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Donghe 92 Sommaire

Chapitre 4 :  Les cavités du comté de Sangzhi

L'équipe

Résumé - Abstract - Zusammenfassung - : Le comté de Sangzhi, dans le nord du Hunan, est très riche en cavités karstiques. 10,6 km de topographie ont été réalisés en une semaine dans 7 cavités. Toutes se situent à quelques kilomètres au sud de la ville dans la terminaison SW du grand synclinal de Sangzhi. Il s'agit de grottes-tunnels chaudes et sèches développées dans les roches carbonatées du Trias inférieur et du Permien. Les grandes grottes fossiles de Shuangdong / Zhangjiadong (6 km) et Xiadong (1,1 km), séparées juste par une petite doline, forme le début d'un vaste système qui se dirige droit sur la rivière Lishuihe. Signalons l'existence de la grotte aménagée de Jiutiandong (5,7 km), dans les calcaires du Permien inférieur, qui est une des deux plus belles cavités aménagées de Chine.

Mots-clés : karst, grotte-tunnel, Trias, Permien, Hunan, Sangzhi, Shuangdong.



Introduction

C'est dans ce vaste comté, s'étendant au nord de la province du Hunan, juste aux confins du Hubei, que nous avons terminé l'expédition. Notre reconnaissance spéléologique dans ce comté fait suite à une première expédition sino-belge en 1988 qui a visité Sangzhi, puis Wufeng et surtout Lichuan dans le nord du Hubei. Outre les zones que nous avons explorées à proximité de la ville (10,6 km de topographie, 7 cavités), entre 300 et 500 m d'altitude, nous avons repéré des secteurs montagneux intéressants dans le nord du comté, sur la route allant de Sangzhi à Hefeng. Cette région est bien desservie par les moyens de communication, notamment un express de canton et un aéroport à Dayun.
Mais cette région n'est pas uniquement karstique et nous avons pu visiter la fabuleuse forêt de pitons de Zhangjiajie, qui se développe dans les grès quartzitiques du Dévonien. Cette zone est couverte par une abondante forêt ou sont recensés 850 espèces d'arbres dépendant de 96 familles et de 300 genres. Nous avons pu entre autre y admirer quelques spécimens de la flore chinoise et notamment un conifère, le metasequoia glyptostroboïdes, véritable fossile vivant puisqu'il se développait largement au Crétacé au niveau de l'actuelle zone arctique et a survécu jusqu'à nos jours. La faune recèle aussi quelques espèces rares ou en voie de disparition comme la salamandre géante, le léopard, l'ours. Ce parc national forestier a été classé héritage mondial par l'UNESCO.
- Géologie : Les zones explorées se situent dans la partie est de la terminaison sud du grand synclinal de Sangzhi. Les roches carbonatées sont représentées par le Trias inférieur et le Permien inférieur alors que les roches clastiques du Trias supérieur et du Crétacé occupe le coeur du synclinal. La rivière Lishuihe qui entaille son flanc sud forme le niveau de base des aquifères du Trias et du Permien.
- Présentation géographique : Ce vaste comté s'étend sur 3 500 km2 au nord de la province du Hunan. Il est traversé par le cours supérieur de la rivière Lishuihe. Le point culminant (1 800 m) se situe dans les montagnes de Badagongshan aux confins du Hubei. La température moyenne annuelle se situe autour de 16 °C, les étés sont chauds avec des pointes jusqu'à 38°C et les températures hivernales peuvent descendre jusqu'à - 5 ou - 8°C. La population, de 420 000 habitants, se répartie selon une mosaïque de 18 ethnies. Elle compte seulement 14 % de Hans contre plus de 86 % de minorités nationales représentées par 17 ethnies, notamment les Tujia et les Bai.
- Présentation spéléologique : Finies les pertes d'altitude froides et humides, place aux grandes grottes-tunnels chaudes et sèches, histoire de finir l'expédition au soleil ! Pourtant, c'est bien ici, à 300 m d'altitude, que nous avons marché dans la neige et erré à la nuit tombée à travers pitons et vallées sèches sous des déluges d'eau glacée ! Ici aussi nous avons travaillé très près de la ville et exploré 7 cavités qui développent au total 10,6 km. Les grandes grottes fossiles de Shuangdong-Zhangjiadong (6 km) et Xiadong (1 142 m), qui sont séparées juste par une petite doline, forme le début d'un système intéressant qui se dirige tout droit sur la rivière Lishuihe. Au cours de notre séjour, nous en avons aussi profité pour visité la superbe grotte aménagée de Jiutiandong qui se développe dans les calcaires du Permien inférieur sur 5 726 m. Elle est sans doute, avec la grotte de Dajidong dans le Guizhou, une des deux plus belles cavités aménagées de Chine. Dans ce comté 1 000 cavités ont été recensées dont 464 ont fait l'objet de publication.

LE COMTÉ DE SANGZHI EN QUELQUES CHIFFRES
Superficie = 3 500 km2
Altitudes extrêmes = 150 m, 1 800 m
Population = 420 000 hab.
Températures = 16°C
Précipitations = 1 412 mm/an
Densité = 120 hab./km2
Capitale = Sangzhi
Nationalité dominante = Tujia et Bai (17 minorités représentant 86,31 %)
Agriculture = maïs, riz, tabac, arachide
Ressources = Agriculture 60 %, industrie 40 %

I. Les cavités du Permien

Les cavités développées dans les calcaires du Permien se situent près du village de Shuidong, à 9 km au SSE de Sangzhi. Ce secteur se place en réalité à la limite entre la terminaison SW du synclinal de Sangzhi et la terminaison NE de l'anticlinal axé sur la vallée encaissée de la Kuzuhe au fond de laquelle affleurent les grès quartzitiques du Dévonien. La cavité la plus importante de ce secteur est la superbe grotte de Jiutiandong (alt. 380 m) aménagée pour le tourisme depuis 1988, longue de 5,7 km, qui présente de vastes galeries fossiles de plus de 50 m de large très concrétionnées ; au-dessous se développe un étage actif représenté par une petite rivière souterraine explorée sur près de 2 km en 1988 par une équipe spéléo sino-belge (MASSCHELEIN et ZHANG Shouyue, 1988). L'amont de cette rivière serait en relation avec un autre actif découvert par les spéléos belges à la base d'un magnifique puits de 124 m s'ouvrant à proximité de Jiutiandong (- 185 m, 435 m). Nous ne décrivons ci-dessous que deux modestes cavités, Guanyindong et Banbianqiu, mais un important travail reste à faire dans ce secteur de Jiutiandong, y compris dans la grotte aménagée. - ^ -

A. GUANYINDONG
"Grotte de Guanyin" (Sa92/1)
Dév. 617 m   Dén. 33 m (- 30, + 3)   Alt. 515 m
Cette cavité se situe à 1 km au sud de la grotte aménagée de Jiutiandong, près du village de Shuidong. A partir de Jiutiandong, il faut monter au SE le flanc de la colline, passer la crête, redescendre de l'autre côté et suivre à flanc la vallée encaissée de la Kuzuhe sur 500 m. La grotte est située sur le versant à 515 m d'altitude dans les calcaires à silex du Permien inférieur. Cette cavité avait déjà été visitée par les habitants jusque dans des recoins assez étroits. Le réseau se constitue d'une galerie principale, subhorizontale, de 20 à 100 m2 de section.
Quelques départs latéraux se terminent assez vite sur des remplissages hermétiques. Les remplissages sont très abondants : planchers stalagmitiques, argiles, sables et graviers ; et les concrétions sont anciennes, ternes, souvent basculées. De nombreuses arrivées d'eau se font au plafond, par des cheminées verticales d'allure très alpine, qui perforent le plancher vers le fond de la cavité. Les eaux, érosives et corrosives, dégagent ainsi les sédiments et creusent de courts méandres où la roche est bien polie avant de se perdre dans des suçoirs ou de petits puits. Il doit y avoir quelques colonies de chauve-souris comme l'attestent des tas de guano, mais elles n'étaient pas visibles lors de cette exploration. La visite est possible sans cordes malgré quelques ressauts un peu raides : arrêt sur des étroitures sévères, sans courant d'air. Bernard
Comme l'entrée correspond au recoupement du réseau par le creusement de la vallée, on peut donc supposer que ce réseau subhorizontal, aujourd'hui perché plus de 300 m au-dessus de la rivière, est une grotte ancienne qui s'est formée à proximité du niveau de base, sans doute au cours du Tertiaire supérieur.Richard - ^ -

B. BANBIANQIU
"Grotte de la demi colline" (Sa92/2)
Dév. 60 m   Dén. - 60 m
Ce puits se situe au fond d'un talweg cultivé percé d'un chapelet de dolines alignées sur l'axe de la combe. L'une d'entre elle, un entonnoir de 10 à 15 m de diamètre, est cernée par la végétation et donne directement sur un puits. Celui-ci, dédoublé sur les 15 premiers mètres, est de belles dimensions : 15 m x 8 m. Par manque de corde nous nous arrêtons à - 60 sans atteindre le fond ; nous estimons sa profondeur à au moins 90 m. Ce gouffre ressemble au puits de 124 m exploré par nos collègues belges (supra). Juste à coté existe un petit trou dans lequel les paysans du coin, ou "local people", nous ont fortement déconseillé d'entrer. D'après leurs explications, il s'agirait d'une ancienne mine dans laquelle la présence de gaz rend l'exploration dangereuse. Sylvain

II. Les cavités du Trias

Les cavités explorées dans le Trias se situent à environ 2 km au nord de la zone permienne de Shuidong que nous venons de visiter brièvement. Ce secteur est facilement accessible de Sangzhi en empruntant sur une dizaine de kilomètres la route qui se dirige au SW. 40 mn à 1 h 30 de marche sont cependant nécessaires pour atteindre la zone intéressante localisée vers 350-450 m d'altitude, sur la terminaison "en fond de bateau" du synclinal de Sangzhi. Les différentes grottes inactives topographiées font parte d'un ancien système, actuellement en grande partie déconnecté du système actif, qui est recoupé par l'érosion à cause du soulèvement de la région au Tertiaire supérieur et au Quaternaire. On observe ainsi de splendides porches fossiles perdus et cachés au milieu de la montagne, au fond de dolines aménagées pour les cultures ou sur les pentes, comme les entrées du superbe réseau de Shuangdong / Zhangjiadong ou encore l'entrée fumeuse de Xiadong, dite aussi grotte de la vapeur. - ^ -

A. XIAODONG 2
"Grotte du nitrate 2" (Sa92/4)
Long. 110° 06,4' E   Lat. 29° 21,5' N   Alt. 441 m
Dév. 147 m   Dén. - 12 m
Elle se situe non loin du petit village isolé de Fengyanwu. Depuis la grotte de Shuangdong que l'on atteint en 40 mn depuis la route, il faut remonter pendant 15 mn dans le grand axe de la doline jusqu'au premier replat important ; on remonte ensuite pleine pente jusqu'à un col. L'entrée est de petites dimensions - elle nous été indiquée par des paysans - et se trouve à gauche du col au pied d'une toute petite barre rocheuse. Il s'agit en fait d'une cavité fossile de 150 m de long qui se développe subhorizontalement dans la direction des couches, au SW, sans être influencée par le pendage qui atteint ici plus de 50°. Elle est ornée de vieilles concrétions très sèches et se termine sur une coulée stalagmitique agrémentée de gours à sec lors de notre exploration. Compte tenu de sa position haut perchée et de son caractère subhorizontal, il ne fait pas de doute que nous avons affaire à un très vieux drain d'âge tertiaire. Jean-Pierre - ^ -

B. SHUANGDONG / ZHANGJIADONG
"Grotte double, Grotte de la famille Zhang" (Sa92/5)
Long. : 110° 06,18' E   Lat. 29° 21,34' N   Alt. 390 m (coord. de Shuangdong)
Dév. 6 243 m   Dén.
Il s'agit d'une vaste grotte-tunnel, de plus de 6 km de développement (5 entrées), subdivisée en deux parties au niveau d'une doline d'effondrement qui a recoupé la grotte (entrées de Shuangdong). On distingue ainsi un réseau ouest long de 1,4 km (3 entrées) et un réseau oriental de presque 5 km (2 entrées). La double entrée de Shuangdong, située non loin du village de Fengyanwu, se situe à 40 mn de la route et à 390 m d'altitude au fond d'une belle doline aménagée en terrasses de cultures circulaires. En réalité, on observe ici un complexe de quatre entrées : les deux de Shuangdong, et deux autres un peu plus hautes : Chengqiangdong (la grotte du mur) et la grotte de Xiaodong 1 (grotte du nitrate 1).
Le porche principal de Shuangdong permet d'accéder au réseau Est tandis qu'un deuxième porche, caché et dissimulé car bas de plafond, permet de rejoindre la partie ouest ; on peut également rejoindre le réseau ouest en passant directement par les entrées supérieures de la grotte du mur et de la grotte de Xiaodong 1 qui ont servi d'habitat refuge comme en témoignent les nombreux aménagements, murs et terrasses. La cinquième entrée du réseau se situe à l'est, au fond du hameau de Zhangjiawan : c'est la pittoresque grotte de Zhangjiadong qui constitue la sortie du réseau est. Une petite doline la sépare de Xiadong qui développe 1 143  m (voir infra).
- Le réseau ouest est constitué par un vaste conduit de 20 à 40 m de large qui s'étire sur 1,4 km de développement vers l'WSW. La première partie est très rectiligne et la boite topo fume ! Même que Bernard Collignon en serait jaloux puisque c'est là que la visée la plus longue de l'expédition a réellement lieu (136 m) et non sur un certain lac souterrain du comté de Wufeng (134 m). Après les blocs et les sédiments argileux des 250 premiers mètres, la galerie devient moins austère. On avance maintenant sur des cascades de gours à sec et de larges coulées stalagmitiques plus ou moins actives qui "éclairent" la progression ; et l'on peut découvrir çà et là de nombreuses perles des cavernes.
A 500 m de l'entrée, on remonte une puissante coulée sur plusieurs dizaines de mètres. Au-dessus de nous, la lumière de nos acétylènes est renvoyée sur ce qui semble être un plafond vaporeux parfaitement horizontal. Quelle est donc encore cette "chinoiserie" ? Encore quelques mètres et... d'un coup nos têtes émergent du plafond qui n'est autre qu'un véritable nuage de brouillard. La vision de cette surface blanche suspendue délicatement dans le silence minéral de la grotte est saisissante. Fuf tente une photo de cette vision fantomatique, mais nous ne verrons rien du résultat. Cette chose a-t-elle vraiment existé ? En fait, l'explication est simple : il s'agit d'une poche d'air chaud (reliquat de l'été) piégé au plafond de la galerie par l'aspiration d'un air plus frais ; au contact de l'air chaud, une nappe de brume s'est formée par condensation.
La suite du réseau est du même acabit : quelques blocs, parfois un peu d'argile de décantation dans les creux et surtout de multiples coulées où les bottes adhèrent parfaitement. La galerie "topoclassico" marque la fin du réseau ouest ; elle se termine sur un siphon d'argile dans la partie basse et au sommet par une énorme obstruction de 50 m de long sur 20 m de haut associant coulée de calcite, stalagmites et boue. D'après les indications d'un paysan, il existerait sur le plateau une petite entrée à fort courant d'air à peu près à l'aplomb de la zone terminale. Richard
- Le réseau Est est plus complexe que le réseau ouest que nous venons de parcourir. Le porche principal de Shuangdong, large de 25 m sur 15 m de haut, donne dans une large galerie qui descend d'une quinzaine de mètres pour atteindre un fond plat argileux que l'on suit sur 80 m, puis la galerie devient rocailleuse avec des amas de blocs. A 330 m de l'entrée, le réseau se divise en trois galeries dont une est difficile à trouver, bien qu'elle se situe dans le prolongement : c'est la "galerie cachée" découverte par un fureteur des familles, j'ai nommé le Bozzo continental ! (voir infra). Mais ce premier jour, Bozzo et Cyriaque ne la voit pas ; ils n'ont d'yeux que pour cette galerie, large de 10 à 12 m, qui file au SE. Ils s'y enfoncent en faisant grincer le topofil. Le conduit se poursuit sur 400 m en formant un arc de cercle et prend une taille moyenne de 6 à 8 m de large, avec un plancher argileux dans la dernière partie. Arrêt sur une petite salle avec une étroiture dans un appendice rétrosécal !
Au carrefour, la deuxième équipe s'enfonce au nord dans une vaste galerie remontante pleine de blocs gros comme des maisons. En fait de deuxième équipe, je suis seul, mais la topo ne pose guère de problème : il suffit d'attacher le bout du fil et de faire des visées arrière. C'est ainsi que je m'enfonce dans l'inconnu après avoir gravi le talus de départ. Bien que je ne le sache pas encore, j'ai fait le bon choix, car je suis dans le passage de la future jonction avec Zhangjiadong. Pour l'instant les blocs défilent dans une galerie large d'au moins 30 m ; à 130 m du carrefour, j'oblique plein est. Je franchis rapidement un lac temporaire, à sec en cette période. Devant, une haute galerie en canyon, de 10 à 15 m de large sur plus de 30 m de haut, présente un fond plat sur lequel je progresse religieusement jusqu'à des gours d'argile ! Je regarde le compteur du topofil : déjà 530 m d'engranger - il faut au moins que je revienne avec une borne histoire de maintenir le rythme. A 700 m du carrefour, la galerie bifurque vers le NNE et commence à faire des montagnes russes un peu plus marquées ; elle monte et descend avec des gours secs et des coulées stalagmitiques, agrémentés de quelques escalades et désescalades faciles ; mais quand on est seul, on est toujours plus prudent. Après un ressaut de 5 m, je remonte un bombement constitué de gours secs magnifiques : les cristaux de calcite se brisent en crissant sous mes pieds devenus pourtant plus légers. Je me retrouve au sommet d'une jolie salle de 25 m de diamètre toute tapissée de gours : voilà près de 1 km que j'avance. Serais-je au bout de la galerie ? Non, celle-ci se rétrécit sur 6 m de large et descend au nord sur un toboggan de calcite où coule un filet d'eau. Je jette un caillou dans le noir par acquis de conscience : plouf ! La descente est facile et me voici devant un lac dont le fond est boueux. Pas question de le traverser seul : il faudra revenir. Richard
Le lendemain Bozzo et Cyriaque revienne au carrefour et découvre la galerie cachée. Comme son nom l'indique, celle-ci n'est pas des plus faciles à trouver. Il faut fouiner entre les blocs du grand carrefour et emprunter un petit passage qui semble avoir été dissimulé. La galerie qui suit prend parfois des airs de mine, jonchée de petits cailloux parfois rangés en tas ou en murs. Au bout de 200 m, en haut d'une coulée de calcite, une étroiture forme comme un nouveau poste de garde ; on trouve tout de suite derrière deux sièges de pierres adossés à des colonnes. La galerie a alors meilleure figure, les gours et les concrétions sont abondants ainsi que les fours à nitrates. On trouve des flèches et des inscriptions qui semblent être des points topos d'un autre âge. Souvent, des petits puits de 2 à 3 m percent le plancher stalagmitique aux endroits ou l'on s'y attend le moins, tels des pièges tendus aux topographes étourdis. De petits ressauts en concrétions diverses, la galerie file tranquillement jusqu'à son terminus, un puits de 5 m qu'il faut descendre et remonter à la force des bras sur quelques rataillons. Dans une petite lucarne en méandre, nous retrouvons la lampe d'un précédent visiteur, un morceau de bambou contenant encore un bout de chiffon vaguement imbibé de pétrole. Au retour, nous visitons quelques diverticules dont une grande salle inclinée remontant jusqu'à une galerie vite terminée sur un puits remontant. Jean
- La jonction par l'entrée de Zhangjiadong constitue une jolie et facile ballade souterraine. Mais en cet hiver rude de janvier 93, les rizières de Sangzhi sont dans la neige. Il fait un froid de canard. En face de nous, le trou de Xiaodong fume de l'air chaud comme un "steamboat". Quant au porche de Zhangjiadong, il devient un havre de douceur, soufflant lui-aussi un air doux à 18°C tandis qu'il fait 15° de moins à 20 m de là ! On comprend pourquoi ce porche est actuellement habité, avec force bercails, porcs gras et canetons, et son micro-village dénommé Zhangjiawan. 15 m plus bas il y a un lavoir où triment plusieurs femmes du village. Nous les croisons en les saluant tandis que le père Daniel, un mégot au lèvre, fait son office de grand topographe devant l'Eternel avec Jean-Pierre comme assistant, lui-aussi le cigarillos au bec. C'est une journée qui s'annonce bien. La topo défile dans une galerie descendante de bonne taille, puis les tronçons se succèdent, pratiquement rectilignes, vers l'WSW dans un conduit large de 10 à 20 m ; le plancher est tantôt argileux, tantôt rocailleux, agrémenté de quelques gours et coulées. Voilà 1 km de topo : il est l'heure de rentrer et Daniel est content.
Le lendemain, rebelote, avec les compères Richard et Sylvain et Daniel en moins. Nous reprenons la topo pour buter sur un lac au bout de 100 m à peine. Cà y est, c'est sans doute le lac en question, celui sur lequel le Richard s'est arrêté en solo. Celui-ci scrute les ténèbres, mais ne semble pas vraiment reconnaître les lieux. Il faut en avoir le coeur net, bon chien ! On gonfle alors le canot percé, et qui va prendre pied dans un tel esquif, à votre avis ? Le compère Richard bien-sûr puisque c'est lui qui connaît l'autre côté. Inutile de mouiller du monde pour rien. L'embarquement à la Bozzo, en se jetant dedans, n'arrange rien. Au milieu du bief, le canot est au trois quarts dégonflés et prend de la gite. Le spectacle est magnifique et Richard décide de mettre pied en pleine eau : pas question de continuer un tel cirque dans un canot aussi pourri. "Çà y est, je reconnais mon terminus". La jonction avec Shuangdong est réalisée ! Au retour, une galerie longue de 300 m, parallèle à la galerie principale, est topographiée. Une escalade aérienne assez facile est réalisée en libre sur une quarantaine de mètres et permet de découvrir en balcon, au-dessus du lac de la jonction, la galerie des diamants. Dans ce recoin protégé du réseau scintillent des coulées et des gours secs étincelants, certains gris-acier, d'autres brillants comme des diamants. Jean-Pierre et Richard - ^ -

C. XIADONG
"Grotte inférieure" (Sa92/7), appelée aussi Grotte de la vapeur ou "Steamboat"
Dév. 1 143 m   Dén. - 50 m
Le même jour de la jonction Zhangjiadong / Shuangdong, une équipe se jette dans la fameuse cavité fumante située juste en face de Zhangjiadong (voir supra). A l'entrée de la grotte, un mur retient la terre de la doline et un petit canal a été aménagé pour laisser se perdre les eaux de pluie. Le nuage de vapeur qui sort par temps froid du porche est dû à un phénomène de convection limité à l'entrée : l'air froid descend la pente très raide, se réchauffe dans la vaste galerie horizontale qui lui fait suite, et ressort en longeant la voûte.
La galerie est un vaste corridor caractérisé par de longs sols plats ; parfois, des éboulis ou des concrétions transforment ce billard en montagnes russes, mais le parcours reste agréable. A 1 km environ de l'entrée, les coulées stalagmitiques semblent gagner leur long combat contre le vide ; mais déjà, un surcreusement leur vole la victoire. Après une longue vire, suivit d'imposantes colonnes de calcite, un puits barre le passage. Sur la droite, par des escalades et des vires, La Rouille poursuit la galerie jusqu'aux limites du raisonnable : le passage est trop exposé et il faut nous résoudre à descendre le puits. Il est interdit de rire : j'avais depuis longtemps misé sur la régularité de la galerie pour abandonner lâchement cordes et équipement, ce qui me vaut un footing de 1 km. La Rouille nous équipe le puits en un clin d'oeil et encore moins de spits ! Tant mieux, on n'a pas que ça à faire : c'est notre dernière journée d'exploration. En bas, le passage nous paraît bien maigrichon, mais ça passe. Tout à coup, au-dessus de nos têtes, nous retrouvons la galerie, mais elle reste inaccessible. Nous sommes arrêtés par un petit ressaut. Arrêtés ? Non, car des marches discrètement taillées par un prédécesseur nous sauvent la mise. Ces traces sont les premières que nous remarquons dans cette grotte qui est en fait très peu visitée. Après s'être fourvoyé dans un laminoir sans intérêt, nous finissons par trouver le passage qui nous reconduit à la galerie. Et c'est sur une belle stalagmite blanche, au milieu d'une galerie de 15 m de large, que nous laissons notre dernier point topo. Nous repartons vers la sortie au pas de charge : l'équipe sortie de Zhangjiadong risque de nous attendre. Jean


En effet, dehors l'équipe attend ! Il fait déjà entre chien et loup quand nous démarrons, mais au bout de 30 minutes de marche forcé, nous devons admettre que nous sommes peut-être dans la mauvaise direction. Il fait une nuit d'encre et nous commençons à tourner en rond dans la neige, les murets, les rizières, la boue... Mais où aller sans carte ? Heureusement nous savons deux choses : le réseau est orienté E-W et la ville de Sangzhi est forcément vers le nord. Nous décidons à sortir lâchement la boussole Sisteco qui nous sauve la mise puisque nous constatons que nous nous dirigions à l'opposé, c'est-à-dire vers la rivière Lishuihe. Le retour se fait au pas de charge, droit dans la montagne, puis dans les rizières détrempées. - ^ -

D. WUJIAWANDONG
(Sa92/6)   Long. : 110°,07' E   Lat. 29°22' N
Dév. 250 m   Dén. - 50 m
Cette cavité fort connue des habitants est un remarquable exemple de l'utilisation des grottes dans la vie des paysans chinois. En cette zone de qiufeng où ne coule aucun ruisseau et aucune source, elle sert depuis des temps immémoriaux de point d'eau pour les fermes alentours. L'entrée, une belle doline d'effondrement, est suivie d'une galerie en forte pente, encombrée de blocs. Un petit sentier aménagé pour les lourdes charges des porteurs d'eau serpente dans la descente. Dans cette galerie, haute de 20 m, le concrétionnement abonde et de grosses coulées actives ou inactives obstruent parfois la totalité du passage. En bas un petit ruisseau s'écoule entre les blocs et les obstructions de calcite ; et des bassins artificiels ont été creusés pour pouvoir mettre un seau. Nous perdons la rivière dans un minuscule siphon et poursuivons la galerie jusqu'à une salle de belles dimensions. En remontant un peu, nous sommes arrêtés au sommet d'un ressaut de 5 m. Malheureusement, nous n'avons pas de cordes avec nous ce jour là ; en bas seul un coin d'ombre échappe à notre vision, la suite est peut être là ! Jean-Pierre - ^ -

E. LIANGFENGDONG
"Grotte du vent froid" (Sa92/3)
Dév. 1 913 m   Dén. 86 m (- 51, + 35)   Alt. 380 m
On accède à la galerie de la rivière par le puits caractéristique qui perce le plancher de la galerie fossile à ... de l'entrée. Il ne nécessite pas de corde et se poursuit par une galerie déclive aux nombreux petits départs ventilés et non vus. Peu après un carrefour permet soit de descendre à droite sur une quinzaine de mètre jusqu'à une laisse d'eau profonde qui nous a arrété malgré un très bon courant d'air ; soit de franchir à gauche un passage agrandi à l'explosif, de descendre 10 m plus loin un ressaut de 7 m ( corde de 15) donnant accès à la rivière (5l/s). nous sommes alors dans une grosse galerie sur fracture que la rivière n'emprunte pas mais traverse de part en part. L'aval se poursuit un instant grâce à trois petits regards puis siphonne irrémédiablement. On continu vers l'amont en "traversant" la paroi de droite qui n'est en fait qu'un barrage artificiel (tentative de captage d'eau) percé d'un petit tunnel. La galerie prend alors de bonne dimensions (10X10) et on marche dans d'imposant dépôts d'argiles sans doute du au barrage pendant...m jusqu'à une zone qui semble siphonner. Un affluent rive gauche se termine sur trémie. A noter que nous avons été rejoint pratiquement au terminus par trois enfants de 8 à 10 ans armés de lampe de poche, le tout à presque deux kilomètres de l'entrée, derrière un ressaut vertical de 7 m et dans la boue jusqu'au genoux...Sacré explorateurs !- ^ -


Karstologia Mémoires N° 6 Année 1995 DONGHE 92 - ISBN : 2-7417-0162-8


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