Barbary) épidémie de recordite, avec des accès de fièvre topophyllique, surtout caractérisée par une Zhaidongomanie galopante. Cette fièvre a fini par avorter 64 km de topographie nouvelle, quelques records...
 Pour moi cela a représenté près de 76,5 kg d'échantillons pour l'expé 93-94 et au retour devant mon microscope avec le cumul des échantillons de l'expé 89, finalement plus de 500 km de parcours sur lame mince : exactement 7,4 km au grossissement 25 fois, 94 km au grossissement 100 fois et 435 km au grossissement 500 fois ! (sic)... Si un spécialiste veut bien me dire, lequel est le plus atteint de Zhaidongomanie galopante, le Richardus, le Bozzo ou le Pomelus.
 Jean Bozzo, nous sommes tous les deux des fous, complètement fondus et aussi des sages, parce qu'aucun résultat ne s'obtient sans y mettre le prix : le prix des barboteuses et des articulations est-il plus ou moins précieux que celui des yeux ?
CYRIAQUE
Certains diront, que si j'ai placé le Cyriacos à la fin, c'est parce que l'on place ainsi le linge sale dans les courants d'air. Je pense surtout que le linge sale se lave en famille.
 Le Cyriacos est inimitable par ses enjambées, son refus de se conformer à la loi du groupe, il n'a pas l'esprit meute : c'est un indépendantiste forcené et il me fait penser aux cristaux de plagioclases des Antilles qui refusaient de se faire dater par la Thermoluminescence, parce que leurs pièges ne fonctionnaient pas. Ils avaient du «fading».
 Le Cyriacos n'a pas toujours joué le jeu de l'expé, mais c'est un garçon remarquable par sa force, son intrépidité et sa passion pour l'artisanat chinois. Il est revenu bardé de hottes-berceaux, d'une machine à coudre, d'ustensiles divers. Ce CYRIACOS demeurera pour moi le compagnon des marchés chinois. Il y a quelque chose d'attachant dans sa démarche et dans son refus systématique de soigner sa grippe. Les bactéries sulfatogènes ont fini par avoir raison de lui, mais pas de sa hardiesse dans les trous.
LES COLLÈGUES CHINOIS : SHOUYUE ZHANG, YUZHANG JIN, DACHANG ZHANG, MENGXIONG SHI, SHICAI CHEN
Il est difficile de décrire tous les moments précieux, certains hors expé, lors du séjour de SHOUYUE, DACHANG et SHI dans ma maison d'Auvergne, Dachang qui ramasse les fruits du mûrier de Chine en secouant l'arbre, Shi dans ses circuits expectatifs autour des plats qui mitonnent et Shouyue attablé dans une longue discussion avec Jean-Pierre et Richard, malade (retour Mexique-Iran)...
Shouyue ZHANG est précis, efficace, toujours souriant et redoutable de perspicacité. Sans lui, rien ne se ferait. Nous lui devons aussi d'être là, dans ces coins reculés. Il est au Team un puits de savoir et aussi Homme des relations affables. C'est et ce sera toujours une joie profonde de travailler avec ce collègue.
Yuzhang JIN a apporté à cette expédition son sourire, son ouverture d'esprit et son efficacité convaincante. Il est en soi remarquable que Mme JIN ait accompagné cette meute débridée et tous avons en tête sa gentillesse.
Dachang ZHANG a été le farfadet chinois, avec son esprit incisif et ses calligraphies de paysages karstiques, dignes de la grande tradition des peintres chinois. Dachang a représenté pour nous le pont de génération avec la Chine ancienne, traditionnelle. Dachang est aussi merveilleux de sagacité et d'espièglerie et sa connaissance conjointe de l'Occident (Autriche) en fait un auxiliaire précieux.
 Mengxiong SHI demeure toujours aussi précis, efficace et classieux quoiqu'il advienne. C'est finalement le plus «chinois» de la bande.
Shicai CHEN est un Rabelais chinois. Sa démarche de panda, ses expressions joviales représenteront toujours pour moi, ce monde exceptionnel des paysans chinois. CHEN a été mon compagnon dans le grand poljé de Changleping ou les hauts de Tiankengcao, région de Zisuling. Chen a un esprit et une verve accumulés par les millénaires de culture et de révoltes paysannes : il oscille en permanence entre le Manant et l'Empereur. Chen est finalement un homme médiéval, un homme d'allégeance et de fidélité, un homme comme il en existait à l'époque de nos chevaliers d'Auvergne ou de la noblesse chinoise : érudit, gentil, lascar, paillard, mais avec une haute idée de sa fonction... Et puis ce charme inimitable, mélange de rouerie et de naïveté. Grand amateur de musique, lorsqu'il m'a conseillé à l'achat de quelques morceaux chinois, il a signalé : «attention à l'opéra de Beijing, c'est la mort du cygne constamment renouvelée !...»
LES PAYSANS, LES CAMERISTES, LES CHAUFFEURS, LES CUISINIERS ET NOS HOTES CHINOIS
Il me faut maintenant résumer le plus difficile, ces contacts fortuits, ces surprises délicieuses au détour d'un chemin, ces moments d'hospitalité inopinée, ces grappes d'enfants au sortir de l'école scandant «SHIMON, SHIMON»... Je vous remercie enfants de Jiutiandong qui m'avez enseigné les concepts de base : bonjour, au revoir, maison, champ, riz, culture du riz, grotte, vallée.... enfants qui avez calligraphié mon carnet de terrain.
Je vous remercie femme de la doline de Dadong qui m'avez soigné avec vos herbes après une morsure de chien. Femme et jeune fille de la ferme du versant nord de cette doline qui m'avez fait du thé fort et expliqué comment vous fabriquiez vos chaussures.
 Je suis ému en pensant à vous, femme de la ferme de la doline aménagée au-dessus de Tiankengcao (Wufeng) qui m'avez apporté une chaise sculptée à haut dossier, celles des vieux, pendant que je dessinais vos aménagements ancestraux, que votre père maîtrisait un buffle rétif et une araire et que je distribuais à vos enfants les petits trésors de père Noël de mon grand sac ; je vous remercie pour avoir couru après moi avec une pomme astiquée par votre fichu...
 Je vous remercie Chen Xiao Feng pour m'avoir accompagné sur les hauts de Donghe, pour votre patience pendant que je levais mes coupes de remplissages. Merci de votre délicieux discours en anglais sur la vie, les plantes, la nourriture. Vous m'avez récité des poèmes, chanté des champs de la terre et je vous ai fait voyager dans l'espace et le temps des géologues...
 Comment raconter ces miettes d'éternité, cette jeune fille enfant qui venait m'attendre au sortir de l'école dans les incessantes montées et descentes au poljé de Yanziping. Au départ c'était pour porter mon sac, sans doute sur ordre de ses parents, et puis comme je le portais seul, ensuite pour la compagnie. Elle était toujours là à la tombée de la nuit sur le chemin qui mène à Yanziping... avant les nuées de gamins qui attendaient que je leur apprenne l'alphabet français. Enfants, vous m'avez appris les concepts Chine, plaine, plante, sol, blé, soleil, oreille, nez, yeux, bouche... Tous avaient pris l'habitude de se coller sur le front, les post-it que j'avais distribués. La séance d'écriture se faisait dans le creux des mains et certains repartaient avec la paume serrée...
 Petite fille Tan Doug Xai émerveillée par la marionnette métallique de Toscane avec laquelle je l'ai amusé à Datangmi. Enfants Tujia des feux de Yanziping, Wan Ven Bo, Xiant Cha, Junia, June, Sbian Cha, qui m'avez enseigné feu, chaussure, jambon, toupie, montre...
 Que dire des séances explicatives pour les plantations des graines de légumes et des tubercules de tulipes et de crocus apportées de Hollande et combien de confidences agraires cela a pu engendrer ? Comment communiquer l'étonnement à expliquer et la surprise à voir comprendre par des paysans, le code couleur des sols que je levais avec passion et qu'ils cultivent avec tant d'amour dans les hauts de Donghe ou les bordures sud-est de Yanziping ? Fermier de Datangmi qui m'avez naturellement secondé dans mon levé topométrique du poljé sans un mot, à distance ; en ayant observé et compris tout ce que je faisais et m'avez ouvert votre maison : «pourquoi repartir ce soir, puisque tu reviens demain ?»
 Délicieuses caméristes toujours empressées à apporter l'eau chaude du matin et du soir, enfin amis cuisiniers et cuisinières : artistes mère et fille du coriandre à Wufeng, copains de Xianfeng et surtout mes compagnons de travail de Hefeng et votre ingéniosité. Vous m'avez appris dans vos cuisines autant sur le monde paysan que je n'en avais vu dans les champs durant cet hiver rigoureux 93-94 !
 Chauffeurs de bus de Wufeng et surtout Nikita tellement sérieuse au début avec son uniforme d'officier de police du Ministère des Affaires Etrangères et qui est peu à peu redevenue la femme chinoise, délicieuse, aimable, policée, serviable et attentionnée qui a tellement facilité notre séjour. Je n'oublie pas les autorités locales et ce mémorable thé-tujia avec en prime la compagnie du réveillon de Noël et l'exercice difficile des chants à capella de l'opéra chinois à 2 ou 3 heures du matin !


Karstologia Mémoires N° 6 Année 1995 DONGHE 92 - ISBN : 2-7417-0162-8


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