Donghe 92 Sommaire

Chapitre 7 : Climat, morphologie et genèse des cavités


Richard MAIRE

Résumé - Abstract - Zusammenfassung: Les cavités de moyenne montagne du SW du Hubei et du N du Hunan présentent un caractère beaucoup plus vertical que celles du Guizhou explorées en 1989. Les cavités les plus répandues sont les gouffres-pertes temporaires de vallées et de canyons aveugles (Dadong, Xiaoshuidong, Puits E / Puits W, Datiankeng). Elles constituent la quintessence des cavités de montagne de Chine centrale. Les conduits sont grands, les parois lisses, les marmites immenses et les puits d'une grande esthétique. Cela tient à l'énormité des débits (10 à 30 m3/s en été) et à la grande vitesse de l'eau qui projette les galets à plus de 20 m/s sur les parois des puits. Les marmites de géants, larges et profondes (10 m et plus), sont un gros obstacle à l'exploration et montrent le rôle considérable de l'érosion mécanique. La deuxième famille de cavités est constituée par les grottes-tunnels partielles (Dadong) ou totales (Donghe Hefeng) qui sont alimentées par des pertes de vallées. Les dimensions des porches et des galeries sont immenses, à l'échelle du karst chinois. Les débits sont également considérables et peuvent atteindre 30 à 50 m3/s. Le troisième type est représenté par les grottes-résurgences qui sont aussi de très grandes dimensions comme Longdong (Wufeng) et surtout Donghe (Wufeng) dont les débits de crue dépassent 50 m3/s pour 1 m3/s à l'étiage. La genèse de l'ensemble de ces cavités ne dépend pas toujours de l'altitude réelle : une perte d'altitude est plus récente qu'une grotte fossile recoupée de milieu de vallée. L'étagement des cavités en fonction de la surrection tertiaire et quaternaire doit être étudié dans le flanc des canyons et dans les grands réseaux présentant des niveaux fossiles et des remplissages anciens (Dadong). La différence d'altitude entre les différents niveaux de grottes peut atteindre 300 à 400 m (Songjiahe), voire 1 000 m comme dans la province du Sichuan (canyon de la Daninghe) située juste au nord du Hubei. En l'état actuel des connaissances, la spéléogenèse des cavités explorées est essentiellement quaternaire à néogène pour les plus anciennes.

Mots-clés : perte, résurgence, vallée aveugle, canyon, érosion mécanique, dissolution, spéléogenèse, tectonique.



Introduction

Les cavités des karsts de montagne de Chine centrale (Hubei et Hunan) ont une forte originalité par rapport aux cavités des karsts de Chine du Sud (Guangdong, Guangxi, Guizhou). Cela tient au caractère montagnard accentué et au degré d'évolution moindre du karst, d'où l'existence de cavités très actives, mais aussi de cavités perchées plus anciennes. Les cavités actives et semi-actives - gouffres, grottes-pertes, grottes-tunnels - sont superbes en raison de l'importance des débits absorbés par les pertes en saison des pluies. Elles drainent des vallées et des poljés représentant des bassins-versants assez importants pouvant dépasser 100 km2. Les grottes-tunnels parcourues par des rivières permanentes importantes comme celle de la Gebihe dans le Guizhou ou de Tenglongdong près de Lichuan dans le NW du Hubei sont rares.

I. Caractères du climat souterrain

En raison de la vaste dimension des conduits et des entrées multiples, la ventilation par le processus de tube à vent est le phénomène le plus fréquent. Dans les grottes-tunnels à deux entrées, l'aspiration par l'entrée supérieure peut véhiculer des débits d'air extrêmement importants. Dans le tunnel de Donghe (Hefeng), le courant d'air qui balaye la grotte est rapide. En décembre 1992, sa vitesse dépasse plusieurs m/s dans les secteurs les plus "étroits" et les débits d'air estimés en fonction de la section sont de l'ordre de plusieurs centaines de m3/s. Ces grottes-tunnels peuvent piéger en été de l'air chaud dans les parties les moins aérées des réseaux ou aspirer de l'air froid en hiver. Plusieurs phénomènes spectaculaires ont été observés : l'aspiration d'air glacé, le brouillard souterrain, la nappe de brume souterraine et les nuages d'air chaud aux entrées.
- L'aspiration de l'air froid extérieur en hiver transforme l'entrée de certaines cavités en véritables gouffres alpins. L'eau des marmites près des orifices aspirants peut atteindre 4°C comme à Zhaidong. En profondeur, la température redevient légèrement plus clémente (8 à 9°C), ce qui reste froid pour des cavités du karst subtropical. Mais on peut assister à des situations de convection comme à Xiadong, dans le comté de Sangzhi (Hunan). L'entrée de la grotte aspire l'air froid au niveau plancher jusqu'à une grande galerie située à 200 m de l'entrée, puis par un mouvement de convection l'air chaud est expulsé par le plafond produisant ainsi un nuage de vapeur à l'entrée (chap. 4 et infra).
- Le brouillard souterrain pose des problèmes de progression. Nous l'avons trouvé en pénétrant dans le réseau actif de Donghe (Hefeng) car cette partie est séparée du réseau fossile par un passage bas relativement étroit. La visibilité ne dépasse pas quelques mètres. En décembre 92, la température de l'air est de 20°C alors qu'elle atteint 10°C de moins dans les autres parties du réseau. Ce phénomène de nuage souterrain est dû au processus de condensation provoquée par refroidissement entre l'eau froide de la rivière souterraine et l'air chaud humide piégée dans la salle.
Le même phénomène a été observé le 2/12/92 dans le réseau amont de Longdong (Wufeng). On pénètre par l'entrée fossile de Yanzidong perchée de 80 m environ au-dessus de la vallée de la Baitanhe. L'entrée souffle de l'air chaud à 18°C. Lorsque le réseau fossile débouche dans le réseau actif amont de Longdong, la progression devient problématique en raison de l'épaisseur du brouillard souterrain. Comme à Donghe, c'est l'eau froide de la rivière qui est responsable du processus de condensation au contact de l'air chaud piégé dans la grotte. La preuve de ce phénomène de condensation est facile à démontrer. En arrivant au petit porche fossile de Yanzidong, qui souffle de l'air chaud, les verres de lunette plus froides se recouvrent immédiatement de buée.
Ce problème climatologique souterrain, lié à la condensation souterraine, ne peut se produire à une telle échelle que dans des climats subtropicaux à saisons très contrastés : étés très chauds, hivers froids. Nous n'avons jamais observé de brouillard souterrain en zone tempérée ou en zone équatoriale. Par contre il est possible de créer un brouillard artificiel en brûlant une matière riche en particule ou des torches au magnésium, particules sur lesquelles va se fixer l'humidité de l'air.
- La nappe de brume a été observée dans le réseau ouest de la grotte de Shuangdong (Sangzhi). On a observé au sommet d'une large galerie la frontière entre une masse d'air supérieure chaude et transparente et une masse d'air inférieure plus fraîche. La limite est brutale et l'on peut passer la tête au-dessus du "nuage" alors que le reste du corps est au-dessous. Ce phénomène de condensation est possible en hiver, dans une cavité ne fonctionnant pas en tube à vent, mais en poche. L'air chaud immobile est piégé dans une sorte de cloche tandis que la masse d'air inférieure, plus lourde ne se mélange pas à celle-ci (chap. 4), comme si la loi de mélange des gaz parfaits, ou loi de Henry, n'existait pas. Remarquons que cette condensation ne donne pas un brouillard épais comme celui rencontré dans Longdong ou Donghe de Hefeng ; ici la capacité de production en microgouttelettes est limitée en raison de l'absence de circulation d'eau froide.
L'exemple du nuage souterrain cité par les spéléos anglais dans une des grottes-tunnels du système de Pan Yang (comté de Mashan, Guangxi) paraît semblable. Il s'agit de la fameuse "Cloud chamber", vaste salle de 330 m x 140 m, qui présente un nuage humide et chaud (23°C) à base horizontale piégé dans le sommet de la salle (FOGG, 1989, p. 23). Toutefois, comme à Shuangdong, dans le Hunan, la couche nuageuse délimite une masse d'air supérieure qui est sans doute transparente. En fait il s'agirait dans les deux cas d'une couche de brume formée au contact des deux masses d'air de température différente. Il s'agit donc d'une nappe de brume et non d'un nuage.
- Les entrées soufflant un nuage chaud sont assez fréquentes en hiver quand l'air extérieur est froid. Ce phénomène spectaculaire a été observé dans l'entrées inférieure du réseau de Shuangdong / Zhangjiadong, au sud de Sangzhi, dans le nord du Hunan. Le porche de Zhangjiadong souffle ainsi de l'air chaud à 18°C en abondance et sert d'ailleurs d'abri : habitations, lavoir, parcs à bétail, porcs et poulets. La seconde cavité, Xiadong (ou “grotte de la vapeur”), est située de l'autre côté de la doline et souffle un nuage spectaculaire dû à la condensation de l'air humide chaud au contact de l'air froid extérieur. Durant l'exploration de ce gouffre le 7/1/93, on a constaté que la ventilation principale était aspirante en profondeur. On pourrait donc expliquer le phénomène de soufflerie à l'entrée par un mouvement de convection qui aspire l'air froid au niveau du plancher et rejette l'air chaud au niveau du plafond. Ce processus est connu dans les cavités fonctionnant en poche. C'est l'inverse du tube à vent qui, en hiver, aspire l'air froid par l'entrée inférieure et rejette l'air chaud par l'entrée supérieure.

II. Les types de cavités

On peut distinguer plusieurs types de cavités explorées en fonction de leur situation par rapport à la morphologie externe. Il s'agit principalement des pertes de poljés, des pertes de vallées et des grottes-résurgences. Rappelons que ces cavités, aussi importantes soient elles, ne sont que des éléments appartenant à des systèmes karstiques souvent beaucoup plus complexes. L'exploration spéléologique permet donc de donner une idée de la morphologie et de l'organisation des drains souterrains alors que l'étude hydrologique caractérise l'ensemble du système en lissant les paramètres. Toutefois, l'absence d'équipements de mesure aux résurgences ne permet pas de connaître le fonctionnement hydrodynamique précis des systèmes et notamment l'évaluation des réserves. Il existe aussi des cavités anciennes totalement déconnectés des systèmes et qui ne sont pas prises en compte par l'étude hydrologique.
Les cavités semi-actives sont fréquentes car en hiver les vallées et canyons aveugles sont généralement sans écoulement. En revanche, en saison des pluies les écoulements absorbés par les grottes et gouffres-pertes dépassent plusieurs m3/s, voire beaucoup plus (10 à 40 m3/s). En saison sèche, la plupart des lits sont à secs et quand il existe un mince filet d'eau, il disparaît dans le lit avant d'atteindre la perte proprement dite, mais peut réapparaître en profondeur dans la cavité comme à Datiankeng, près du poljé de Shuishanping, au nord de Hefeng. Les cavités actives toute l'année ne sont pas très fréquentes. Il s'agit d'abord des grottes-résurgences et parfois de pertes de vallées ou de poljés. Des rivières souterraines peuvent être explorées également à partir d'entrées semi-actives ou fossiles.
A. Les pertes de poljés
On distingue les systèmes pertes / résurgences de poljés étagés, les grottes-pertes et gouffres-pertes temporaires de poljés. Parmi les 50 cavités explorées, ce ne sont pas les plus vastes et les plus belles, à l'exception du réseau de Zhaidong (Yanziping, Hefeng) qui est à la fois une cavité de poljé et de vallée.
1. Les systèmes pertes / résurgences des poljés étagés (Yanziping)
Ces cavités successives sont bien représentées par la zone des poljés étagés de la région de Yanziping (Hefeng). Il y a là trois poljés étagés : Zhongmi, Datangmi et Yanziping. Dans le poljé supérieur de Zhongmi, une grotte-résurgence alimente en aval la perte de Zhongmi. Cette dernière résurge au niveau du porche de la grotte de Chushuidong. La rivière traverse le poljé de Datangmi et se perd dans la grotte de Mishuidong. D'après les données géologiques, cette rivière souterraine à éclipses résurgerait finalement au niveau de la source de Wanrendong située 10 km à l'W au fond d'un canyon. La rivière souterraine découverte dans un réseau adjacent de Donghe serait un regard sur la rivière qui émerge à Wanrendong.
Les réseaux supérieurs actifs au niveau des poljés étagés sont relativement étroits et donc immatures ; il s'agit de réseaux sur diaclases et fractures encore peu élargies par la dissolution, ce qui explique que les poljés s'ennoient facilement. Ces réseaux jeunes et étroits sont dominés par des réseaux fossiles et des grottes-tunnels aux sections beaucoup plus vastes tels que Chushuidong, la galerie des lacs de Mishuidong et Gandong. Ils correspondent soit à d'anciennes pertes, soit à des drains ne fonctionnant qu'en grosses crues.
2. Les grottes-pertes temporaires de poljé
Les grottes-pertes temporaires de poljés sont fréquentes. Elles absorbent de grande volume d'eau en saison des pluies, mais il arrive fréquemment que ces ponors se mettent en charge, en provoquant l'inondation partielle ou totale des poljés, parfois en raison de la faible dimension des conduits profonds qui ne peuvent absorber l'excédent d'eau.
- La grotte de Tanghuangdong, situé dans le comté de Wufeng, sur la route Wufeng-Hefeng, est l'une des pertes du poljé de Wantan. D'une forme digitée et mesurant plus de 10 km de long, le poljé de Wantan est alimenté par des bassins amont situés dans des roches imperméables, les flyschs du Silurien (Gebihe 89, p. 82). Localisée à l'extrémité occidentale, à 1 115 m d'altitude, Tanghuangdong est une cavité actuellement connue sur plus de 3 km de développement et dont l'exploration n'est pas terminée. Elle est formée par un ensemble de conduites forcées burinées par l'action mécanique des eaux. Les galeries, de taille moyenne, mesurent 5 à 8 m de diamètre et les concrétionnements sont rares. Il s'agit d'un réseau relativement jeune qui, en grosse crue, refoule l'eau à l'extérieur et ennoie le fond du poljé. Les eaux résurgeraient une vingtaine de kilomètres plus loin vers l'ouest.
- La perte de Cedong est située au SW de Hefeng, à l'extrémité du vaste poljé de Taiping, à 930 m d'altitude. Celle-ci n'est pas tout à fait temporaire puisqu'une petite résurgence sort 300 m en amont de l'entrée et se jette dans la grotte. Toutefois, le lit de la rivière drainant le poljé demeure à sec durant les mois d'hiver (Gebihe 89, p. 109).
3. Les gouffres-pertes temporaires de poljés et de vallées
Ces cavités sont moins fréquentes. Zhaidong est un cas remarquable puisqu'il s'agit d'une perte temporaire située un peu au-dessus du poljé de Yanziping. Elle est alimentée par des eaux transitant par la grotte-tunnel à écoulement temporaire de Gandong. Les eaux proviennent d'une part d'un système de vallons, d'autre part du trop-plein d'une grotte (Xiniudong) dont les eaux viennent du poljé supérieur de Mishuidong. Profond de 400 m depuis la doline d'effondrement, le gouffre de Zhaidong présente un parcours difficile à cause de marmites larges et profondes, souvent à moitié pleine d'eau. La température de l'eau est froide, souvent inférieure à 8°C, en raison de l'aspiration de l'air froid extérieur et du refroidissement de l'eau par évaporation.
B. Les pertes de vallée
Les pertes de vallées sont de deux types : les gouffres-pertes temporaires ou actifs et les grottes-pertes temporaires de vallée aveugle
1. Les gouffres-pertes temporaires et actifs
Les gouffres-pertes actifs sont peu fréquents en raison du régime des cours d'eau et de l'infiltration dans le lit. Un peu en aval de Yanziping, on connaît toutefois le gouffre-perte de Nosedong qui a d'ailleurs posé de sérieux problèmes d'exploration en raison des cascades et de l'eau froide. Il s'agit d'un réseau jeune qui est sans doute un affluent du système émergeant à Wanrendong.
Les gouffres-pertes temporaires, qu'ils soient de vallée ou de poljés, sont sensiblement les mêmes. Plusieurs exemples remarquables sont connus : Puits W/Puits E (Wufeng), Xiaoshuidong (Changleping) et Datiankeng (Hefeng). Lorsque le débit en saison des pluies devient important, il peut arriver que ces gouffres se mettent partiellement en charge, mais l'importance du cavernement et le rapide transit vers les profondeurs évitent généralement l'ennoiement complet, contrairement aux grottes-pertes responsables de l'ennoiement des poljés.
- La perte double du PuitsW/Puits E à l'E du village de Changbuxi est superbe. Elle débute par deux vastes puits, l'un de 40 m, l'autre de 80 m, en réalité beaucoup plus profonds si l'on prend la partie haute des entonnoirs. La cavité est connue jusqu'à - 382 et présente une rivière souterraine circulant dans une galerie riche en belles marmites. En crue, ce gouffre est alimentée par des débits impressionnants pouvant dépasser 10 à 20 m3/s, ce qui est colossal pour la dimension moyenne de la galerie inférieure des marmites. La présence de troncs d'arbre en profondeur est une preuve supplémentaire de la violence des crues.
- La perte double de Xiaoshuidong est également exceptionnel par sa morphologie. Elle se situe à l'extrémité W du poljé de Changleping. En fait, l'extrémité du poljé a été surcreusé par deux vallées opposées dont les eaux, en été, se perdent pratiquement au même endroit, l'un par un puits de 25 m, l'autre dans un porche de 20 m de haut. La violence des crues de mousson est telle que les eaux chargés de galets ont façonné un puits hélicoïdal de grande taille qui se termine vers - 100 sur le Chaudron karstique, sorte de marmite immense de 40 m de large. Des troncs d'arbres ont été propulsés dans une galerie étroite sur joint de strate au beau milieu du puis du Bobsleigh, d'autres sont présents jusqu'au fond, perchés à différentes hauteur.
- Le ponor de Datiankeng, au nord de Hefeng, est un cas particulier. Un petit ruisseau disparaît dans le lit à 30 m de l'entrée pour réapparaître sous terre vers - 200 m. Il s'agit là d'un début de capture. Datiankeng se situe à l'extrémité aval du petit et magnifique poljé encaissé de Datiankeng, mais il est alimenté essentiellement par une vallée drainant un bassin-versant bien plus vaste que le poljé. Le gouffre présente une morphologie très esthétique et représente la quintessence des pertes chinoises de montagne. On observe une succession de ressauts, de puits, de salles et de galeries de vastes dimensions complètement polis par l'eau. Les marmites de géants se développent en profondeur et deviennent très difficile à franchir, ce qui est une constante dans de nombreuses pertes du Hubei.
2. Les grottes-pertes temporaires de vallée aveugle
Ces cavités sont de très loin les plus vastes car elles sont en rapport avec des vallées ou des canyons aveugles drainant une superficie importante. Deux exemples sortent de l'ordinaire et peuvent être considérées comme des cavités majeures à l'échelle mondiale par la dimension de leurs conduits et de leurs entrées : Dadong près de Wufeng et la grotte-tunnel de Donghe près de Hefeng.
- Dadong (ou grande grotte) débute par un porche de 100 m de haut s'ouvrant à l'extrémité d'un canyon sauvage de 300 à 400 m de profondeur : une sorte de gorge du Verdon à écoulement temporaire se terminant sur une grotte ! Le réseau est actuellement connu sur plus de 10 km de développement et renferment des galeries de 40 m x 60 m et des salles importantes. En été, les grosses crues débitent plusieurs dizaines de m3/s et transportent de gros troncs d'arbres et une multitude de branches qui vont s'accumuler au fond du réseau. Toutefois la présence de troncs coincés à 4 à 5 m de haut dans un canyon large de 8 m indique une section mouillée de l'ordre de 30 à 40 m2, pour une vitesse de courant sans doute supérieure à 1 m/s. Les débits de crue, durant la mousson d'été, peuvent donc atteindre ou dépasser 30 à 50 m3/s. C'est dans cette grotte que se situent des remplissages varvés de plus de 20 m de haut. La première coupe, logée dans une galerie fossile perchée 100 m au-dessus du niveau de l'entrée, doit dater au moins du Quaternaire ancien. La seconde coupe, située dans la salle des varves marrons, en aval du canyon aux troncs coincés, est calée entre 18 000 et 13 000 ans BP et date donc de la fin de la dernière période froide (chap. 6).
- Donghe, près de Hefeng, se situe à l'extrémité d'une large vallée aveugle se terminant en canyon. Le porche, en encorbellement, mesure 100 à 150 m de haut ; il se poursuit par un conduit de grandes dimensions qui traverse la montagne sur 2,5 km. Cette superbe grotte-tunnel recoupe un réseau fossile de très grandes dimensions par lequel il est possible d'accéder à une belle rivière souterraine, dénommée “la rivière sans retour”, qui doit être la rivière principale émergeant à Wanrendong (chap. 2).
C. Les grottes-résurgences de vallée
Ces grottes-résurgences sont assez nombreuses car elles drainent les principaux systèmes karstiques. Elles sont caractérisées par la grande dimension des conduits et des débits d'étiage pouvant atteindre plusieurs centaines de litres par seconde. Les deux plus beaux exemples sont les résurgences des systèmes E et W de l'anticlinorium de Changleping situé dans le comté Wufeng. A l'est du massif (Yuguan), la grotte-résurgence de Donghe sort au fond d'une belle reculée. Il s'agit d'une très vaste cavité active (1 100 l/s en décembre 92) explorée sur plusieurs km et dont le débit atteint 50 m3/s en crue d'après les données de la station hydroélectrique. Ce système remarquable, connu ici dans a partie extrême aval, est alimentée par un bassin-versant de plusieurs centaines de km2 qui englobe la partie orientale de l'anticlinorium de Changleping et peut-être une partie du poljé allongée du même nom.
A l'ouest, le système de Dadong / Longdong est drainé par la grotte-résurgence de Longdong / Yanzidong qui s'ouvre quelques km au nord de Wufeng. Il s'agit d'un réseau actif de grandes dimensions développés dans les calcaires ordoviciens. En période d'étiage (0,5 à 1 m3/s), la rivière souterraine est alimentée par des rivières souterraines provenant sans doute des karsts développés sur la partie occidentale de l'anticlinorium de Changleping.
Dans le cas du système synclinal de Yanziping (Hefeng), nous avons vu que l'exutoire était constitué par la grotte de Wanrendong, d'un débit de 500 l/s à l'étiage. Dans le cas du système souterrain synclinal de Taiping, situé au SW de Hefeng, l'eau ressort à Yinquandong, en rive droite de Loushuihe, soit 2 km en aval de Hefeng à 540 m d'altitude. Son intérêt est de présenter une morphologie en delta souterrain avec des conduits étagés sur 135 m et six entrées, dont trois servent encore de trop-pleins pendant les grosses crues.
D. Les puits d'effondrement
Au cours de l'expédition, nous avons exploré quelques puits d'effondrement de morphologie et d'origine variées. Tous se situent dans le comté de Hefeng, dans le secteur de Yanziping et au nord de Hefeng. La doline centrale de Zhaidong / Gandong correspond à une ancienne salle dont le toit s'est effondrée. La doline mesure 200 m de long, 50 à 80 m de large et 40 à 120 m de haut. On y descend par un chemin escarpé. Le flanc ouest surplombant, haut de plus de 100 m, conserve encore la forme en voûte de l'ancienne salle. C'est dans ce versant à pic que ressortent plusieurs conduits de Niudong.
Dans le synclinal de Yanziping, entre Nosedong et le poljé de Yanziping, une vaste doline d'effondrement s'ouvre à 300 m de la route vers 1 000 m d'altitude. Elle mesure 300 m de diamètre environ et 150 à 200 m de profondeur. La pente est de 45 à 50°. Le fond est couvert de bambous. Sur ses flanc, une entrée donne accès à une grotte qui n'a pu être explorée. Comme à Zhaidong, il s'agit sans doute d'une salle dont le toit s'est effondrée.
Le plus beau puits d'effondrement, profond au total de 180 à 200 m, se situe au nord de Hefeng dans le réseau de Datiankeng profond de 333 m. Il s'agit d'un gouffre en forme de sablier qui sert de regard sur le gouffre-perte s'ouvrant à l'extrémité du poljé du même nom. Le puits débute par un vaste entonnoir allongé de 100 x 200 m et de 80 m de profondeur donnant sur un puits vertical de 80 m s'élargissant en cloche lorsqu'il rejoint le réseau. L'effondrement est dû à la réunion entre une doline-d'effondrement en entonnoir et une salle souterraine surmontée d'une cheminée. La doline d'effondrement supérieure est sans doute plus ancienne que la perte de Datiankeng car cette doline recoupe un réseau perché fossile. C'est le passage du nouveau réseau à l'aplomb de cette cavité de surface qui est l'origine de ce puits complexe en forme de sablier.
E. Les grottes entièrement fossiles
Les grottes anciennes, entièrement fossiles, sont très nombreuses dans les karsts chinois, aussi bien en Chine centrale que méridionale. Il peut s'agir d'étages inactifs situés au-dessus de la rivière souterraine et faisant partie d'un même réseau souterrain exploré. Mais dans d'autres cas, il s'agit de vieilles grottes situées à différentes altitudes et qui ont été recoupées par l'érosion. L'exemple de la grotte de Dayanwu, surnommée “grotte de la banane”, est typique ; elle se situe au nord de Hefeng, plusieurs centaines de mètres au-dessus du cours de la Loushuihe, et présente une vaste salle d'entrée qui a été éventrée par le recul du versant. Le réseau donne accès à une autre salle qui est perforée à l'emporte pièce par des puits provenant des eaux de percolation.

III. Genèse des systèmes karstiques

En hydrogéologie karstique, un système karstique définit un ensemble de conduits et de fissures dont l'agrandissement par l'eau et l'organisation donne sur un drain majeur, puis sur un exutoire unique et parfois sur un groupe d'exutoires rapprochés, mais de même origine. Mais il existe parfois des diffluences, notamment en crue, qui peuvent alimenter une autre source. Cette définition pose cependant un problème en géomorphologie car un système karstique renferme obligatoirement des éléments de réseaux inactifs, dont certains sont anciens et ne jouent plus aucun rôle sur l'écoulement. Dans ce contexte, il faut distinguer les systèmes karstiques actuels, intégrant des réseaux inactifs et à écoulement temporaire, et les lambeaux de systèmes karstiques anciens recoupés par l'érosion et n'ayant plus de relation morphologique et hydrologique avec les systèmes fonctionnels.
Le creusement des systèmes souterrains obéit aux lois générales de l'hydrodynamique karstique. Rappelons que le système karstique est un remarquable exemple de système dissipatif dans lequel la libération de l'énergie de l'eau est commandée par la gravité et la dissolution. Il existe ainsi une relation directe entre la karstification profonde et la position niveau de base (potentiel hydraulique) ; cela se traduit par une compétition entre le soulèvement du massif calcaire, d'origine tectonique, et l'érosion et la karstification du même massif. En plus des indispensables études hydrochimiques et hydrologiques qui renseignent sur le fonctionnement actuel, il est fondamental de connaître l'organisation, les dépôts et la morphologie des systèmes karstiques par le biais des cavités explorables pour connaître les paléofonctionnements. Comme les cavités explorées ne représentent souvent qu'une faible partie des systèmes potentiels, c'est en multipliant les exemples, et le développement des explorations spéléologiques, que l'on peut approcher au mieux les explications spéléogénétiques.
A. évolution des systèmes karstiques actuels
Les systèmes karstiques actuels intègrent les réseaux actifs de conduits et de fissures et des réseaux inactifs (fossiles) encore intégrés morphologiquement à l'ensemble des systèmes. Un bon exemple est donné par le système karstique synclinal de Yanziping qui renferme à la fois un sous-système actif (Zhongmi, Mishuidong, rivière de Donghe, Wanrendong) et un sous-système de galeries semi-actives (Gandong, Zhaidong) et inactives (réseau fossile de Donghe). En fait, le tunnel de Donghe n'appartient pas à ce système car il est parcouru par une rivière temporaire qui rejoint directement la Loushuihe. Au-dessus de Zhaidong, la grotte décapitée de Niudong perce une butte calcaire et ne conserve une relation avec le réseau de Zhaidong-Gandong que par la doline d'effondrement dans laquelle aboutissent les trois cavités. Niudong est donc en voie de déconnexion complète avec le système. L'évolution des réseaux actifs obéit à deux processus principaux : la dissolution et l'érosion mécanique.
- La dissolution souterraine joue un rôle important dans les réseaux noyés et semi-noyés. Ainsi, la rivière de Donghe (Hefeng) est complètement couverte de cupules de dissolution et témoignent de mise en charge lors des crues. Cet ennoiement temporaire contribue à la dissolution de l'ensemble de la section de la galerie. Le bilan de la dissolution chimique souterraine peut être calculée à partir des données prises aux entrées et à la sortie du système. En revanche, il est plus difficile de connaître l'évolution du chimisme en profondeur en raison de l'absence de mesure en saison humide. Pendant les crues moyennes, les galets continuent de creuser mécaniquement les parois des marmites.
- L'érosion mécanique par les eaux souterraines chargés de galets joue un rôle assez considérable comme peut le constater dans les gouffres-pertes où les marmites ont des tailles considérables (parfois plus de 10 m de diamètre et de profondeur) et constituent des obstacles sérieux à l'exploration. Ces formes dite d'évorsion (ou marmitage) supposent des débits pouvant atteindre 10 à 50 m3/s, projetant les galets contre les parois dans les puits-marmites et les entraînant dans des mouvements tourbillonnaires. Dans les puits importants, comme à Datiankeng (Hefeng), Xiaoshuidong (Changleping) ou dans le PuitsE / Puits W (Changbuxi), les galets sont projetés à plus de 20 m/s sur les parois et l'on peut observer les traces d'impact comme dans le puits incliné terminal de 70 m de Datiankeng. Le martèlement régulier par des galets de petite taille et les sables donnent un poli remarquable comme dans le puits hélicoïdal du Bobsleigh à Xiaoshuidong.
Cette érosion mécanique est d'autant plus importante que le cours d'eau transportent des galets de dureté supérieure au calcaire encaissant. Or, les rivières qui se perdent dans le karst traversent souvent des terrains variés et transportent donc, outre des galets calcaires et dolomitiques, des éléments siliceux comme les quartzites très dures du Dévonien. Par exemple, ces quartzites sont fréquentes dans le lit du canyon de la Songjiahe qui alimente Dadong (Wufeng). Pour apprécier l'érosion mécanique, il faudrait aussi étudier la turbidité et les particules de roches contenues dans l'eau des émergences en période de hautes eaux. Mais il faut garder à l'esprit que les grains de calcaires arrachés par érosion mécanique sont en partie dissous au cours de leur transfert tandis qu'une autre partie est piégée sous terre et dissous ultérieurement ou remis en mouvement.
B. Grottes perchées et décapitées par l'érosion
- Les tunnels décapités et salles éventrées par l'érosion sont les cavités les plus anciennes dans la mesure où elles sont perchées largement au-dessus du niveau de base. Elles sont déconnectées des systèmes karstiques actuels et constituent les témoins d'anciens systèmes en grande partie disparus. Dans le synclinal de Yanziping, on connaît ainsi un tunnel perché long de 200 m (Chuandong) qui débouche au sommet du canyon, au moins 300 m au-dessus de la résurgence de Wanrendong. Ce lambeau de réseau, perché à cause de la surrection, est sans doute antérieur au Quaternaire. Le cas de la grotte de la Banane (Dayanwu) au nord de Hefeng est identique.
Des grottes fossiles importantes peuvent être segmentées par effondrement de dolines qui rejoignent la cavité. Ce phénomène est très fréquent dans les karsts du Hubei et du Hunan et tous les stades d'évolution sont possibles. Le plus bel exemple est l'ensemble des grottes-tunnels recoupées du réseau de Sangzhi. Lorsque l'érosion est suffisamment avancée, les tunnels perdent leur plafond et il ne subsiste plus que des corridors que l'on peut suivre à la surface du karst, parfois séparés par quelques tunnels reliques. Les exemples les plus spectaculaires se situent dans le comté de Lichuan, à côté de la grotte de Tenglongdong. Des exemples identiques sont connus en Chine du Sud, notamment dans le Guizhou.
- Canyons et grottes perchées : Les relations entre la surrection et les grottes étagés peuvent être mieux étudiées sur les flancs des canyons car l'incision du cours d'eau recoupe des conduits karstiques à différents niveaux. Ces niveaux de grottes étagées sont en relation avec l'évolution du niveau de base contrôlées la surrection. Dans le Hubei, près de Wufeng, un des meilleurs sites est constitué par le canyon de la Songjiahe que nous avons pu remonter sur plusieurs km depuis le porche de Dadong. Sur les flancs de la gorge, nous avons découvert un premier niveau de grotte (2 cavités) vers + 40 m. Un niveau principal vers + 120 / + 150 m est le plus visible (4 grands porches) sur les deux rives. Ainsi, les réseaux fossiles les plus hauts dans la grotte de Dadong, comme la galerie de l'Oubli et la galerie des varves rouges, pourraient être contemporains de ce niveau. Des niveaux encore plus anciens existent beaucoup plus haut vers + 250 / + 300 m.
Plus à l'E, le canyon de la Chaibuxihe présente des grottes étagées identiques. On peut atteindre ce site par la route de terre qui conduit au Puits E / Puits W. Ce canyon recoupe selon un tracé en baïonnette l'anticlinorium de Changleping. Dans la partie supérieure que nous avons visitée, il entaille sur 250 m de profondeur les dolomies du Cambrien supérieur ; le lit présente encore des ressauts importants car nous sommes encore dans la partie amont et aucun écoulement n'est visible en saison sèche. Quelques km en aval, une source vauclusienne apparaît à 870 m en rive droite, mais l'eau transite directement dans le remplissage de galets. Plusieurs anciens niveaux de cavités ont été observés sur les flancs du canyon entre 950 et 1 200 m d'altitude.
Mais c'est dans le canyon immense de la Daninghe, affluent de rive gauche du Yangtse, que nous avons observé les plus hautes grottes perchées par rapport au niveau de base (comté de Wuxi, Sichuan). Les parois atteignent 1 500 m de haut et sont creusées dans la série calcaire du Permien. Des porches de très grandes dimensions ont été vus à plusieurs centaines de mètres au-dessus du lit et d'autres, plus petites, encore plus haut. Certaines sont actives et dégueulent des cascades de tufs comme celle du Cheval Blanc perchée 150 m au-dessus de la rivière en rive droite. Des conduits plus petits apparaissent plus bas juste au-dessus du niveau de la rivière. Le cas de la grotte du Cheval Blanc pose un problème génétique : soit il s'agit d'une cavité récente qui n'a pas rattrapé le niveau de base, soit il s'agit d'une cavité plus ancienne réempruntée par un cours actif.
C. Exemple d'évolution générale des réseaux dans les karsts de Wufeng et de Hefeng
L'âge et l'évolution des réseaux souterrains dans les karsts de Wufeng et de Hefeng peut être estimé d'après les critères de la géomorphologie externe, de la morphologie endokarstique et des dépôts.
- Le karst de Wufeng se développe principalement sur le vaste anticlinal coffré de Changleping qui s'allonge d'ouest en est. Dans les chapitres 8 et 9, nous verrons qu'il s'agit d'un relief qui s'est formé dans les calcaires cambriens et ordoviciens à partir du décapage de la couverture des flyschs du Silurien. Le soulèvement tertiaire, attesté par le creusement des canyons (Chaibuxi, Songjiahe) et l'assèchement d'un ancien réseau fluvio-karstique actuellement déconnecté et tronçonné entre 800 et 1 200 m d'altitude, prouve que les réseaux souterrains explorés (les paléokarsts anciens sont exclus) datent pour la plupart du Tertiaire moyen à supérieur et du Plio-Quaternaire pour les plus récents. Dans le comté de Zhijin, au Guizhou, nous avons montré que les niveaux du système de la Gebihe, étagés sur près de 400 m de dénivellation, étaient en relation avec la surrection régionale suite à l'épirogenèse himalayenne au Néogène (Gebihe 89, p. 181-182). Le cas du karst de Wufeng est identique, mais plus complexe compte tenu de la multiplicité des exemples de réseaux souterrains.
Les cavités tertiaires les plus anciennes sont représentées par les tunnels secs et grottes perchés recoupés par l'érosion sur le flanc des buttes et parfois en partie colmatées. Ces cavités subhorizontales correspondent à une période où le niveau de base était plus proche. Ainsi les divers niveaux de grottes (+ 40 m, + 120-150 m, + 300 m) repérés sur les flancs du canyon de la Songjiahe, en amont de la perte de Dadong, sur plus de 300 m de dénivellation, indiquent des stades d’enfoncement de la karstification en fonction de la surrection himalayenne au Néogène. Le même dispositif, avec porches étagés, existe dans la partie amont du canyon de Chaibuxi sur 250 m de haut. D'autres cavités anciennes, d'âge tertiaire, mais plus récentes que certains tunnels subhorizontaux, sont représentés par d'anciens gouffres-pertes, actuellement fossiles, comme Tiankengcao situé près de 200 m au-dessus de la perte temporaire du Puits E / Puits W.
- Le karst de Hefeng, qui se développe principalement sur les rebords du synclinal du même nom, présente une évolution semblable. Les pertes actuelles de vallées sont bien représentées par celle Datiankeng (- 333 m) au nord de Hefeng ou celle permanente de Xiaoshuidong (ou Nosedong) située un peu en aval de Yanziping. Le cas de la perte temporaire de Gandong-Zhaidong est plus complexe car elle associe à la fois une perte de vallée et une autre provenant d’une résurgence temporaire (Xiniudong ou grotte du Rhinocéros). Citons aussi les pertes temporaires du vaste poljé de Taiping localisée au SW de Hefeng. Tous ces exemples fonctionnels sont caractérisés par des réseaux burinés par l’érosion mécanique des eaux courantes et par l’absence de concrétionnement. Ce sont des cavités jeunes, essentiellement d’âge quaternaire. La mégaperte de canyon de Donghe est un exemple exceptionnel par la dimension de son tunnel qui est en fait un canyon souterrain parcouru en saison des pluies par un torrent impétueux de plusieurs dizaines de m3/s. Cette perte, fonctionnant au moins depuis le Quaternaire, recoupe un vaste réseau fossile plus ancien.


Karstologia Mémoires N° 6 Année 1995 DONGHE 92 - ISBN : 2-7417-0162-8