dong Dihuanggong - 帝皇宫

Dihuanggong
1. Situation
Nous quittons ici Fengshan et le géoparc de Leye-Fengshan pour descendre au sud sur le district de Bama, près du village de Poyue, là où se trouve la résurgence de l’ensemble du système. La rivière est ici impressionnante, mais la résurgence elle-même est décevante car les eaux sont captées pour les besoins de la production d’électricité. On passe devant la grande grotte touristique de Baimodong, elle-même résurgence secondaire. Nous sommes devant ce qui est considéré comme une source de longévité, des études ayant montré que les centenaires sont plus nombreux dans une zone englobant la résurgence de Poyue et celle de Sanmenhai.
Perchée dans les montagnes, à flanc de piton, son entrée de quelques mètres carrés ne se devine pas dans le paysage. Il faut se rendre au hameau de Nongyuo, accessible en véhicule tout-terrain et poursuivre à pieds par le sentier passant derrière la dernière maison. On laisse sur la gauche un puits avec une énorme doline en arrière-plan. Le sentier monte entre les pitons, passe à un col et continue sur la gauche en remontant sur un versant très raide avec une vue imprenable sur deux tiankengs en contrebas. Le sentier mène à l’entrée.
2. Description
Dihuanggong est une grotte fossile, probablement un paléo-drain parallèle à la rivière souterraine de Poyue que personne à ce jour n’a pu suivre. Cette grotte a été découverte et explorée par les chasseurs de concrétions. Ils ont descendu sur de mauvaises échelles de cordes et des bouts de bambous un puits teigneux de 235 m qui ne bénéficie pas de la lumière du jour car son entrée est trop étroite.
3, 12, 72, 30, 31, 77 : c’est l’enchaînement des longueurs de puits qu’ils ont vaincus avec des techniques très rudimentaires et du matériel de piètre qualité. Pour éviter une descente plein vide trop longue, ils ont suspendu dans le vide une passerelle en bambou et installé l’échelle de corde en dévers sur une dizaine de mètres. J’ai vu l’un d’eux, rechignant à frotter sa chemise sur les parois, contourner un des rares passages parfaitement sûr et reposant de la descente par une escalade difficile au-dessus de 80 m de vide. Je me suis senti un peu coupable d’être tranquillement assis dans mon baudrier, ayant bien entendu doublé toute la descente d’un équipement sérieux pour en lever la topographie. Dans un sac de toile de jute ficelé en bandoulière, il remontait à la surface quelques-une de ses prises, des stalagmites bien quelconque à côté de ce que contient la grotte.
En bas de la descente, la salle mesure 130 m de long et 80 m de large. Le sol est pierreux et en forme d’entonnoir, en dehors d’une zone centrale occupée par un dôme de calcite naissant et cerné de coulées. En hauteur, on observe quelques stalagmites. La seule issue possible est un large laminoir surélevé par une fracture. On remarque au sol des stalagmites bien rouges et, lorsque le plafond s’élève, de magnifiques bouquets d’excentriques et fistuleuses.
Il faut serrer la paroi de gauche pour descendre au point bas du trou, par un P10 occasionné par un décrochement. La galerie continue en pente raide devenant de plus en plus glissante. On arrive alors dans une petite salle dans laquelle les coulées et concrétions sont particulièrement blanches. On semble être dans une zone inondable, à la cote -330 m.
En ressortant de la salle, en haut du P10, on peut suivre la lèvre du décrochement en montant légèrement jusqu’à un point haut. Le plafond ici foisonne d’hélictites blanches. La galerie s’éloigne du décrochement et prend de la hauteur tout en perdant de l’altitude. On arrive dans une salle de 6 000 m2 au sol de gours blancs et fortement concrétionnée, avec la première de ces grandes stalagmites en dôme qui sont une caractéristiques de la grotte. En montant derrière ce dôme, sur les coulées scintillantes, on arrive à un très grand carrefour.
Les cascades de calcite s’épanchent sur la droite dans une galerie de 50 m de large et autant de haut. On passe devant une stalagmite-dôme de plus de 25 m de haut et 10 m de diamètre. Les concrétions de petites dimensions sont innombrables. Au point bas, il y a un lac temporaire d’eau claire, qui se déverse dans un gour en bord de galerie. On quitte alors cet univers de calcite pour monter dans une galerie pierreuse de 200 m de long s’achevant en cul de sac, avec des gours rehaussés de coulées et cernés par les stalactites et les colonnes. Un passage pourrait subsister dans ces entrelacs. Nous sommes à la cote -200 m, au terminus de la galerie nord.
Au très grand carrefour, la galerie se prolonge également au sud. Tout d’abord bien fournie en gours, coulées, dômes et stalagmites, elle devient ensuite caillouteuse. Sa largeur atteint temporairement 70 m mais elle est en général d’une cinquantaine de mètres. On remarque quelques chutes récentes de blocs depuis le plafond. Après un coude vers l’ouest, on passe devant un parterre de fleurs de calcite. Puis la galerie descend graduellement, de blocs en blocs, parfois tombés récemment, se rétrécissant jusqu’à une obstruction totale à la cote -283 m.
Cette exploration s’est faite dans un but précis: un homme d’affaire de Bama s’est rendu propriétaire de la grotte et désirait sa topographie. N’ayant pas de coéquipier avec moi et disposant d’un temps relativement limité étant donné la taille de la cavité, je n’ai pas fouillé et fait un simple relevé de positionnement avec un habillage sommaire. La branche nord vaudrait la peine d’être fouillée car elle se rapproche d’une vallée avec une perte qui pourrait correspondre. Le point bas est également proche de la base d’un tiankeng dont le fond est sujet à des variation du niveau des eaux.
3. Chasseurs de stalactites
Cette cavité montre à quoi ressemblaient toutes les grottes de la région avant qu’elles ne soient vandalisées. En effet, son entrée difficile a rendu impossible une exploitation sérieuse, malgré l’installation de câbles.
Concernant ces exploitations, elles ont débuté très tôt et le palais impérial était déjà orné de quelques belles stalagmites. Mais elles ont pris un caractère quasi industriel dans les années 1970. Les concrétions étaient vendues dans toutes les grandes villes de Chine et ont fortement contribué au développement local. Cette pratique est interdite depuis une vingtaine d’années par une loi nationale. Cette loi a mis un coup d’arrêt au gros du commerce mais des trafics clandestins se poursuivent, la loi n’interdisant que l’exploitation et pas le commerce. Les cas d’exploitations dont j’ai pu observer les traces à Fengshan sont toutes désaffectées, mais peu de personnes savent qu’il est interdit de casser des concrétions dans les grottes et le vandalisme à l’échelle individuelle persiste dans toute la Chine.
A Dihuanggong, les chasseurs de concrétions sont loin de vivre dans l’opulence et ils tirent plus de fierté que d’argent de cette activité en complément de leur vie paysanne.
Le projet du propriétaire est de creuser un tunnel d’accès pour ouvrir Dihuanggong au tourisme. Il n’est pas certain que cela se fasse, car le bureau du tourisme de Bama estime que les grottes touristiques sont déjà trop nombreuses. D’autre part, il faudrait aussi construire une route pour monter dans la montagne.

BOTTAZZI, Jean; BARBARY, Jean-Pierre; HUGON, Bruno (2011)
Spelunca Mémoires, n° 35 (2011) : 306 p. 300 photos, 135 topos, 14 cartes (ISBN 978-2-900894-18-7)
Voyages en terre chinoise tome 3 : Expéditions spéléologiques franco-chinoises du P.S.C.J.A. de 2006 à 2010.

Analyse :
Les résultats traités dans cet ouvrage rendent compte des travaux effectués au cours de six expéditions du P.S.C.J.A., toutes agréées par la Fédération Française de Spéléologie, s’étant déroulées de 2006 à 2010, ainsi que d’explorations réalisées sur la même période en marge de ces expéditions. Ce sont en tout plus de 186 km de grottes inédites, principalement situées dans la province du Guizhou. 278 cavités sont citées, dont 253 le sont pour la première fois. Après quelques clefs de lecture et le résumé des expéditions ayant permis toutes ces découvertes, les résultats de ces expéditions sont présentées en 11 chapitres. (JB).

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