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Grottes et karsts de Chine... Sur les traces de Xu Xiake
Gebihe 89 Sommaire

Récits anecdotiques


Septembre 1986, la première expédition spéléologique franco-chinoise se réalise. Défi fou relevé. Ce sera un succès à tout point de vue et de solides liens d'amitié sont nés de cette aventure humaine. C'est pourquoi 5 partenaires chinois de l'Académie des Sciences de Pékin seront accueillis en France en juillet 87. Un mois de rencontres, de visites et surtout un travail intensif sur le rapport d'expédition, mais déjà dans nos têtes mûrit un nouveau projet.
C'est en janvier 1989 que la deuxième expédition est lancée. Il faut réunir le budget et surmonter les difficultés de l'organisation. Le projet a pris une dimension internationale. Paperasserie mais aussi entraînement sportif sont de rigueur car les points d'interrogation laissés en 86 cachent les rivières inconnues, il faudra les explorer...
Enfin le 20 octobre 1989, notre équipe de 14 spéléologues s'envole vers la Chine.
Par les textes qui vont suivre nous espérons vous faire partager un peu de notre voyage ...

Lyon le 19 Octobre 89
"Salut, tchao, bon ben ... bon voyage, fait attention quand même.
Ouf, les portes du bureau se referment, me voilà en vacances pour deux longs mois ... Il ne me reste qu'une après-midi pour boucler mon sac... quelques heures seulement me séparent encore de l'évasion ! Excitation mais aussi fatigue et appréhension se mêlent dans mon esprit : demain je m'envolerai à nouveau pour la Chine. Je sais, pour l'avoir découverte un an plus tôt, les sentiments opposés que ce pays éveille en moi ; et nombreux de ceux qui l'ont parcourue pourraient vous le dire : on adore la Chine autant qu'on peut la haïr, tant elle n'est que pararadoxes, merveilleuse et sournoise, si dangereusement belle ; cette sensation bizarre d'être attachée à cette terre, l'envie même pourquoi pas d'y vivre un jour et l'incompréhension puis l'ennui parfois ... Mais n'est-ce pas aussi ça la passion ?" Brigitte Chevailler

Vendredi 20 octobre 1989
"La nuit a été courte, trop courte ! Surtout avec la journée d'hier que nous avons passée à courir à droite à gauche afin de réunir les derniers équipements, derniers contacts téléphoniques, ne rien oublier, ne rien négliger... Le soir repas de famille... 23 heures dernier tri des paperasses, Brigitte recopie les adresses des sponsors ... argent ... pharmacie ... Jean Luc, Jean Paul et Franck partent "en bringue", pour eux la nuit sera inexistante. 1h du matin, voilà une autre partie de l'équipe qui arrive, Christian, Serge et Richard, quelques discussions encore, mais l'efficacité a disparu effacée par la fatigue et cette sale grippe qui me tient ! 5 h 30, nous bouclons les derniers sacs et prenons un bon petit déjeuner. Nous retrouverons les autres membres de l'expé à Paris, Pascale et Jean, Daniel, Claude, Bernard. A 7 h 00, nous arrivons à la gare où les amis nous ont rejoints, quelques photos pour la presse, les au-revoir toujours difficiles... et nous voilà enfin partis" Jean-Pierre Barbary

Hong-Kong le 21 Octobre 89
"Quelle galère ces sacs ! On est vraiment lourd cette année avec nos trois sacs chacun (et plus pour certains) qui pendouillent tant bien que mal, devant, derrière... Attention le dos ! Les vacances commencent bien ! Mais Hong-Kong avec ses buldings et ses mille lumières nous fait vite oublier notre fardeau. La France est déjà loin, c'est fou comme on déconnecte rapidement de notre vie quotidienne et tant mieux : le coeur est léger, une impression de liberté nous grise...
Une grosse femme nous interpelle, elle veut nous loger dans son hôtel. Les copains négocient les tarifs, pourquoi pas ? Nous sommes finalement répartis dans plusieurs petits hôtels privés, mais tous dans la même tour. En fait, chaque appartement est transformé en mini-hôtel par la pose judicieuse de cloisons. Les chambres sont minuscules : juste la place du lit, une télé et un placard en hauteur, business oblige !
Après avoir déambulé tard dans les rues et croqué un hamburger (on trouve même ça bon ! ) je dormirai quatre heures comme un bébé, malgré le bruit incessant de la ville et la chaleur moite, étouffante." Brigitte Chevailler

Les kilomètres qui défilent, nous menant de zones en zones, ne sont pas sans surprises et sueurs froides. En Chine, le transport est souvent une opération risquée : les chauffeurs, l'état des routes et leur encombrement (aussi bien de charrettes, de camions et de bicyclettes), rendent coutumiers les accidents en tout genre. Pourtant, c'est au cours de ces longues journées que nous assistons au spectacle d'une activité humaine incessante. A chaque trajet, nous nous étonnons encore de cette façon de travailler la terre, de cette multitude de gestes ruraux inchangés depuis des siècles.
Les villes nous fascinent tout autant. Quel que soit le temps, les étalages se succèdent, aguichant grâce aux couleurs, aux senteurs. Les femmes tricotent avec dextérité, tout en marchant ou en regardant autour d'elles. A la rivière, d'autres lavent le linge ou les légumes. Les enfants portant leur cartable se poursuivent en courant, d'autres plus calmes jouent aux osselets ou bien recopient soigneusement des calligraphes. De la matière première au produit fini, un bric à brac circule dans les ruelles. Parfois passent les rémouleurs, les livreurs de cubes de charbon ; les cordonniers s'affairent aux cliquetis de leur machine à coudre. Des petites cahutes abritent les revendeurs de cigarettes, les réparateurs de montres, les vendeurs d'enveloppes. Quoi qu'il en soit les gens discutent entre eux ou attendent patiemment en fumant les yeux dans le vague. Les odeurs de fritures et de soufre se mêlent. Les bananes minuscules et savoureuses côtoient les montagnes de mandarines et les pamplemousses énormes dans leur panier d'osier. La viande, en gros tas rouge, est vaguement posée sur une bâche souvent à même le sol.
Toute cette agitation colorée nous fait presque oublier que les grandes villes sont grises et poussiéreuses avec leurs immeubles en construction qui semblent déjà vieux.

Nous arrivons dans le comté de Zhijin, notre première zone de travail où plusieurs objectifs intéressants laissés en 86 nous attendent. Parmi eux, le "petit" et le "grand gouffre" et le mystérieux réseau de Santang qui nous livrera encore quelques kilomètres de première arrachés à la boue. C'est durant les derniers jours de travail dans cette zone que nous explorerons la "grotte de la tête variolée" appelée en chinois Mawotou !

"La zone de Mawotou est située dans le prolongement de celle de Santang ; il suffit de dépasser le village et de poursuivre la route sur quelques kilomètres. La marche d’approche est un peu plus longue que d’habitude et les villages traversés encore plus typiques du fait de leur isolement. Notre objectif est de visiter et comprendre les importantes remontées d’eau (60 m), dans le fond d’une doline. Nous sommes au complet, répartis en trois équipes ayant chacune une cavité à explorer. Nous commençons à descendre le long du sentier tortueux serpentant entre les gros blocs de calcaires et les murets retenant des terrasses plus ou moins grandes, toutes cultivées. Le paysage qui s’offre à nos regards est constitué d’une falaise de près de 200 m au pied de laquelle s’ouvre une cavité repérable surtout par une surface brun clair, témoin d’un niveau d’eau boueuse noyant tout le fond de la demi-cuvette en période de crue. Deux entrées supplémentaires se trouvent de chaque côté au-dessus de cette ligne. Nous nous divisons donc, chaque groupe formant une petite colonne de couleur vive sur la vaste étendue verte. Nous sommes trois, Daniel, Jean et moi, à nous diriger vers le porche de gauche presque caché derrière la végétation ; c’est le plus haut.
Un paysan souriant, assis à surveiller quelques buffles, nous demande par gestes combien nous sommes. Avec nos doigts, selon la méthode chinoise, nous indiquons les chiffres correspondants. Il ne faut pas se tromper, car ils comptent jusqu’à dix sur une seule main. Nous voici presque arrivés. Il faut passer le long d’une vire herbeuse très pentue, étroite et légèrement glissante, pour accéder à l’entrée. (en se gardant des ronces et des orties). Il n’est cependant pas nécessaire d’installer une main courante. Nous nous équipons en un temps record, et déjà, le bruit familier du compteur de la boîte topo résonne dans mes oreilles.
Voilà un premier embranchement ; à gauche l’eau court sur des galets, à droite un petit monticule d’argile beige et compacte doit être franchi. Derrière, un bol cassé atteste d’un passage ou d’une habitation probable de cette partie de la cavité. Un peu plus loin, nous descendons vers un passage plus bas de plafond. Tiens ? Faudra-t-il ramper ? Et bien non : erreur d’appréciation des perspectives ; debout le casque ne racle même pas ; comme quoi, il ne faut pas se fier à nos années d’expérience en France, ici, pas de commune mesure !
Le sol que nous foulons porte les marques d’un fort courant d’air : les projections liées à l’impact des gouttes d’eau ont imprimé dans la glaise sèche des dessins triangulaires en direction de l’entrée. La topo file bon train, Daniel en avant reconnaît le chemin. Puis nous arrivons devant des passages plus techniques ; nous devons équiper... La galerie continue devant nous; faut-il descendre ou rester au même niveau ? Nous décidons de traverser horizontalement. Le scénario se répètera plusieurs fois... et puis, il nous semble que cette fois, le passage est bien bouché. Nous sommes prêts à revenir sur nos pas lorsque Daniel, assis sur ses talons, nous déclare tranquille, que pour lui la suite est incontestablement au-dessus de nos têtes ! Surprise de petit Jean qui prend un peu de recul, écarquille les yeux, scrute, interroge la ligne sombre, et ma foi, s’engage dans une petite escalade et ... et oui, Daniel avait tout à fait raison ! Intuition, perception, pourtant Jean aussi est un sacré habitué des premières, mais là, il est sidéré. Tout content, il félicite Daniel et nous poursuivons notre chemin, ragaillardis. Nous sommes obligés de maintenir un cap et les points d’interrogation se succèdent sur le carnet de notes. Nous retrouvons une nouvelle zone de puits que nous laissons de côté ; les bifurcations se font nombreuses ... mais ... il y a dans l’air un petit quelque chose d’inhabituel et en même temps de terriblement familier. Nous ressentons tous cette sensation d'odeurs ténues, d'air tiède, et pourtant nous sommes toujours dans le noir ; il n’y a que nos lampes pour contrer l’obscurité, alors ?
Nous sommes un peu plus impatients, la curiosité nous aiguillonne, et quoi ? toujours rien ... Nous cherchons le passage : il faut remonter, puis descendre, prendre le temps d’équiper, et là : ho ! des escaliers de pierre, sur une vire ! tiens tiens, quelle surprise ! Il nous faudra encore parcourir plusieurs dizaines de mètres avant de discerner une lueur vers laquelle nous convergeons. Oui, mais là, dans un virage, nous butons sur un ressaut de 10 m. Nous avons été trop vite ; puisque les Chinois sont passés, il doit y avoir une solution. Nous revenons sur nos pas.
Effectivement, dans un recoin, je découvre un passage entre les blocs, certaines prises sont lisses, patine témoignant de nombreuses allées et venues. Hé hé, nous voici au pied du ressaut de tout à l’heure. La galerie est très haute, très belle, ce secteur est particulièrement enchanteur, où allons-nous nous retrouver ? Nous montons une butte, vers la lumière. L’odeur de la végétation est plus distincte. A nos pieds, la mousse, timide, recouvre le sol, remplacée bientôt par des plantes plus vivaces. Je ne sais où regarder, ne voulant rien perdre du nouveau paysage, sans pour autant piétiner cette végétation ténue, prémice de vie dans la caverne. Ho, à gauche, j’entends couler une cascatelle et là, dans cette lumière verte, des chants d’oiseaux ! Incroyable, c’est devenu tellement exceptionnel ici. Il se dégage de ce lieu une grande sensation de calme. Habituellement les bandes de gamins et d’adultes curieux nous entourent d’un brouhaha joyeux lorsque nous sortons. Quel contraste ! On se croirait sous d’autres cieux. Un mur fortifié ferme l’enceinte et nous rejoignons, par une porte en arcade, l’oasis de verdure : ici, le temps semble se reposer alors qu’ailleurs l’automne s’est déjà installé. Nous débouchons à une extrémité de ce qui semble être un immense effondrement; nous nous trouvons à mi-hauteur, encerclés de falaises. Une ligne électrique barre le ciel. Nous descendons lentement. Un petit cheval et deux vaches un peu farouches sont en train de paître. A travers les maïs, nous distinguons enfin des terrasses plus soignées où deux femmes en costumes cueillent leur récolte à la faucille. Elles nous ont aperçu et poursuivent leur travail en regardant un peu de côté. Nous essayons de leur expliquer notre présence incongrue et demandons le nom du village le plus proche, mais elles ne comprennent pas. En remontant rejoindre Daniel, nous repérons d’autres objectifs. Nous topographions encore une zone de puits avant de repartir. Une fois de plus, Daniel a repéré un point clé majeur lorsque nous faisions les relevés et me désigne sur son carnet un gros embranchement en insistant vaguement. Mais je ne prends pas sa proposition suffisamment en compte (à cause de la langue, de la fatigue, ou bien suis-je dépassée par ce nombre impressionnant de points d’interrogations ; il y en a de partout !). Bref, ce sera tout pour aujourd’hui." Pascale Bottazzi

Le lendemain, ayant situé l'effondrement sur la carte, nous revenons sur les lieux. Une équipe prospecte la base des falaises et s’occupe d’une nouvelle séance photo.

"Tout d'abord, c'est un coin super. On a fait trois visées, un record ; en fait c'est une immense trémie infernale où il n'est pas conseillé de séjourner longtemps. A priori, aucune suite n'est possible, tout est bouché par des énormes blocs. En ce qui concerne la photo, à voir avec les maîtres photographes. Découverte très intéressante, la science nous le confirmera, des espèces d'oeufs gélatineux..." Jean-Luc Moudoud, Franck Barbary

L'autre équipe continue la topo de la veille...

"Les trois mêmes reprennent la topo. Bon, alors cette fois, on y va à ce fameux passage. Nous y voilà. On descend sur quelques mètres ; tiens, nos voix se mettent à résonner étrangement et soudain, paf ! en plein dessus ! la rivière est là, à nos pieds ! Sous nos yeux, ronds, comme la section du boyau qui s’offre à nous, l’eau défile sans bruit. C’est fabuleux ! Moment d’extase, et puis :
- on va où ?
- il faut prévenir les autres.
Mais ils sont déjà loin derrière et nous n’avons qu’une boîte.
- Bon, alors, on y va ? Bien-sûr ! Nous choisissons l’aval qui semble plus pratiquable (nous n’avons pas de canots, et on part le lendemain)...
Passage un peu sur les côtés, l’eau semble profonde, on est plutôt en équilibre et... plouf ! la boîte topo vient de choir. La "récup" se fait sans problème, le fil n’est même pas cassé et tout fonctionne comme si rien ne s’était passé, pratique ! (chapeau bas les Vulcains ! ). Nous progressons assez longtemps ; la galerie change d’allure, ressemblant davantage à une fracture. Nous avons pied, puis nous débouchons dans une sorte de haute diaclase où les arrivées d’eau sont multiples. On se fait une idée de l’ensemble, rapidement, car il nous faut songer à rentrer. C’est fini pour ce coup-ci.
Une dernière surprise nous attend toutefois : de retour dans la galerie principale, Jean, comme convenu, prend le chemin de la veille de façon à récupérer l’équipement, et Daniel et moi revenons sur nos pas. Nous montons le premier ressaut le long de la corde en place, pour constater un peu plus loin, une fois arrivés devant la main courante, que celle-ci a été déséquipée ! Trop tard pour rejoindre "Bozo" (1 Z comme Zorro), il a pris trop d’avance, donc, on décide d’enchaîner avec la corde qui nous reste. Forcément, les copains ont cru bien faire et ont dû récupérer nos affaires à la sortie, on est parti un peu précipitamment en début de séance, sans mettre les choses vraiment au point ; mais ce n’est pas un gros problème, si ce n’est la perte de temps qui me sera nécessaire au rééquipement. Bref, nous sortons à la nuit tombée. Les villageois, toujours aussi aimables, nous guiderons à la lampe torche dans le dédale de sentiers ; et nous arrivons enfin à la route et au mini-bus." Pascale Bottazzi

Ce même jour, une autre équipe travaille plus particulièrement sur l'aspect scientifique dans la grotte de Ganlaodong (toujours dans le synclinal de Santang).

"Nous prélevons des échantillons de concrétions (pour les datations) au marteau et au carottier (prêté aimablement par J.J Delannoy). Celui-ci marche très bien mais consomme beaucoup d'eau : 15 litres pour une carotte d'environ 40 cm... ennuyeux quand on se trouve dans la "grotte où l'on ne prend pas l'eau"... Encore quelques analyses et nous repartons en carriole jusqu'aux mines de charbons. Un fantastique réseau de galeries creusées dans une petite veine de charbon. Conditions de travail effroyable on entend chuinter le grisou..." Bernard Collignon

Et pendant que nous terminons notre première zone de travail, Denis commence son long périple pour nous rejoindre ; attention le cinéma arrive !

2 novembre 1989 Hong-Kong

"88 kg à enregistrer plus bagages à main à 200 F le kilo d'excédant ... Il en compte 50 ! 10 000 F que Gérard me promet de revirer à mon compte dès demain. Départ avec 1 h 30 de retard, vol direct (11 h) luxueux ! Surclassé en business class : champagne, fois gras.
Arrivée à Hong-Kong : un chauffeur m'attend avec pancarte TF1, Mercédes et téléphone dans la voiture pour appeler Olivari correspondant TF1 à Hong-Kong ("Ushuaia" aurait pu prévenir, ce n'est pas le boulot d'un consulat), tout s'arrange il est ok pour me laisser la voiture. Bureau de Cathay Pacific, bureau de British, dur à trouver : plein de problèmes à résoudre. Trop tard pour un bateau ce soir, à l'hôtel deal avec le chauffeur qui est ok pour revenir à 6 h demain."

4 novembre 1989

"Le chauffeur me laisse au départ du Ferry, guichet en chinois surpeuplé, cohue pas possible avec 100 kg de bagages et seul c'est facile ! 8 h 15 départ hydro - 12 h arrivée à Canton. Pas de problème majeur au passage de la douane, longue palabre et longue paperasse, mais ça passe. Taxi pour la CAAC, objectif : avoir un billet pour Guiyang "as soon as possible". Pas de chance, pas de billet avant le 7."

5 et 6 novembre

"Canton : problème, contacter l'expé avec pour seule indication Ziyun Gouvernement Office après 20 h. A 19 h je m'y applique. Mais comment trouver le numéro ? Le 12 n'existe pas bien-sûr et les opératrices ne parlent pas anglais et Ziyun est inconnu, même pas marqué sur les cartes. Après 2 heures de transfert, de palabres et de bip bip, de... j'entends Serge me parler en direct des douches municipales de Ziyun !!! Merveille de la technique ! Leur problème de billet retour n'est pas encore résolu, il faut que je règle ça de Canton."

7 novembre 1989

"Départ de bonne heure pour l'aéroport. Trop tôt, le guichet n'est pas encore ouvert et le porteur est obligé de m'abandonner au milieu de l'immense hall. Toujours la même galère, seul avec 100 kg de bagages pour trouver le bon guichet au bon moment et pas une seule tête sympathique à qui faire confiance et qui baragouinerait 3 mots d'anglais. Quel monde ! Attente ... De guichet en guichet, je finis par découvrir que le vol de 11 h est reporté à 17 h 30. 6 h 30 à attendre et je ne peux même pas aller pisser ! Vers 13 h,, un Allemand et un Suisse se pointent, ils vont aussi à Guiyang, un autre vol à 14 h. Je force le passage et me fait prendre en "stand by " sur ce vol là, arrivée à Guiyang 15 h 30." Denis Van Berleere

Les balades à l’extérieur sont aussi riches d’enseignement. Indissociables du paysage, les cavités s’ouvrent partout à nos yeux. Les paysans chinois les utilisent depuis des millénaires et c’est assez surprenant de constater à quel point elles sont intégrées dans leur vie quotidienne. Il faut dire que les Chinois n’appréhendent pas les grottes comme des lieux où le noir et la peur règnent. Si ce n’est quelques légendes de dragon et les passages infranchissables sans technique adaptée, rien n’empêche les paysans de connaître leurs grottes et de les exploiter. C’est pourquoi les indications qu’ils nous donnent s’avèrent si précieuses.

"La jeep me casse le dos, je crois que c’est ce qui est le plus fatiguant en Chine : les transports, la conduite chinoise aidant ! Ouf, ça y est, je me rappelle que j'ai deux jambes et qu'il est agréable de s'en servir ! C'est cet étroit sentier se déroulant à travers des paysages de rêve qui nous mènera au coeur du pays Miao là où disparaît sous un porche majestueux la rivière Gebihe." Brigitte Chevailler

Après notre halte au petit village de Gebong et l’exploration du superbe système de la Gebihe, il paraît qu’une vieille femme Miao raconte cette histoire, le soir à la veillée...

" Ils sont arrivés un peu avant midi. Je ne savais pas de quelle province ils venaient, mais les gens de Beijing qui les accompagnaient m’ont dit qu’ils venaient de loin, de bien plus loin que les frontières. Je n’avais jamais vu leurs costumes multicolores ni les drôles de hottes fermées dans leur dos. En m’approchant un peu, j’ai pu voir leurs visages. Certains avaient les yeux bleus comme le ciel après les pluies d’été et un autre avait un nez très long ! Mais que venaient-ils faire dans notre village ? Ils se sont installés dans l’école pour dormir, quelle drôle d’idée !
Le premier soir, je suis allée à la maison du Directeur du village, ils mangeaient là. Beaucoup de monde était venu pour les voir. Je ne comprenais pas toujours les Hans qui parlaient... Mais j’ai su qu’ils venaient pour apprendre les grottes. Ils posaient beaucoup de questions. Je leur ai dit qu’il y avait bien longtemps que plus personne ne descendait dans le puits central pour ramasser les plantes de médecine et que les ponts de bambou montant aux fours à nitrate et aux nids d’hirondelle étaient presque tous écroulés. Ils m’ont dit qu’ils prendraient un autre chemin.
Le jour d’après, ils sont partis, hommes et femmes. Sur leurs nouveaux habits pendaient de nombreux appareils, je n’en connaissais pas l’usage. Le plus drôle, c’était leur bateau mou, juste assez grand pour qu’une personne puisse y tenir dedans. Certains allaient vers Dadong, la grande grotte, d’autres à la grotte de Gebong et d’autres encore à la grotte suspendue. En les regardant s’éloigner, je me suis souvenue de ceux qui avaient déjà essayé de percer le mystère de nos grottes. Quelques années en arrière, de jeunes hommes de la vallée sont restés 2 jours et 2 nuits sous la terre. Ce fut un voyage très dur, de nombreuses fois ils durent porter les barques en bois et de nombreuses fois ils tombèrent dans l’eau. De temps à autre, ils s’arrêtaient pour se reposer et se sécher près d’un feu. De longues colonnes de fumée montaient vers les voûtes invisibles. Par chance, le bois ne manquait pas, de nombreux troncs secs amenés par les crues d’été gisaient çà et là dans les blocs bien plus gros que la plus grande des maisons du village. Durant tout leur voyage, ils furent accompagnés d’hirondelles et de chauves-souris. Il y avait de grands lacs, calmes, puis des rapides assourdissants et encore des lacs. La rivière continuait son chemin et le temps passait... épuisés, affamés, les jeunes hommes ne purent atteindre le puits central où de très haut on aperçoit la rivière écumante.
Mais qu’elle ne fut pas ma surprise de voir les étrangers descendre dans le puits central accrochés à une corde pas plus grosse que mes doigts. En moins d’une demi-journée, ils firent le même voyage que les jeunes hommes de la vallée autrefois. Durant neuf jours, ils visitèrent toutes les grottes alentours. Quelques-uns ont aussi traversé le plateau jusqu'au village troglodyte là où ressortent les eaux de la rivière Gebihe. Souvent, le soir, ils rentraient bien après le milieu de la nuit.
Au matin du dixième jour, ils sont partis vite, comme ils étaient venus ; ils faisaient toutes les choses vite, comme s’ils voulaient rattraper le temps. Lourdement chargée la colonne s’est éloignée du village. De nombreux villageois et tous les enfants couraient autour déçus de les voir repartir si vite. Peut-être reviendront-ils un jour ?" Jean-Pierre Barbary

13 Octobre, quelque part sur la route

Nous voilà à nouveau sur les routes et les campagnes du Guizhou sont déjà très loin. Pourtant de nombreux kilomètres nous séparent encore des provinces du Sichuan et du Hubei. Le premier mois de notre expédition s’achève et 8 jours de voyage nous attendent : bateau, train, bus, avec en prime la descente des gorges du Yangtse. Malgré un ciel désespérément gris, nous apprécierons l’immensité du fleuve roi et l’ambiance particulière qui règne sur le bateau et dans les ports.
A chaque arrivée dans les zones, le même scénario se répète : déchargement des 1000 kg de matériel, réception par les autorités locales... Nous découvrons l'hôtel où chaque soir, de retour d'exploration, nous apprécierons le repas et la douche, d'autant plus qu'il y faudra faire une première analyse et un premier traitement des données : des milliers de calculs qui aboutiront à la représentation graphique des cavités découvertes. Les séances photo et cinéma sont interminables car chacun rêve, tout en portant la caméra ou les éclairages, aux découvertes qu’il pourrait faire pendant ce temps précieux qui s’écoule inexorablement.

"Sept heures de prise de vue qui, je pense, satisferont notre cinéaste ; on verra bien le produit fini, mais que c'est chiant ! " Anonyme
"Séance cinéma à Dadong avec le parapente !
Au programme, débroussaillage , vol numéro 1 : très turbulent, vol numéro deux : calme ; vol numéro 3 : voile déchirée ; vol numéro trois et demi : "attero" catastrophe près du lit de la rivière... c'était bien la peine de se traîner ce sac en plus pendant toute l'expée pour en arriver là ! " (JB)
Tous les matins, divisés en petites équipes autonomes, nous partons pour des objectifs différents et complémentaires : prospection en surface, exploration, photo-cinéma, sciences ...
Nos 3 professeurs poursuivent assidûment leurs investigations. Ils cherchent à comprendre ce fabuleux karst et prélèvent de nombreux échantillons qu'ils étudieront en France. Emportés par l'enthousiasme de leur passion, le temps leur fait systématiquement défaut, surtout à Bernard, de loin le plus distrait de tous ! Ces savantes études permettront de parfaire la connaissance sur l'histoire géologique du Sud de la Chine.

La seconde partie de l’expédition se déroule dans des paysages plus familiers. Les pitons caractéristiques du Sud de la Chine laissent place à des reliefs massifs qui nous rappellent les Alpes. L’exploration de grottes verticales et profondes devient plus sportive. L’équipe est maintenant rodée et d’une efficacité surprenante. Les kilomètres d’exploration se succèdent, mais ne se ressemblent pas. Aux puits jumeaux de Wufeng, on rêve au record de profondeur de Chine. Jour après jour, nous nous en approchons. Hélas, la météo et le manque de temps nous arrêteront tout prêt du but...

"Sortie cinéma pour prises de vues dans un puits... Chinois sur corde, Mister Zhang. Equipement du puits d'entrée où les cailloux mettent dix minutes à descendre !!?? Après avoir fait pas mal de prises de vues, enfin nous descendons ce puits entièrement : 84 m, 5 fracs... Départ d'une galerie où, ho surprise, un courant d'air froid et aspirant nous promet peut-être de belles journées. Nous arpentons les conduites forcées où de petites rivières descendent en cascadant ... Nous reviendrons demain sans cinéma !
Nous commençons la topo des premières galeries se trouvant juste après le puits d'entrée: la première mène à un autre puits, nous reviendrons. Notre objectif principal est de trouver la rivière qui nous permettra d'atteindre peut-être le collecteur... Nous serpentons à travers de petites conduites forcées où de petits ruisselets coulent gentiment (tant mieux car vu la configuration des lieux, il doit être vraiment malsain de se trouver par là quand les deux pertes fonctionnent ! ). Nous butons sur un premier siphon que nous "shuntons" et passons une étroiture formée par des troncs coincés. Nous devons nous mouiller jusqu'à la ceinture, les boules ! Ce ne sera pas pour rien, car après 100 m, nous débouchons dans une grande salle avec au bout un puits sur faille ! Nous l'estimons à 100 m... La rivière se jette dedans et le courant d'air est toujours là. Mais il est tard "Môsieur" (17 h 30), il faut qu'on s'rentre....
Equipement du grand puits sur faille ; quelques problèmes avec les baudriers en sangle, il faut le dire haut et fort "c'est de la merde" ! Nous touchons le fond après deux heures d'équipement, 5 fracs auront été nécessaires pour éviter les embruns. Nous arrivons sur un éboulis qui barre la faille. Après une descente dans des blocs, un autre puits 25 m "plein pot". Nous suivons la faille en espérant recouper une conduite forcée ou même un autre puits. La topographie du puits nous a retardé, nous pensons arrêter... Nous continuons quand même et après 100 m, oh surprise, la rivière s'engouffre dans une belle conduite forcée entrecoupée de marmites... Nous nous arrêtons sur l'une d'elles qu'il faudra équiper. La suite est prometteuse et le courant d'air soufflant est toujours présent...
Nous continuons notre chemin ; en suivant cette belle rivière, et passons en canot la marmite où nous nous étions arrêtés la veille. La suite sera du même calibre, nous posons plusieurs mains courantes au-dessus des vasques et progressons aujourd'hui de 600 m avant de s'arrêter sur rien... Le soir nous calculons la profondeur atteinte: - 358 m.
Nous partons avec une grosse crainte, car il a plu la veille et la rivière doit être plus grosse, enfin on verra bien... Petit à petit dans le trou, bien qu'il y ait plus d'eau, la forme et le moral vont crescendo.... Nous arrivons au terminus de - 358 m en deux heures et attaquons la topo pleins d'espoir. Cà démarre bien par une succession de petites marmites que nous passons en vire. Malheureusement, au bout de 200 m, le plafond s'abaisse et le siphon apparaît inévitable juste au moment où nous venions de croiser un gros affluent sur la gauche.... Au retour, nous farfouillons quelques départs, mais le coeur n'y est plus ; nous déséquipons et sortons à la nuit très, très déçus..." Jean-Luc Moudoud, Franck Barbary

Dans le réseau de Dadong, les découvertes s’enchaînent : grandes salles, fabuleuses concrétions de gypse, rivières enchanteresses...

"Ce matin, nous voilà partis pour explorer Dadong. Jean-Pierre et Daniel font équipe avec moi et nous suivons la galerie principale. Les dimensions, comme souvent dans ce pays, dépassent l’imagination, on ne voit même pas le plafond dans certains passages. Et le topofil tourne, tourne ; "ça usine" comme dirait Richard, un de nos chers professeurs ! Nous avons laissé derrière nous les autres équipes qui explorent des galeries secondaires. Nous avançons toujours et encore... dire qu’en France, on ne fera jamais ce genre de découverte ! Ces journées là, avec leurs kilomètres de découverte, nous récompensent de tout le travail et des soucis qu’engendrent la préparation de ce genre d’expédition lointaine. On se surprend même presque à courir, on chantonne ... Soudain, de gros blocs et des troncs d’arbres enchevêtrés témoignent des crues géantes que doit subir la rivière. La galerie descend, descend. C’est bizarre, l’ambiance a changé : plus austère, plus sombre, mais aussi plus mystérieuse, chacun donne libre cour à son imagination. On s’enfonce toujours plus profondément dans les ténèbres. Dans ce lieu devenu un peu mystique, on ressent enfin l’ivresse d’être les premiers à découvrir ce sous sol vierge : "mais qu’est-ce qu’il y a derrière ?". On envie les explorateurs qui un jour découvrirent de nouveaux continents. Je passe la première pendant que mes deux coéquipiers farfouillent entres les blocs. Je suis comme envoûtée par cette galerie qui toujours plus noire continue ... J’escalade les blocs, je goûte des sensations vraiment nouvelles que je n’ai jamais rencontrées ailleurs. "Fais gaffe, surveille où tu mets les pieds" me crie Jean-Pierre ! Et curieusement, je suis partagée entre l’envie d’attendre ou de continuer, de toute façon il ne tardera pas à me rattraper ! "Mince le passage se rétrécit". A nouveau tous les trois, nous devons finalement ramper... mais le courant d’air est toujours là... Ca devient vraiment étroit, il est déjà tard et nous sommes à 2 km de l’entrée ; le charme est rompu. Il faudra voir la suite demain. Mais quelle journée inoubliable ! De retour sous le porche d’entrée, un paysan nous a fait cuire des patates à la braise. Hum quel délice !
Doucement chauffée par ce petit feu, je ressens à quel point j’aime ce pays et ses hommes." Brigitte Chevailler

Ces rencontres sur les chemins et au travers des villages sont des moments inoubliables où nous mesurons à quel point nos civilisations occidentales ont perdu à jamais certaines richesses. Nous savons déjà que nous ne serons plus comme avant, qu’il sera difficile d’oublier ces visages chaleureux, ces portes qui s’ouvrent, cette vie paisible et sereine des campagnes chinoises.

Dans une vallée perdue nichée dans les montagnes aux confins du Hubei et du Hunan en sortant de la grotte de Tanghuangdong...

"Je vois le jour ! Ouf, après 7 heures passées sous terre, nous voilà à l’air libre. C’est pas dommage, car la progression était cette fois fatiguante, en plus on a eu que des pépins avec le matériel topo !
Quelle heureuse surprise, nous sommes attendus à la sortie ! Quelques paysans curieux sont là. Je m’installe près d’une vieille femme pour me changer. Son visage est superbement ridé et ses pieds sont minuscules ; je ne peux pas dire son âge, mais elle a dû avoir les pieds bandés. Tout d’un coup, je me sens si proche de cette grand-mère qui est pleine d’attention pour moi. Malgré la barrière du langage, par les gestes, elle exprime son étonnement à me voir aller sous terre. Elle veut que je m’habille chaudement, que je mange... Mes bottes en plastique la font rire et son grand âge ne l’empêche pas de rester accroupie, position préférée des Chinois pour attendre ou discuter !
Mais il faut rentrer, les copains nous attendent. C’est difficile de la quitter, là comme ça : je voudrais tellement connaître sa vie, son histoire et celle de la Chine à travers elle... Je sais bien que je ne la reverrai jamais, cruel et tendre hasard des rencontres fugitives ! " Brigitte Chevailler


C'est dans le comté voisin de Hefeng que nous avons décidé d'effectuer une petite reconnaissance de trois jours pour une prochaine expé....
"Nous jetons un coup d'oeil à une entrée au bord de la route puis à ce qui semble n'être qu'une immense salle située juste sous la route près d'un champ circulaire. Ensuite, nous filons jusqu'à un village où se trouve un puits (une pierre lancée depuis le haut met deux minutes avant de toucher le fond ! ) qui devrait nous conduire, soi-disant, à un autre puits encore plus profond d'après les archives du XVIème Siècle... Equipement et topo avec Zhang Dachang... et déception : la suite semble bouchée depuis ou l'a toujours été, ou bien c'était ailleurs ... Ensuite, un peu plus loin, nos guides nous conduisent à une perte et quelle perte ! Elle draine un très grand bassin d'alimentation et nous trouvons des galeries à l'amont comme à l'aval et aussi en falaise ! Le coin est très prometteur. Nous tirons 100 m de topo avant d'être arrêtés par un ressaut de 5 m qui domine un petit lac. Un peu avant, un autre ressaut suivi d'un lac nous laisse entrevoir la suite où il faut équiper. Le courant d'air est important ! Le temps nous manque, mais c'est un choix : nous sommes là en "reco" et non pas pour tirer le maximum de fil ; de toutes façons, nous reviendrons ! Nous repérons un petit poisson cavernicole blanc près de l'entrée.... Lors de notre retour, nous nous arrêtons et descendons par un sentier très raide dans le lit d'une rivière. Tout ceci pour accéder à un porche qui est une très belle résurgence. A l'entrée, une porte avec un arrondi et un reste de mur ; derrière, quelques lacs-siphons au-dessus desquels nous passons sans problème. Quelques concrétions très blanches et toujours le courant d'air... La suite est une grande salle dans laquelle nous rejoignons la rivière que nous ne pourrons pas remonter faute de temps..." Pascale Bottazzi

La seconde partie de l'équipe est en reconnaissance dans le comté de Lichuan qui recèle la plus grande grotte de Chine, encore une "grotte du dragon"... Mais du "dragon volant" ! Le séjour trop court, l'équipe un peu malade, un peu démotivée par les trop longues heures de bus, le mauvais choix des objectifs, ne nous permettront pas de faire quelque chose d'intéressant. Seulement deux grottes visitées, une très intéressante et l'autre la "grotte du boa"...

"En fait de grotte du long serpent, c'est plutôt d'un serpentin qu'il faut parler. Nous ne topographions pas plus de 250 m. Une branche queute sur éboulis merdique, une autre queute après un puits de 20-25 m sur des "boayaux "merdiques. Déçus de cette cavité, nous ne fouinerons pas trop dans les divers boyaux. Richard, à la remontée, ramassera quelques échantillons ; il était assez radieux, ce qui est bon signe quant à l'intérêt de ses échantillons...." Jean-Luc Moudoud


Dernier jour dans le comté de Hefeng...

"Nous nous rendons directement après un long trajet jusqu'au village où une grotte est située au-dessus de la rivière. Un cinéaste nous accompagne ainsi que beaucoup de personnes du comté et du village. Beaucoup trop de monde d'ailleurs qui nous gênent pour les visées topo d'autant plus que nous essayons de récupérer le maximum de fil. Bon, au bout d'un moment, le passage devient moins haut de plafond et nous entamons la progression en canard. Il y a moins d'embrouilleurs ! La suite se rétrécit pour finir sur éboulis. La rivière rencontrée se perd rapidement dans des passages étroits... Le trou n'est pas très sympa. Nous tirons 750 m de topo sans trouver le passage qui, paraît-il, jonctionne avec un autre porche quelques mètres plus loin. Bof, on laisse une petite galerie à courant d'air près de l'entrée car il est tard. A notre sortie, il commence à pleuvoir. Au retour, nous nous arrêtons une première fois pour apprécier une cascade qui dégringole d'un porche situé au-dessus de la rivière et qui semble très bien placé. Plus loin, nous apprenons qu'une grotte se développe sur plus de 10 km de long avec des galeries de plus de 100 m de large. Nous restons méfiants. Une salle immense se situe non loin... A voir ? Dernier arrêt après un détour le long d'un affluent pour jeter un coup d'oeil à deux grottes perchées. L'une d'elle devrait faire 200 m, l'autre a été parcourue par les paysans chinois pendant plus d'une journée sans qu'ils en trouvent la fin. Nous rentrons à l'hôtel où l'autre partie de l'équipe nous attend. Christian est bien malade. Repas officiel avec le directeur du comté, très sympathique, visualisation du film réalisé pendant notre bref séjour, discours et cadeaux : de magnifiques petites sculptures de chevaux réalisées dans des calcaires fossilifères du Silurien : 400 millions d'années nous contemplent ! Superbe..." Pascale Bottazzi

Mais déjà l’hiver arrive sur le comté des cinq montagnes. La nuit la température descend au-dessous de zéro. Nous savons que bientôt nous repartirons vers l’Europe en espérant ne pas avoir trop perturbé la vie des ces villages reculés.
Les résultats de nos deux expéditions le confirment : la Chine est bien le nouvel Eldorado des spéléos. Durant deux mois passés dans le Sud de la Chine, nous avons exploré 57 km de galeries, visités huit comtés, parcourus 6000 km par le train, le bus, le bateau....
Cette nouvelle expérience renforce encore notre passion pour la spéléologie d’exploration et à travers elle, comme un prétexte, la découverte d’autres lieux, d’autres hommes, d'autres coutumes. Jean-Pierre Barbary


Karstologia Mémoires N° 4 Année 1991 GEBIHE 89 - ISSN : 0751-7628


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