L'expédition Grottes et karsts de Chine... Sur les traces de Xu Xiake
Guizhou Expé 86 Sommaire

L'expédition



CHRONOLOGIE

1978 ...
Première démarche en direction de la Chine
1984-1985 ...
Nouvelle démarche très prometteuse, l'expédition se structure. Echange de courriers avec le Professeur Zhang
Shouyue (Academia Sinica Institute of Geology - Pékin).
Mars 1986 ...
Mission de reconnaissance par Monsieur Denis Vanberleere, à l'occasion d'un voyage touristique, dans la province du Guizhou avec Messieurs Zhang Shouyue et Song Shixiong.
Août 1986 ...
Accueil et rencontre de Monsieur Zhang Shouyue invité quinze jours en France, à son retour du congrès international de spéléologie à Barcelone.
10 Septembre 1986 ...
L'équipe quitte la France à destination de Pékin, à bord d'un 747 de  la compagnie Pakistan Airlines.
13 Septembre 1986 ...
Signature à Pékin du contrat avec la Snow Lotus Compagnie, contrat qui règle toute la logistique et le problème financier de l'expédition.
15 Septembre 1986 ...
Départ en train pour Guiyang, capitale de la province du Guizhou.
17 Septembre 1986 ...
Arrivée à Guiyang, réception par le Vice-gouverneur de la province.
20 Septembre 1986 ...
Voyage jusqu'à Anshun, notre première zone d'exploration.
22 Septembre 1986 ...
Début des explorations avec notamment l'investigation d'un de nos principaux objectifs : Xiangbi Dong.
25 Septembre 1986 ...
Fin des explorations dans la première zone, bilan : 10 cavités explorées soit 5.275 km de galeries topographiées.
26 Septembre 1986 ...
Voyage jusqu'à Zhijin,  deuxième zone de travail.
27 Septembre 1986 ...
Début des explorations, reconnaissance au village de Santang et de la grotte de Daji Dong.
1er Octobre 1986 ...
Fête Nationale de la République Populaire de Chine. Repos, chants, danses.
6 Octobre 1986 ...
L'investigation de notre deuxième zone de travail est terminée, bilan : 16 cavités explorées soit 16.117 km de galeries topographiées.
7 - 8 Octobre 1986 ...
Voyage jusqu'aux chutes de Huangguoshu, célèbre site touristique, repos ...
10 Octobre 1986 ...
Voyage jusqu'à Ziyun, troisième zone d'exploration.
11 Octobre 1986 ...
Début des explorations et reconnaissance du gouffre de Baïtong.
15 Octobre 1986 ...
Fin des  explorations de notre troisième zone de travail, bilan 10 cavités explorées soit 6.116 km de galeries topographiées.
16 Octobre 1986 ...
Voyage jusqu'à Luodian, quatrième et dernière zone d'exploration.
17 Octobre 1986 ...
Début des explorations avec notamment l'investigation de la zone de Daxiaojing, une des plus grosses résurgences au monde.
21 Octobre 1986 ...
Exploration du gouffre de Danghaï jusqu'à la cote -301 à neuf mètres de la plus profonde cavité de Chine !
24 Octobre 1986 ...
Les explorations dans cette zone sont terminées, bilan : 13 cavités explorées soit 12.644 km topographiés.
28 Octobre 1986 ...
Retour sur Pékin, en train.
31 Octobre 1986 ...
Départ en avion de Pékin en direction de Paris.
1er Novembre 1986 ...
Arrivée à Lyon où les amis sont nombreux à nous accueillir.- ^ -

GUIZHOU EXPE 86 ...

D'après le journal de bord de Jean-Pierre Barbary

10 Septembre 1987 ... LYON ...
Réveil  5h45 ...
C'est le grand jour, départ destination  CHINE ... aboutissement de longs mois de travail ...
Gare de la Part Dieu où les "au revoir" sont "embués", puis Orly, Pakistan Airlines ! C'est parti ! L'instant est si fort que l'on ne sait plus si c'est du bonheur ou de la tristesse Premier survol de l'hymalaya dans les brumes ... Que de rêves  et  d'appréhensions  se  bousculent  dans  nos  têtes ...
Enfin Pekin, nos amis chinois nous accueillent très chaleureusement. Nous avons du mal à réaliser que nous foulons le sol de la Chine ! Pourtant, les yeux grands ouverts notent milles détails insolites, c'est fabuleux ! Tourisme, démarches diverses, discussions seront au programme de notre séjour dans la capitale. Beijing est une ville étonnante, une impression curieuse et paradoxale de calme s'en dégage malgré la foule. Mais, les spéléos que nous sommes s'impatientent d'aller sur le terrain. Deux jours de train à 53 km/h de moyenne nous séparent encore de notre prochaine étape Guiyang, la capitale du Guizhou. De paysages en paysages, de tarot en tarot, nous nous rapprochons lentement de notre but. Déjà nous nous acclimatons au pays et à ses hommes.
Le Guizhou présente de superbes reliefs karstiques où s'éparpillent les maisons de pierres au toit de chaume. Comme à Pékin, nous sommes hébergés dans un hôtel, à Guiyang;  la cuisine y est plus épicée, mais l'équipe n'aura presque jamais à se plaindre de la nourriture durant l'expédition. Quelques points d'organisation logistique ô combien importants restent encore à régler, nous en profitons pour donner quelques communications aux membres de l'Association scientifique et technique du Guizhou.

... 20 Septembre ... ANSHUN ...
Le paysage est fabuleux, nous sommes dans la campagne chinoise pauvre mais très colorée. On peut voir étalés les piments rouge éclatant, le maïs, le riz, le thé ; les buffles se vautrer paisiblement dans l'eau, les femmes et les hommes battre le grain, les enfants jouer dans les rizières ...La moindre parcelle de terre entre les rochers est cultivée, quelle remarquable utilisation du karst !
Le karst, parlons-en, les découvertes ne manquent pas et les "explo" se succèdent. Nos amis chinois, rapidement initiés aux techniques, sont fantastiques sous-terre. Ils s'accrochent malgré leur âge et les difficultés des cavités.Il fallait voir Shi et Liu, les pieds couverts de boue, se tailler des marches dans les remplissages de glaise ;  Song et Wang qui au premier lac "sont passés à l'eau", Zhang  emmélé  à un frac ... Au fils des jours des liens d'amitiés se tissent, et, au travers de nos rencontres, dans les campagnes, nous observons la facilité surprenante de communication de ce peuple, quelle différence avec nos pays occidentaux...

... 26 Septembre ... ZHIJIN ...
Nous partons dans notre bus, comme à l'accoutumée, notre chauffeur nous fait quelques dépassements hasardeux ! Ce n'est pas une route, c'est une piste poussiéreuse au possible sur cent kilomètres au milieu de paysages tourmentés. A notre arrivée à Zhijin il pleut, c'est notre premier jour de pluie !
La région est  pauvre et fermée aux touristes, aussi, notre arrivée ne passe t-elle pas inaperçue pour ses habitants qui  n'ont jamais vu d'étrangers. A nouveau, comme dans chaque contrée où nous irons, il faut en passer par une longue discussion avec les autorités locales. Nous sommes devant les éternels thermos d'eau chaude et les tasses de thé! La découverte de cette nouvelle zone nous conforte dans l'impression de beauté, avec sa végétation particulière : conifères, bananiers, palmiers, tabac ...
Chaque soir, de retour à l'hôtel, après le repas et pour certains une bonne douche, il faut travailler sur les topographies et établir le planning du lendemain. Nous sommes rarement couchés avant 23 h.
Il pleut toujours ... Mais comme dit un proverbe chinois "Un mauvais signe précède toujours un bon signe", nous découvrirons le superbe réseau de Santang...

... 1er Octobre ...
C'est la fête nationale, nous nous accordons une journée de repos. L'équipe chinoise est à ce jour satisfaite du travail réalisé mais nos amis sont fatigués. Malgré leur bonne condition physique, ils accusent une baisse de "punch" ! La soirée sera riche : danses et chants des minorités nationales Miao et Buyi, nous chanterons quelques chansons ...
Après cette halte nous reprenons notre rythme. La  zone de Daji avec ses deux effondrements est vraiment magnifique, dommage que le temps soit "degueulasse" pour les photos, nous mitraillons malgré tout....
Faute de temps nous abandonnerons Daxiaocaokou, secteur pourtant prometteur avec deux puits parmi les plus gros volumes de la planète ... Nous laissons aussi le réseau de Santang et son énorme potentiel.
... De communications en explo, le temps s'écoule, nous sommes déjà à plus de la moitié de notre séjour !

... 7 Octobre ... HUANGGUOSHU ...
Nous quittons le comté de Zhijin duquel nous garderons un souvenir chaleureux... Le long voyage en car recommence, nos chauffeurs sont décidement uniques, ils ne savent pas se servir d'une boite à vitesse ! Nous arrivons à  Huangguoshu dans un très bel hôtel, accueillis par une  ravissante hôtesse ! Nos deux jours de repos sont agrémentés par de superbes  ballades autour des chutes. La vallée de la rivière blanche bénéficie d'un micro climat tropical ce qui n'est pas sans inconvénients, chaleur moite et moustiques ! Le temps pluvieux nous inflige un travail incessant sur les topos, travail très utile pour se mettre à jour ; bilan : 21.525 km de première ... La pluie toujours là risque de ralentir l'expédition, le moral est à l'eau.

... 10 Octobre ... ZIYUN ...
Nous laissons les chutes et traversons de superbes paysages noyés de brumes et de pluie jusqu'à Ziyun. Dans ce comté, les paysans ont  arrangé quelques routes et chemins pour  nous faciliter l'accès aux cavités. Nous sommes, ici aussi, les premiers étrangers à pénétrer dans cette contrée où les Miao et Buyi bénéficient de l'autonomie.  Nous aurons même la chance d'assister à des chants Miao, magnifique foule aux costumes de couleurs bariolées. Le spectacle offert par un cirque sera une expérience surprenante, quelle originalité ! Dans cette zone, pourtant très intéressante, toutes les équipes ont fini leur objectif, les gars sur le terrain ne trouvent rien de très sérieux, nous patinons comme sur les pistes, par manque d'objectifs nous perdons du temps ... La pluie ne nous permet pas de visiter la prometteuse zone de la  rivière Gebihe  ...
Pour les adieux nous pousserons à nouveau la chansonnette devant une assemblée de quatre cents personnes !

... 16 Octobre ... LUODIAN ...
Enfin le soleil ! Il fait littéralement exploser le paysage. Ici, notre dernier comté, où commence déjà la fin du voyage, nous abordons les questions d'avenir, le rapport de l'expédition, le voyage de nos amis chinois en France ... Heureusement, la chance est avec nous, les kilomètres de première défilent, nous atteignons les 40 Km.
Nous laisserons pourtant bien des mystères, la zone de Daxiao Jing peut occuper à elle seule des dizaines expéditions...
Le compte à rebours commence ...

... 25 Octobre ...
IL faut quitter le Guizhou et son karst. Les "au revoir" avec Song sont durs ...Nous réalisons, malgré la barrière de la langue, Song ne parlant pas un mot d'anglais, qu'une amitié solide est née...

Toujours les mêmes discussions, sur les perspectives d'avenir, combleront largement les deux jours de train pour le retour sur Pékin. Déjà les reliefs tourmentés du Guizhou, remplacés par la vaste plaine nord chinoise, ne font plus que partis de nos souvenirs ...Le dernier soir en Chine est arrosé largement autour de la "Fondue Mongole", repas d'adieux ...

Le matin du départ comme souvent dans la capitale il fait beau, le ciel est bleu, l'air sec et froid avec un  vent de mongolie ! Nous préparons nos sacs qui malgré tous les cadeaux ne doivent pas dépasser les 25 kg.  Dans le car qui mène à l'aéroport le silence est lourd...

Dernière photo, dernier au revoir ...
See you in France, May be ...

1er Novembre ... PARIS
Après 25 heures de vol, nous atterrissons à Orly ...
Le voyage se termine, au-delà du succès de l'expédition, nous gardons des impressions fortes de ce pays attachant et une envie, y retourner ...- ^ -

DÉROULEMENT

En préambule nous pouvons dire que notre expédition  dût s'adapter à deux contraintes : impossibilité de conduire, impossibilité de camper sur le terrain près des cavités. Aussi nous étions hébergés dans des hôtels avec les inconvénients que cela comporte (horaire des repas 19h environ), mais avec aussi des avantages qui se sont révélés très bénéfiques pour l'efficacité de l'expédition. Quant au transport il pose un réel problème : les explorations dépendent des chauffeurs qui sont fonctionnaires et respectent  leurs  horaires de travail précis !
Chaque jour tous les membres de l'expédition étaient soit sous terre, soit en reconnaissance, répartis le plus souvent en petites équipes mixtes autonomes de 3 à 4 personnes (repas de midi, matériel spéléo et topographique) avec pour chacune d'elle un objectif très précis. La moyenne passée sous terre pour une sortie était de 6h. Cela peut paraitre peu mais suivi de façon continuelle, aidée il est vrai par des marches d'approche courtes et des conditions matérielles très bonnes (pour cause !), cette organisation s'est révélée très rentable. Pour accéder aux cavités le réseau routier est par contre un sérieux handicap. Dans la province du Guizhou, les pistes rendent la circulation difficile, lente et dangereuse, qui plus est les jours de mauvais temps, particulièrement dans le comté de Ziyun où certains jours le temps passé sur les pistes fut supérieur à celui passé sous terre. Nous avions à disposition un mini-bus de 22 places et deux toyotas 4x4 de 7 places, pas toujours idéal pour l'acheminent des nombreuses équipes sur place. Dans certains comtés, les autorités locales nous ont gentiment prêté un ou deux véhicules supplémentaires, facilitant ainsi le déroulement des explorations.
Toute la partie logistique a été confiée à la Snow Lotus Compagnie de Beijing, cette solution s'est révélée correcte mais onéreuse. Aussi nous pensons dans le futur nous dispenser des services d'une compagnie de Pékin, et confier la logistique aux organismes locaux, ce qui reviendrait nettement moins cher pour un service plus adapté.- ^ -

Deux comtés ont été spécialement ouverts pour l'expédition, dans ces régions encore interdites aux étrangers, l'ouverture ne peut-être que lente et progressive. Mais la volonté des chinois est réelle et dans les années à venir d'autres régions s'ouvriront sans doute. Nous pensons qu'actuellement une expédition en Chine doit, pour réussir, avoir au moins deux qualités : une grande faculté d'adaptation, de la patience et aussi de nombreux autres arguments !- ^ -

Jean-luc Moudoud

Spelunca Mémoires N° 16 Année 1988 GUIZHOU EXPE 86 - ISSN : 0249-0544