dong Mahuangdong - 麻黄洞

2 . Mahuangdong - Grotte du Lin Jaune
Code : K5 - Village : Wenquan
Lat. : 28°14’40,8” - Long. : 107°17’22,5” - Alt : 720 m
Depuis Guihua, il faut cheminer à travers les terrasses en direction du porche de Hejiaodong, bien visible à l’ouest. Le porche de Mahuangdong (15 x 25 m) apparaît alors sur la gauche.
3. Description de la traversée Hongzaozidong-Mahuangdong
La description du réseau s’articule autour de la traversée Hongzaozidong-Mahuangdong. La base de la doline-puits d’entrée de Hongzaozidong est grandiose. Une rivière arrive d’un profond canyon tandis qu’une cascade de 80 m vient grossir son flot. La perte débute par un porche de 20 x 20 m, mais la rivière, d’un débit de 10-15 l/s à l’étiage, se perd dans les 50 premiers mètres à travers les cailloux.
Les réseaux d’entrée (galeries de la Dormeuse et du Brouillard). A 40 m de l’entrée de Hongzaozidong, en rive gauche, se développe une première branche fossile : la galerie de la Dormeuse. Celle-ci mesure 15 m de large pour 4 m de hauteur et se dirige vers le SSE sur plus de 700 m. Le plancher est jonché de blocs, de tas de cailloux et de sable. L’exploitation a totalement transformé la galerie originelle. Le conduit aboutit sur un puits de 44 m. A sa base, une salle circulaire de 12 m de diamètre donne accès à deux petites galeries situées du coté gauche, à deux niveaux. La galerie supérieure a été parcourue sur 100 m et n’a pas été topographiée. L’exploration s’est arrêtée au sommet d’un puits de 6 m. La galerie inférieure, dite galerie du Gypse, débouche sur un puits de 10 m. A sa base, après une salle de 5 m de large, une galerie sinueuse se prolonge sur 200 m par un méandre déchiqueté et recouvert de gypse. L’étroiture aquatique terminale n’a pas été franchie.
100 m après le porche d’entrée de Hongzao, en rive gauche, le réseau du Brouillard débute par une galerie de 15 m de large sur 5 m de haut. Au bout de 100 m, on bute sur un ressaut de 4 m que l’on franchit en vire sur le côté gauche. Après 400 m de progression, on arrive à un vaste puits de 45 m, le puits de la Dyneema. Au fond, débute la galerie des Regrets, large de 30 m et haute de 10 m, qui renferme de superbes remplissages. Au bout de 300 m, sur la droite, une galerie de 2 m de large a été visitée sur 20 m. En poursuivant la galerie des Regrets, on passe un premier carrefour 100 m plus loin, une rampe de 30 m, puis un second carrefour. Au nord, la galerie du Gypse arrive perpendiculairement 500 m plus loin sur un conduit rectiligne de 300 m aligné sur une faille N060°. En revenant au carrefour, la galerie principale se poursuit par une conduite forcée. La progression se fait ensuite dans un trou de serrure jusqu’à une bifurcation donnant dans un méandre (2 x 10 m). En amont, on découvre rapidement une galerie sur fracture, orientée au sud, se terminant sur un puits de 25 m non descendu et un gros méandre. A l’aval, au bout de 200 m, la galerie de 8 m de large se termine sur un balcon dominant un grand carrefour.
En revenant au bas du plan incliné de 30 m, dans une zone fracturée, on débouche dans la galerie de la Gouille qui passe au bout de 150 m sous l’arrivée en balcon. A partir de là, deux galeries n’ont pas été terminées : une vasque non franchie et à droite, sur une coulée de concrétions, un conduit supérieur donnant sur un puits de 15 m non descendu retombant probablement derrière la vasque.
Du puits des Pendules à la salle du Nœud. A 50 m de l’entrée de Hongzaozidong, la galerie est complètement remaniée par d’anciennes exploitations de gypse. On y trouve des fours, des sentiers, des tranchées et quelques chaises et tables formées par des assemblages de blocs. Après la bifurcation (galerie du Brouillard), la progression s’effectue au nord dans une galerie de plus de 30 m de large avec de grandes vires permettant d’éviter les marmites du canyon. En hautes eaux, la rivière souterraine circule jusqu’à un puits-perte non descendu. 30 m avant, en rive gauche, l’énorme conduite forcée se poursuit tandis qu’en rive droite, une galerie moins vaste (15 x 20 m) donne directement au sommet du puits des Pendules, profond de 80 m, qui constitue un regard sur le collecteur appelé rivière Timide. Le puits des Pendules débute par une verticale de 21 m aboutissant sur un vaste palier. Après une seconde verticale de 30 m, on pendule dans une galerie horizontale bien ventilée se dirigeant plein sud. Il s’agit d’une superbe conduite forcée, propre et lisse, surcreusée par un large méandre. Quelques bouts de bois attestent l’importance des crues de mousson. On arrive rapidement à la base du puits-perte mentionné plus haut.
En pendulant de l’autre côté, vers le nord, on débouche dans une grande salle en balcon au-dessus du collecteur. La galerie fossile située en rive droite mesure 20 m de large, 15 m de haut et 5° de pente moyenne. En rive gauche partent successivement une petite conduite forcée, des laminoirs et deux galeries dont la galerie du Nid, longue de 160 m. Celle-ci a une largeur de 6 à 9 m pour 2,5 m de haut. Sèche en février 2001, elle est innondée régulièrement pendant la saison des pluies comme l’indiquent l’argile humide et des brindilles collées au plafond. On entend la rivière à plusieurs reprises grâce à des regards ; au bout d’une centaine de mètres, le conduit est interrompu par un ressaut de 4 m. La galerie se prolonge en face, s’élargit rapidement à 8 m et jonctionne avec la galerie menant à la rivière.
Cet ensemble de conduits accède à différents niveaux de la rivière Timide. Plus loin, on pénètre dans une salle de 50 m de large où tombe une cascade. A sa base, la boue fait son apparition et les galeries qui la prolongent sont probablement noyées lors des crues. A l’aval, on laisse successivement un petit amont actif en rive droite, une courte galerie effondrée en rive gauche, un puits remontant arrosé et la salle des Brumes en rive droite. A partir de ce point, la section de la galerie se rétrécit. On perd temporairement le petit ruisseau pour le retrouver à une bifurcation. A gauche, l’aval se poursuit en se rétrécissant avant de rejoindre le laminoir des Poissons. Sur la droite, la galerie s’agrandit au niveau de la jonction avec la salle des Brumes. Le parcours, accidenté et glissant, mène à la salle de la Cascatelle au sommet de laquelle arrive la boucle des Pieds Nus où des traces de pieds nus insolites ont été découvertes si loin de toute entrée connue. En bas de la salle des Brumes, plusieurs branches parallèles permettent d’accéder à la salle du Nœud.
De la salle du Nœud à Mahuangdong (la jonction). La salle du Nœud présente plusieurs départs. En bas, une galerie se termine sur des siphons. Nous sommes remontés par l’une des deux galeries ouest. A l’est se trouve l’accès à l’amont Improbable. Au nord (en haut) démarre la galerie des Pieds Nus et l’étage des Sauvages. A l’est, à mi-hauteur, un couloir mène à une trémie qu’il faut descendre. Rapidement, on arrive au gros carrefour où s’est faite la jonction entre Hongzaozidong et Mahuangdong. Sur la droite, une large galerie mène à trois puits situés à l’aplomb de la salle du Nœud. Tout droit, un vaste laminoir accède à la base d’une escalade sur coulée stalagmitique. On emprunte sur la gauche un conduit confortable parcouru par un fort courant d’air, puis on parvient rapidement au puits des Planches à Clous qui n’a pas été exploré. La suite, située à main gauche, est aisée jusqu’à la base de la salle de la Boucle. On gravit alors un raide talus en suivant la paroi ; après le franchissement d’un large laminoir, on arrive à l’extrémité sud de la Grande Ligne Droite. A mi-chemin, on observe des fours tandis que les écoulements convergent vers l’Avont Actif, sorte d’amont-aval aux parois déchiquetées par la dissolution. La suite est évidente jusqu’au terminus Nippon marqué par une petite descente en opposition suivie d’une escalade sur escalier. Le réseau se ramifie alors en un petit labyrinthe donnant accès finalement au porche d’entrée de Mahuang.
Dans la Grande Ligne Droite, une petite perte en conduite forcée quitte la galerie principale. Un ressaut marque l’arrivée dans une galerie sur fracture parallèle à la Grande Ligne Droite. Après un secteur large (10 x 20 m), on arrive à une nouvelle perte, sans courant d’air et aquatique. A partir de là, il faut ramper dans un laminoir. Derrière, un ressaut délicat donne dans une salle. A son extrémité, la galerie se poursuit en ligne droite jusqu’à la salle de la Boucle.

Le collecteur de la rivière Timide. Au nord du puits des Pendules, après une conduite forcée remontante au profil déchiqueté, un grondement sourd annonce le collecteur du réseau. On arrive dans un très vaste laminoir incisé par un canyon au fond duquel coule la rivière Timide. La suivre vers l’aval est un jeu intéressant, il faut choisir sa rive et les endroits les moins impressionnants pour traverser. On peut aussi, à quatre pattes dans le laminoir, échanger l’adrénaline contre des bleus aux genoux. Le laminoir est également entaillé par un canyon fossile, profond de 2 m, lui-même recoupé localement par le canyon actif plus récent. Un affluent impénétrable vient doubler le débit. Progressivement, le fond du canyon est remblayé par des cailloux et on peut prendre pied dans une rivière large de 2 m débitant 400 l/s. Après un abaissement du plafond, la rivière disparaît dans un étroit boyau. A ce niveau démarrent les galeries de la Brindille dont les ramifications boueuses se terminent sur une voûte mouillante balayée par un puissant courant d’air. Au-delà, 500 m de conduits ont été reconnus avec une petite rivière amont non terminée. Au niveau de la perte de la rivière Timide, sur la droite démarre une belle galerie de trop-plein donnant sur le laminoir des Poissons. Un premier affluent en rive droite n’est autre que le petit actif rencontré à proximité de la salle des Brumes. Plus loin, toujours en rive droite, une galerie rejoint le conduit principal situé en aval de la salle où débouche la boucle des Pieds Nus. Finalement, le laminoir reprend de la hauteur, devient un beau méandre, mais se termine sur un siphon à la base d’un puits remontant.
Lorsque l’on prend le temps de s’arrêter, on remarque que les laisses d’eau sont habitées. Nous avons ainsi pu observer un poisson d’un peu moins de 10 cm de long, d’aspect tout à fait commun si ce n’est sa couleur blanc-rosé. Mais sa vivacité et la taille de la vasque ne nous ont pas permis de l’attraper. Dans la même vasque, nous avons eu la chance de capturer un têtard (cf. p 192).
Le réseau de l’Amont Improbable. Il a été découvert en bas de la salle du Nœud dans un entrelacs de fractures et trémies noires et déchiquetées. On prend pied dans un laminoir sinistre qui recoupe rapidement un conduit où l’on peut progresser debout. Un départ à droite absorbe tout le courant d’air. Le laminoir de gauche passe devant une belle marmite puis mène à une petite salle où coule une puissante rivière de 500 l/s baptisée rivière du Savon Noir. Elle correspond au collecteur retrouvé, mais disparaît dans un siphon après un parcours sur des vires glissantes. Si l’on revient 500 m en arrière, au niveau du laminoir aquatique balayé par le violent courant d’air, on peut emprunter un passage extrêmement discret sur la gauche menant à la Gouille du Rat (traces de pattes). Sur la droite, une progression désagréable de 100 m mène à un petit ressaut au-dessous duquel un autre laminoir aboutit à un gros affluent, large et boueux, dénommé l’Amont Improbable. A l’aval, on rejoint une rivière plus puissante de 100 l/s provenant d’un siphon en rive droite et qui se poursuit par une large galerie méandriforme s’achevant aussi sur un siphon.
A l’amont, la progression se complique : le méandre est un peu trop large, beaucoup trop boueux et les marmites sont trop profondes. Nous sommes dans l’Amont Improbable, le bien nommé. En rive gauche, la rivière a été remontée dans un système de boyaux étroits long d’une centaine de mètres. La galerie fossile reste très boueuse. Le courant d’air s’enfile dans un laminoir sur la gauche donnant rapidement accès à un puits de 11 m. En bas, une rivière de 100 l/s n’a pas été suivie. Le courant d’air provient d’une galerie boueuse remontante. Il nous invite à traverser une profonde laisse d’eau. Derrière, on arrive perpendiculairement à une galerie. Nous n’avons fait que 50 m à gauche. A droite, une ancienne conduite forcée remonte progressivement et quitte l’étage boueux. Tout le courant d’air en provient, mais nous ne l’avons pas suivi jusqu’au bout faute de temps. En chemin, sur la gauche, une vaste galerie rectiligne amorce une lente et régulière descente vers la boue. Nous avons simplement topographié le début de l’aval, baptisé rivière de l’Horreur à cause des difficultés de progression dues à la boue.
L’étage des Sauvages. Cet étage fossile concrétionné se situe au sud de la salle du Nœud après une escalade dans les coulées de calcite. Sur la gauche, une vire mène à un large puits de 30 m situé au-dessus de la trémie que l’on peut franchir sur la droite. Sur le plancher argileux on remarque les empreintes de pas de deux anciens explorateurs aux pieds nus. Après une zone labyrinthique, la galerie se fait régulière et très esthétique. Puis, le plafond s’abaisse au niveau d’un laminoir long de 10 m, suivi par la galerie des Pelures qui est recouverte de fines couches de calcite se détachant du plafond. Progressivement, le remplissage fin amenuise le passage jusqu’à le rendre impénétrable. D’après la topographie, nous sommes à proximité de la surface, dans la vallée montant à Hongzaozidong, en rive gauche. C’est par cette entrée, aujourd’hui colmatée, que les anciens explorateurs ont visité la grotte en utilisant sans doute des torches en bambou. Compte tenu de l’évolution morphologique et sédimentaire avancée de la galerie, cette exploration date probablement de la Préhistoire.

"BOTTAZZI, Jean; CLÉMENT, Nicolas; FAURE, Nicolas; MAIRE, Richard; MANGEL, Laurent; LI, Po; POUILLY, Marc"
Karstologia Mémoires, n° 9 : Voyages en terre chinoise : Chapitre 4
Analyse :
Le district de Suiyang est au nord du Guizhou (Chine). Il recelle la plus longue grotte de Chine, creusée dans les calcaires et dolomies de l'ordovicien et du cambrien. Ce chapitre décrit l'état des explorations à l'issue des expéditions de 2001 et 2003 qui sont venues poursuivre les explorations débutées en 1988 par une équipe sino-niponne. La topographie de ce réseau géant (54,3 km en incluant les découvertes de l'année 2003) est donnée dans un additif en fin d'ouvrage. Ce chapitre contient également l'étude d'un têtard oreolalax observé sous terre. (BJ).

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Mahuangdong (19)
Mahuangdong est la petite grotte qui a déclenché toute l’aventure lorsqu’elle a été raccordée à Hongzhaozidong. Elle comporte encore des branches inexplorées accessibles avec peu de matériel. L’entrée est un dédale de petites galeries, puis on a un long couloir, longeant sans doute une fracture. On atteint ainsi par des galeries fossiles le collecteur à l’aval de Hongzhaozidong, la rivière timide, qui provient de la perte de Dadong-Shuidong et résurge à Dayuquan dans la vallée de Shuanghe.
Le siphon temporaire
Le point où la galerie fossile rejoint l’écoulement temporaire, alimenté par débordement du collecteur au niveau du puits des planches à clous, est très clairement visible en bas d’une longue pente d’argile sèche : un lit de gros galets polis trahit l’approche d’une rivière puissante. L’aval avait été vu jusqu’à un siphon en 2001. En 2018, puisque c’était un bref détour en chemin vers un objectif plus lointain, le siphon a été revu en condition d’étiage prononcé. Bonne pioche : il était réduit à une petite flaque en bord de galerie. Tout de suite après ce verrou, la galerie se divise. La branche de gauche est la plus courte, soit 100m environ, elle s’achève sur un suçoir. La branche de droite développe plus de 700 m. Au fond, il y a un petit siphon alimenté par un petit actif également siphonnant. En dehors de quelques plafonds de cheminées l’argile est omniprésente. Il n’y a pas vraiment de branche latérale ni aucun courant d’air qui puisse laisser espérer de poursuivre cette galerie.
La salle du tack
À peine 50 m après, en serrant sur la droite, en haut du talus de sédiment, on trouve un laminoir où s’engouffre un courant d’air prometteur. On débouche très vite au fond d’un vaste soutirage dans une salle de 90m de long par 25m de large. Le sol argileux présente de grandes variations de tack -pégosité- selon qu’on s’avance dans son lobe gauche ou dans la galerie qui part tout droit. Balayée par le courant d’air, cette dernière est parfaitement sèche. On grimpe un ressaut de 6 m, suivi d’une escalade de 20 m qui n’a pas été achevée. La suite est sur la gauche, derrière un énorme bloc effondré. On traverse une petite salle, puis vient la bifurcation suivante. À droite, les laminoirs deviennent trop étroits. À gauche, on est stoppé par un puits de 25 m, qui sans surprise - compte tenu du courant d’air - rejoint la suite du réseau, dans la galerie du pseudo-scorpion. Dans la salle du tack, le lobe de gauche ressemble à s’y méprendre à un cul- de-sac. Pourtant, en déchaussant quelques morceaux de strate, il a été possible de grimper une escalade de 2 m et de se glisser dans un laminoir très étroit dans ses premiers mètres. Ça s’arrange un peu plus loin, mais un peu seulement : dans les 150 m qui suivent, on peut parfois se déplacer autrement qu’en rampant. On finit par déboucher dans du grand. Mais même à longueur égale, le grand paraît bien court. Il n’y a pas d’espoir de suite, pas de courant d’air même si les sédiments deviennent secs dès lors qu’on peut marcher. Dans la belle et bien ronde salle terminale, un minuscule suçoir communiquait sans doute avec le collecteur sous-jacent, ce qui explique la présence vers la fin d’un lit de gros galets.
La rivière timide
Son nom a été choisi parce que bien que puissante par son débit - ses crues charrient des troncs d’arbre et les perchent à plusieurs dizaines de mètre de hauteur - cette rivière se cache dans les laminoirs parfois siphonnants et à demi remplis de galets à l’aval et au fond de canyons étroits en amont.
Des explorations récentes ont complété la topographie par de nombreux entrelacs de petites galeries et laminoirs, parfois actifs et souvent boueux, d’une strate manifestement très propice à la karstification et qui borde souvent le haut du canyon où coule la rivière timide. Il a fallu trois longues séances pour lever près de 3 km de topographie dans ce dédale. Cela a permis de corriger une importante erreur d’appréciation : ce qu’on prenait pour un affluent important provient en fait d’une diffluence située en amont. Les conditions de jonction avec Tonggupixiaodong sont donc éclaircies. Il serait exagéré et prétentieux de prétendre que ce secteur soit désormais complètement exploré, mais il ne présente plus de grand mystère, si ce n’est qu’on y rencontre quelques grands puits remontants par lesquels des explorateurs pourraient bien arriver dans l’avenir.
Le laminoir codéine
Il s’agit de la suite des laminoirs - à l’époque qualifiés de secs - que l’on trouve en continuant au-dessus du P27 de L’amont improbable. Cette qualification reste valable par comparaison avec l’aval de l’horreur où l’on progresse parfois dans la boue liquide.
On se laisse glisser, dans la forte pente d’un exutoire de siphon temporaire inactif depuis bien longtemps, puis la reptation alterne avec quelques passages à quatre pattes sur l’argile craquelée. Le courant d’air est motivant. On débouche dans une petite salle due à l’arrivée d’un affluent qui débute par un cône de galets. C’est le laminoir codéine. Il consiste en plus de 200 m de reptation ininterrompue, d’abord sur des galets collés par l’argile, puis dans un siphon récemment délaissé par l’eau où l’ambiance est plus gluante. Ça continue sans donner de signe d’amélioration. Il y a du courant d’air qui vient de cette branche. À suivre donc, mais il faut s’armer de courage, de patience, d’abnégation et de genouillères.
L’amont des mousses brunes
Si on ne s’engage pas dans le laminoir codéine, le conduit devient un peu plus carré et le sol est séché par le courant d’air. Ce deuxième fait ne peut s’expliquer que par une mise en charge en aval par le laminoir codéine, mais tout indique que le dernier événement de ce type est déjà très ancien. Toujours est-il qu’à partir de ce point, tous les conduits rencontrés ont au sol des sédiments très secs. On commence à voir les premières fleurs de gypse, puis on débouche dans une galerie sur diaclase. On rencontre plusieurs départs au ras du sol. Ils se regroupent en un petit méandre très riche en fleurs de gypse que l’on retrouve plus loin. Une escalade de 7 m suivie d’un ressaut de 3 m donne accès à la suite, un court tronçon de galerie qui s’achève par des salles remontant en culs de sac. Les deux départs sur la droite de cette galerie rejoignent le petit méandre accessible avant l’escalade de 7 m. Le second de ces départs présente une bifurcation. Tout le courant d’air part à gauche dans un boyau tandis que sur la droite le méandre aux fleurs de gypse présente encore quelques prolongements inexplorés.
L’exploration du boyau de gauche a été poursuivie: les fleurs de gypse se raréfient, le plafond se relève et de belles marmites sèches confirment que l’on remonte un ancien torrent souterrain. Sur les parois et plus souvent sur des banquettes, on observe des petits objets bruns de la taille d’un gland, mais d’une densité quasiment nulle et d’une fragilité extrême:les mousses brunes. On pourrait parfois penser à de très anciennes crottes, mais on en trouve aussi dans des surplombs. Au bout de 400 m, on arrive dans une partie du méandre où les crues ont nettoyé les sédiments, cette rivière temporaire se perd dans un P22 non exploré. En amont de ce puits, la progression est passée de facile et agréable à très délicate à cause de bassins d’eau profonds. Leur franchissement en varappe pose problème, car les prises de pied ne sont souvent qu’une fine strate noire, glissante et cassante. La solution adoptée a été de consentir à se mouiller parfois jusqu’à la poitrine plutôt que de prendre le risque d’un bain intégral et brutal. Cette configuration semble vouée à se prolonger, puisqu’on a atteint et commencé à remonter une rivière pérenne -de plus de 2l/s- qui se perd dans un conduit étroit. L’exploration s’est arrêtée sur frilosité devant un de ces plans d’eau.
À mi-chemin dans la partie sèche, on peut accéder à une conduite forcée supérieure qui se détache du méandre fossile, elle contient aussi de ces étranges mousses brunes citées plus haut et présente une branche secondaire qui part au sud. C’est un petit méandre fossile amont gypseux et ventilé. Son explo- ration est à poursuivre. On peut y admirer des grandes aiguilles de gypse et de très nombreuses formations hémisphériques de gypse sur les parois, de la taille d’une demi balle de ping-pong.
La rivière du chat mouillé
Dans Mahuangdong, l’aval de l’horreur présente un affluent au bout de 300 m (cf : Voyages en terre chinoise tome 2 - chapitre 1, P20). Il a été exploré en 2018.
C’est une petite rivière au fond sablonneux courant dans un chenal d’argile. En acceptant de se mouiller, on avance rapidement jusqu’à un bief profond où la natation s’évite par un passage en opposition un peu chaud. On prend un peu de dénivelé par des toutes petites cascades généralement précédées d’un bassin un peu plus profond, puis on arrive à un siphon : l’eau arrive par dessous, sur le côté du méandre, dans un large et profond bassin. En amont du siphon, bien qu’il n’y ait plus d’actif, on trouve toujours des laisses d’eau. Tenter de les éviter représenterait une telle difficulté et une telle prise de risque - il faudrait se hisser en opposition large et glissante dans une galerie qui s’évase vers le bas - que c’est finalement en se mouillant jusqu’à la poitrine que cette branche a été explorée et a rejoint comme on pouvait s’y attendre l’aval du chat perché découvert plus de dix ans auparavant (cf.: Voyages en terre chinoise tome 3 - chapitre 8, p187)
L’ E7
En amont du chat perché, on retrouve un petit actif qui forme des esses dans une galerie qui va en s’abaissant et présente une petite branche latérale où part le courant d’air. Elle mène à une escalade de 7 m qui se fait en opposition. La galerie qui suit n’est pas très grosse et un peu boueuse. Elle s’achève en haut d’un puits de 10 m inexploré.
L’amont improbable, suite
L’amont improbable fait référence à une sorte de pari qui avait été fait, en 2001, lors des premières ex- plorations, après que la jonction entre Mahuangdong et Hongzhaozidong ait été réalisée : en quittant les grandes galeries pour s’enfoncer en aval dans une zone de laminoirs immergés en crue et d’altitude voisine de celle de la résurgence, nous avons trouvé autre chose que des galeries boueuses s’achevant sur des siphons. De fait, tout un réseau a été ainsi découvert dont la jonction avec Pixiaodong. Il s’articule autour d’un collecteur de 20 l/s à l’étiage que l’on a exploré par tronçons sur près de 2 km. L’exploration de son amont a marqué une grande pause de 2005 à 2018. En effet, la rivière avait tendance à devenir profonde (cf : Voyages en terre chinoise tome 2 - chapitre 1, P21). D’autre part, il faut plus de 3 h de progression soutenue pour être à pied d’œuvre. Il faut passer les laminoirs laminants, descendre le P9, remonter dans les fossiles et descendre le P27 pour retrouver un niveau actif par intermittence, dans une galerie entrecoupée de trémies. Le terminus de 2005 se reconnait par une division de la galerie en trois passages également pleins d’eau.
La rivière en amont serpente entre des plages sablonneuses. Elle peut être suivie jusqu’à un siphon de 20l/s situé 460 m sud-sud-est. Il y a de nombreux affluents et des départs latéraux, à savoir successivement :
- dans une petite salle remontant sur la droite, un court méandre qui revient en arrière et retrouve la rivière ; - en face dans la même salle, une cloche boueuse apparemment sans suite ;
- sur la droite un affluent arrive d’une fracture, on peut le suivre sur 50 m avant qu’il ne devienne impénétrable ;
- plus loin, le fossile sur la gauche est un bien meilleur itinéraire que le passage de la rivière à droite où l’on est en opposition au-dessus de bassins profonds sauf dans les derniers mètres secs, la rivière provenant d’un siphon ;
- dans la branche fossile, un petit ressaut remontant concrétionné et boueux a été escaladé à moitié, ce qui est suffisant pour parier qu’il n’y a rien en haut ; - après que les deux branches se soient rejointes, on retrouve la rivière qui se perd dans un siphon étroit ; - plus loin, actif et fossile se séparent à nouveau, le fossile est confortable, l’actif se divise puis tout se rejoint ;
- plus loin encore, sur la droite, un passage supérieur se décolle de l’actif pour le rejoindre en haut d’une petite salle ;
- toujours sur la droite, un fossile se détache de l’actif pour 50m de galeries horizontales au sol d’argile craquelée, puis tout est colmaté ;
- à peine plus loin sur la gauche cette fois il y a un petit affluent en laminoir, il semble s’achever sur des fissures impénétrables, mais des traces de pas énigmatiques laissent penser qu’il y a un passage difficile à trouver en arrivant depuis l’aval;
- sur la gauche, en haut des pentes de boue semi-liquide, on peut atteindre un étage supérieur qui, par une trémie, rejoint la suite fossile ;
- sur la droite, des passages bas mènent à des puits remontants rejoignant l’étage supérieur ;
- juste avant le siphon terminal, un boyau boueux suivi d’un réseau de fractures a permis de monter de 30 m et de trouver une galerie fossile, bien sèche, gypseuse et ventilée.
Cette dernière galerie est la seule découverte vraiment importante, car c’est elle qui a permis de faire la jonction avec Chuandongwanshenxiandong décrite au prochain paragraphe. Le siphon n’est que partiellement shunté. En effet, la rivière que l’on retrouve à seulement 30 m de distance est alors d’un débit très inférieur. Les dimensions des conduits en amont, en revanche, sont très similaires.[Jean Bottazzi]

AUT. VAR (2019)
Jean BOTTAZZI, Éric SANSON, Bruno HUGON, Olivier TESTA, Alain MAURICE, Marc GUICHOT, Florence GUILLOT, Cécile PACAUT, Marc FAVERJON, Marc TREMBLAY, Amandine LABORDE, Nicolas FAURE, Emmanuel VITTE, Jessica MORIN-BUOTE, Éric DAVID, Éric LECUYER, Éric MADELAINE, Gilles CONNES.
Topographes
Jean BOTTAZZI, Éric SANSON, Bruno HUGON, Nicolas FAURE, Olivier TESTA, Barnabé FOURGOUS, Pascal ORCHAMPT, Emmanuel VITTE, Éric DAVID, Marc TREMBLAY, Florence GUILLOT, Fabien MULLET, Marc FAVERJON, Charles BUTIN, Cécile PACAUT, Alain MAURICE, Gilles CONNES, Jes- sica MORIN-BUOTE, Michel ISNARD, Jean-Pierre BARBARY, Patrick LETOURNEL, Marc SÉCLIER, Marc GUICHOT, Vivien MOINAT, Éric MADELAINE, Silvia ARRICA, Silvère PASTUREAU, LIZIXIN, Éric LECUYER, Thierry MONGÈS, Amandine LABORDE, Daniel BETZ, Olivier JÄRMANN, Christian DELAIRE.
Coordination, rédaction, synthèse topographique et composition :
Jean BOTTAZZI
Spelunca Mémoires n° 39 (2019)
Voyages en terre chinoise tome 5. Expéditions spéléologiques franco-chinoises 2011-2019 dans les grottes de Suiyang Shuanghedong

Analyse : gkc-JPB

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