Enregistrement des changements climatiques et de l'anthropisation dans les remplissages endokarstiques
Résumé - Abstract - : Les remplissages détritiques sont abondants dans les cavités actives et fossiles des karsts de Chine centrale. Dans le réseau de Dadong (Wufeng), deux coupes ont été étudiées. La coupe ancienne est représentée par un dépôt stratifié de 25 m qui a enregistré un changement hydroclimatique important remontant au Quaternaire moyen ou ancien. La coupe récente montre une séquence de limons, épaisse de 25-30 m, dont la base est datée par un tronc fossilisé (18 590 ± 160 ans BP). Ces dépôts constituent des indicateurs des rythmes saisonniers enregistrés dans les varves. On observe aussi des remplissages souterrains riches en charbons de bois (Yanziping, Hefeng) qui attestent, comme les remplissages de poljés, de l'influence de l'homme dans la destruction de la couverture forestière et l'érosion des sols au cours des derniers millénaires. Certains correspondent à une grande période de déstabilisation liée à l'exploitation des forêts pour la métallurgie de l'acier avant 1958. D'autres sont contemporains des grandes mises en cultures de la période maoïste.
Mots-clés : karst, remplissages, varves, datations, environnement, paléoclimat, déforestation, érosion, sol.
Les karsts subtropicaux de montagne du Hubei, en Chine centrale, sont situés entre 29 et 31° de latitude nord (alt. 200 à 2000 m) (fig. 1). La morphologie générale est différente des karsts tropicaux classiques de Chine du Sud à tourelles et plaines karstiques du Guangxi et à champs de pitons et dépressions du Guizhou (fenglin) (Zhang Shouyue, 1979, 1987 ; Sweeting, 1995). Les karsts du Hubei sont surtout des karsts à cônes se développant sur le flanc des plis. Les cavités sont représentées par des grottes-tunnels (actives, semi-actives ou sèches) et des gouffres-pertes localisés dans les poljés (Barbary, Zhang Shouyue, Maire et al., 1991). Cette région continentale constitue ainsi une zone favorable pour enregistrer les modifications de l'environnement et du climat en raison d'un climat contrasté : mousson d'été venant de la mer de Chine et descente des masses d'air polaires en hiver. Les remplissages détritiques souterrains étudiés proviennent en grande partie du soutirage d'éléments exogènes. Les remplissages anciens traduisent une rupture paléoclimatique tandis que les remplissages les plus récents répondent à un déséquilibre climatique et/ou anthropique. Dans le réseau de Dadong (comté de Wufeng), deux grandes coupes illustrent ces deux types et montrent que les karsts du Hubei ont favorisé l'enregistrement des changements climatiques. Il existe aussi des remplissages souterrains riches en charbons de bois (comté de Hefeng) qui attestent l'influence de l'homme dans la destruction de la couverture forestière et l'érosion des sols au cours des derniers millénaires. Certains correspondent à une grande période de déstabilisation liée à l'exploitation des forêts pour la métallurgie de l'acier avant 1958 ; d'autres sont contemporains des mises en cultures de la période maoïste (Maire, 1991 ; Pomel et Maire, 1995) .
1.1 - LE CONTEXTE GEOLOGIQUE
Les karsts de montagne du Nord Hunan et du Sud Hubei se développent dans une structure plissée appartenant à une unité géotectonique majeure, la paraplate-forme du Yangtse, qui couvre la presque totalité du bassin-versant du fleuve Yangtse (ou Changjiang) (Zhang Shouyue et Maire, 1995). Le socle est recouvert par des terrains sédimentaires épais commençant par les molasses, tillites et dolomies du Sinien (Protérozoïque supérieur) visibles dans les Trois Gorges du Yangtse. La série carbonatée, de plusieurs milliers de mètres de puissance, va du Sinien au Trias moyen. La couverture primaire et secondaire est constituée principalement par des dolomies et calcaires marins (faciès de bassin et de plate-forme) et des basaltes continentaux. Les terrains tertiaires sont représentés par des conglomérats et des couches rouges localisés dans des bassins intramontagnards. D'après les récentes études sur les "couches rouges" tertiaires de Chine, des corrélations peuvent être faites grâce à l'étude des fossiles (vertébrés) et microfossiles (pollens, spores) (Yang Zunyi, 1986). Les phases orogéniques anciennes, du Précambrien supérieur et du Paléozoïque, sont peu visibles dans les karsts de Chine. Les terrains du Protérozoïque supérieur (Sinien) et du Paléozoïque inférieur (Cambrien, Ordovicien) ont été plissés à la fin de l'Ordovicien : c'est le plissement calédonien supérieur (Gulangien). Des indices de karstification (poches), datant probablement de l'orogenèse calédonienne, ont été découverts dans les calcaires du Cambrien supérieur (grotte-gouffre de Tiankengcao, Wufeng / Hubei) (Zhang Shouyue, 1989 ; Zhang Shouyue et Maire, 1995). Au Paléozoïque supérieur, la majeure partie de la plate-forme du Yangtse est émergée et connaît l'orogenèse hercynienne : phase du Qilianien au début du Dévonien et phase du Tianshanien au Carbonifère. Au Trias supérieur, l'orogenèse indosinienne (Indonésien 1) se traduit au début par la sédimentation de couches rouges dans les fosses bordières. Le grand cycle orogénique de Yanshan (Yanshanien), subdivisé en trois phases, est capital car il est responsable du maillage structural, de la structure plissée et de l'ensemble de la karstification des karsts de Chine centrale et méridionale. La première phase de Yanshan se produit à la fin du Jurassique, la seconde au cours du Crétacé et la troisième à l'Eocène ; cette dernière est responsable du dépôt de conglomérats et d'altérites rouges caractéristiques dans les bassins. A la fin du Mésozoïque, la partie orientale de la paraplate-forme du Yangtse a été affectée par un magmatisme à grande échelle (essentiellement des granites, volcanisme rare). Au cours du Tertiaire, l'orogenèse himalayenne se manifeste par une surrection généralisée (épirogenèse) de la paraplate-forme du Yangtse. La première phase himalayenne a lieu à l'Oligo-Miocène et la seconde au Plio-Quaternaire et correspondraient dans les Alpes aux phases savique et rhodanienne. Cependant, d'après les dernières données géomorphologiques que nous avons récoltées sur les karsts de Wufeng notamment (fluvio-karst perché, creusement des canyons), il semble que la deuxième grande phase tectonique himalayenne débute au Miocène supérieur pour se poursuivre au Plio-Quaternaire.
2.2 - LE CONTEXTE BIOCLIMATIQUE
Ces régions karstiques de Chine centrale sont soumises à un climat subtropical humide de montagne, à saisons contrastés, en raison du régime de mousson et de la situation continentale. L'été est très chaud, humide et concentre 70 % des précipitations annuelles si l'on inclut le printemps. Ces montagnes ont donc le privilège d'être au contact des climats tropicaux et tempérés, d'où un climat subtropical de montagne très particulier caractérisé par des étés très chauds et des hivers rudes. L'effet de la continentalité se manifeste par la descente des masses d'air froides polaires qui ont joué un rôle considérable au cours des cycles climatiques quaternaires, avec notamment une influence nette du gel et de la neige. L'absence de barrière climatique est aussi à l'origine d'un remarquable mélange des végétations alpine, tempérée et tropicale. Les sols et les remplissages des dépressions et des poljés sont également très intéressants à étudier car ils ont enregistré une longue histoire et notamment le rôle de l'homme dans le façonnement des paysages agraires depuis des millénaires et plus. Ces karsts de montagne, situés au coeur de la zone de peuplement de la Chine, ont servi de zones refuges, de milieux de vie et de survie, depuis le Paléolithique comme l'attestent déjà certaines fouilles préhistoriques et maintenant l'étude des remplissages souterrains. Par la suite, ils ont été au coeur des puissantes révoltes paysannes qui ont fait basculer l'empire des Ming. Cette intime relation entre l'homme, le karst et les grottes est probablement l'aspect le plus remrquable des karsts de Chine compte tenu de l'ampleur continental des paysages et de l'importance des populations qui y vivent.
Le réseau de Dadong, situé dans le comté montagneux de Wufeng, a été exploré sur plus de 11 km (fig. 2). Il débute par un porche de 100 m de haut s'ouvrant à l'extrémité d'un canyon aveugle absorbant des débits de 20 à 40 m3/s lors de la mousson d'été (photo 1). La coupe se situe à l'extrémité E du réseau, dans une galerie sèche, perchée 90 à 100 m par rapport à l'entrée. Le dépôt est constitué par un remplissage détritique rythmé remarquable par ses dimensions : 50 m de large sur 25 m de haut (fig. 3).
2.1 - LITHO-STRATIGRAPHIE (fig. 3)
On observe deux parties très différentes : un ensemble inférieur clastique constitué par des blocs et un ensemble principal rythmé à limons varvés et lits de graviers. Une couche terminale de sables, de 1 à 2 m d'épaisseur, subsiste sur le bord nord de la coupe. L'ensemble inférieur est formé par un entassement de blocs métriques provenant de l'évolution des voûtes. Il s'agit de calcaires ordoviciens recouverts par des limons et argiles varvés dont les couches épousent la surface chaotique. L'ensemble inférieur est riche en graviers, certains cimentés, avec de nombreux chenaux. Vers la base de la formation, on observe des blocs cimentés dans les varves et surtout un niveau caractéristique avec des débris de spéléothèmes remaniés. L'ensemble principal est rythmé sur 20 m d'épaisseur avec une alternance de couches de graviers et de couches de limons décarbonatés gris et rouges. De nombreux niveaux d'oxydo-réduction sont visibles, surtout dans la partie inférieure plus grossière. On observe quatre sous-ensembles : (1) une séquence sableuse terminale, de 1 à 2 m, ne subsistant qu'au centre et sur le bord nord de la coupe (non visible sur la figure) ; (2) une séquence de 0 à 6 m formée par l'alternance de 26 couches de graviers et 26 couches de limons fins varvés ; les lits de graviers et les limons varvés sont teintés en rouge à partir de 4 m ; (3) une séquence homogène, de 6 à 12 m, formée presque exclusivement par des limons varvés gris et rouges ; les lamines rouges mesurent de 1-2 mm à 5-10 mm d'épaisseur chacune ; cette séquence homogène est caractérisée par des processus d'oxydo-réduction ; (4) une séquence de 12 à 20 m à alternance de lits de graviers et de limons varvés ; tous les lits de graviers (15 à 30 cm) ont une matrice teintée en rouge, en revanche, les couches de varves (15 à 40 cm) sont presque uniquement grises entre 13 et 20 m (photo 2).
2.2 - ANALYSE SEQUENTIELLE ET MICROMORPHOLOGIQUE
Un levé et un échantillonnage ont été réalisés en 1989 sur l'ensemble de la coupe et en 1992 un prélèvement en continu a été effectué dans la partie centrale de l'ensemble principal. On dispose ainsi d'un nombre important de lames minces qui permettent d'avoir une bonne idée de la micromorphologie des microséquences varvés, des sous-ensembles stratifiés et des niveaux de graviers. L'étude micropétrographique et les analyses granulométriques et pédologiques permettent les observations et les conclusions suivantes en partant de la base de la coupe : - Vers 20,50 m, les sédiments au contact avec les blocs montrent des graviers cimentés avec infiltration d'argiles ferrugineuses. Ensuite les lits sont composés de silts quartzeux (54,5 %) avec de la matière organique qui s'organise en lamines avec des alternances de films plasmiques argileux condensés. Il s'agit de niveaux saisonniers de décantation avec des unités annuelles régulières de 180 à 112 µm d'épaisseur. - Vers 18,70 m, le niveau de graviers présente une matrice rouge et noire, silto-squelettique quartzeuse avec des argiles micacées (CaCO3 = 0,6 %). On observe des auréoles de fer autour des graviers et une deuxième génération de ciment ferrugineux corrodant également le ciment fin. Cette corrosion in situ s'observe dans tous les niveaux à graviers et atteste la circulation d'eaux acides. - Vers 18,45 m, un niveau rouge et gris varvé montre à la base des varves silto-squelettiques granoclassées avec des lits d'argiles biréfringentes (varves grises), puis des varves rouges plus argileuses. Les lamines rouges sont riches en particules de sols, en éléments de roches ferrugineuses et en sablons calcaires ocres roulés. - Vers 16,10 m, on observe une alternance de varves grises et rouges. Les varves grises sont homogènes, silto-quartzeuses (57 % de limons fins), granoclassées avec des lits argileux planaires. Les varves rouges, moins argileuses, sont très peu granoclassées et montrent des niveaux de décantation avec des sablons carbonatés et des films argileux. - Vers 12,75 m, on retrouve un lit de graviers à matrice rouge. Là encore, on observe la forte dissolution des graviers post-dépôt et liée à la néoformation de fer bactérien. La dissolution affecte aussi le ciment silto-squelettique. La microséquence montre : 1) cimentatation silto-squelettique, 2) dissolution, 3) néoformation de fer plasmique cryptocristallin. - Vers 8,75 m, on observe des lentilles rouges avec auréoles de fer et manganèse. - Vers 8,60 m, une séquence de varves grises et rouges est organisée en lamines (limons fins 57 %). On distingue des lamines à granoclassement inverse qui se terminent par des silts très fins de quartz pur et un film argileux, puis un plasma argileux et détritique plus grossier avec des sablons carbonatés et des pelotes d'argiles de fer et de manganèse. Les microséquences annuelles attestent un fonctionnement saisonnier avec dominance d'un régime d'hiver. - Vers 7,50 m, on observe des lentilles ferrugineuses rouges. - A partir de 7,30 m, le type de sédimentation change légèrement, la médiane passant de 0,6-0,4 mm à 0,2-0,1 mm. Un niveau de lentilles rouges est constitué par des colonies ferro-bactériennes (sulfato-bactéries probables) qui ont participé à l'oxydation des argiles ocres (goethite) et à leur transformation en argiles plasmiques sans motifs de biréfringence. - Vers 7,10 m, l'alternance de varves grises et rouges se poursuit et vers 7,00 m on observe une alternance classique avec un granoclassement à éléments carbonatés dans certains niveaux (CaCO3 = 1,5 %). - Vers 6,30 m, des varves grises à la base montrent un granoclassement avec une médiane forte (1 mm) et plus de 15 % de sables grossiers. Le squelette est composé de paillettes de micas, de quartz et de carbonates rares. On observe des particules de matière organique mélanisée et des tests végétaux. La microséquence type montre un système de doublet constitué par une lamine de saison favorable avec des sablons et une lamine silto-détritique fine séparée par une pellicule condensée, signe d'assèchement. 4 ans sont enregistrés sur 7,8 mm soit 1,95 mm/an. - Vers 6,15 m, des lentilles rouges dans des varves grises montrent des microlamines de silts fins clairs alternés à des microlamines de silts à pelotes argileuses rouges. Le granoclassement est très fin avec quelques rares quartz plus grossiers. Le doublet annuel est constitué par une lamine à sablons (avec une pellicule condensée qui atteste un asséchement et une décantation) et par une lamine granoclassée vers le plus grossier. Cinq années sont sédimentées sur 7,2 mm, soit 1,44 mm/an. - Vers 0,43 m, on observe des passées plus grossières (8,5 % de ballast) enrichies en limons grossiers (46 %). L'alternance de varves rouges et grises est marquée par le granoclassement des lamines claires avec des quartz fins hydroéoliens. Le système atteste surtout un fonctionnement de saison froide, avec 5 à 6 ans sur 7,2 mm, soit 1,2 à 1,4 mm/an. Le doublet annuel est formé par une lamine avec augmentation de la granulométrie durant la saison froide et une lamine condensée avec assèchement et développement bactérien . - Vers 0,15 m, un niveau de graviers à matrice grise est très riche en ballast (59,9 %), en sables grossiers (65,4 %), très pauvre en limons (6,5 %) et totalement dépourvu de matière organique. - Dans la partie supérieure, un niveau sableux rythmé est marqué par des sables hydrauliques moyens et fins (11,3 et 26,1 %), très bien classés (So = 1,4). - La partie superficielle est constituée d'une poudre blanche de sables et limons carbonatés et de limons fins de nitrates liés à l'exploitation des fours à chaux.
3.3 - INTERPRETATION PALEOCLIMATIQUE
Les séquences détritiques se forment dans les réseaux en fonction des contraintes géométriques des parois (barrage lacustre) et du régime hydroclimatique. Le soutirage des sols rouges joue un rôle majeur dans la contamination des lits de graviers et de limons. Cette érosion est liée à une déstabilisation des couvertures provoquée par une rupture climatique : l'alternance saison sèche / saison humide est très contrastée et s'est produite dans un contexte froid, illustré par une alternance de décharges détritiques fines et grossières. Cette érosion de la couverture pédologique est liée à un changement climatique brutal enregistré par l'ensemble de la séquence qui représente une période de plusieurs millénaires ou plus. L'étude d'un profil d'altérites, au-dessus de la grotte de Dadong, montre que les sols rouges proviennent de l'altération de l'Ordovicien schisteux. Sur 4 m d'épaisseur, on observe un puissant horizon d'altération argilo-limoneux, orange-rouge à jaunâtre. Des blocs altérés d'Ordovicien schisteux flottent dans le profil de même que de nombreux petits fragments rouges (oxydation du fer). Les grandes crues, responsables des couches de graviers à matrice rouge, indiquent un décapage des sols. L'alternance saison sèche / saison humide est très contrastée et s'est produite dans un contexte froid. La signification hydroclimatique de la séquence de Dadong est illustrée par une alternance de décharges détritiques fines et grossières. Une première indication est apportée par la morphologie des varves de la base de la coupe. On observe une succession de grosses lamines gris-beige et ocre ou rouge. A 19,50 m, par exemple, le couple lamine grise / lamine rouge mesure 5 cm + 4 cm d'épaisseur. Au milieu de la coupe, la séquence intermédiaire de varves grises et rouges, notamment entre 10 et 6 m, montre qu'il s'agit d'une sédimentation relativement longue sans aucune décharge de graviers. Si les varves sont annuelles (2 cm en moyenne), la séquence intermédiaire correspondrait à une période de deux siècles environ. Les 58 décharges de graviers correspondent à chaque fois à une seule grande crue. L'interprétation détaillée de la coupe indique que ces décharges varient dans l'espace et dans le temps. La première séquence, de 20 m à 12 m, montre 22 lits de graviers séparés par des couches de varves centimétriques (1-5 cm) à décimétriques (15-40 cm). Entre 18,50 m et 16,50 m, les couches de graviers sont rapprochées et pourraient être annuelles, tous les deux ou trois ans ou au mieux décadaires. Le régime hydroclimatique est contrasté. La deuxième séquence, de 12 m à 6 m, présente seulement quatre à cinq petits lits de graviers situés entre 11 m et 10 m. Le régime hydroclimatique, moins contrasté, se stabilise. La troisième séquence, de 6 m à 0 m, montre à nouveau un régime hydroclimatique contrasté, très régulier entre 3,50 m et 0,60 m. Entre 0,40 m et 0 m, la couche de graviers est séparée par 3 niveaux de limons jaunes de 15 mm chacun. Les argiles ferrugineuses à goethite sont issues des dépôts turbides et de l'érosion des sols pendant une période de découverture végétale, avec une saisonnalité contrastée à dominance hivernale froide et des crues d'hiver. Après cette période froide, à saisons très contrastées, le climat a changé à l'extérieur et dans la grotte : les conditions thermiques sont devenues plus chaudes et la couverture végétale a pu se reconstituer, les sulfates pouvant provenir de la roche lessivée et des marécages. Cet environnement correspond également à une fourniture de matière organique qui est à l'origine d'un développement des sulfato-bactéries et une oxydation des produits ferrugineux, c'est-à-dire une transformation de la goethite en hématite par la fourniture d'oxygène. La circulation d'eaux riches en humates de fer a engendré dans l'ensemble du profil des processus d'oxydo-réduction et le dépôt de manganèse et de complexes humo-ferrugineux durant une période à pluviométrie abondante avec une saisonnalité d'été de type mousson. Ce résultat est remarquablement bien enregistré dans les néogenèses qui affectent le dépôt.
4.4 - AGES U/TH ET TEPHROCHRONOLOGIE
Deux stalagmites ont été prélevées à l'extrémité de la grande galerie sèche qui recoupe le remplissage. Par leur position, ces concrétionnements sont postérieurs à la coupe varvée. Il s'agit d'une calcite blanche, microstratifiée et très compacte. La teneur en uranium est élevée (6 à 9 ppm). Les deux âges U/Th sont de 12 600 ans (+ 400, - 300) et 16 300 ans (± 1 100) (CERAK, Y. Quinif, Mons). Ces dates récentes ne permettent pas de caler avec précision vers le haut l'âge de la coupe détritique de Dadong qui est nettement plus ancienne. En effet, le remplissage a enregistré à la fois une séquence détritique de période froide, puis une immobilisation du dépôt avec un changement climatique chaud. Il faudrait placer la formation de cette grande séquence au moins dans le Quaternaire moyen ou ancien en raison des arguments pétrographiques et géomorphologiques (Pomel et Maire, 1995). Des poussières volcaniques, sous forme de minéraux aciculaires ou automorphes (en particulier augite aegyrinique), sont piégés dans les lamines grise de saison clémente à carbonates et quartz éoliens dans les niveaux supérieurs à varves grises vers - 43 cm. Il pourrait s'agir de contaminations atmosphériques distales liées aux apports de la mousson malaise durant une période où elle commençait à s'installer. Les grandes calderas des Philippines ou d'Indonésie sont à mettre en cause, mais dans l'état actuel de nos connaissances, il n'est pas possible de préciser un âge, tant est grand l'éventail d'attribution et incertaine la chronologie initiale des arcs volcaniques insulaires.
Cette coupe très importante, de 20 m d'épaisseur, se situe dans la branche aval du réseau de Dadong, en rive gauche de la deuxième grande salle, dite salle des varves marrons, vers - 100 m (fig. 2).
3.1 - LITHOSTRATIGRAPHIE (fig. 4)
Le dépôt, de teinte marron foncé, constitue la moitié de la salle en rive gauche. Il forme un talus incliné à 45°, haut de 15 à 25 m et long de 100 m au moins. Il a été recoupé par le cours actuel du torrent temporaire qui s'engouffre dans le porche de Dadong pendant la saison des pluies. Le débit de la rivière, sans doute supérieur à 10 ou 20 m3/s pendant les fortes crues, a formé un dépôt de galets grossiers épais de 3 m. Quand on s'approche du talus, là où il est recoupé verticalement, on observe que le dépôt est finement stratifié et repose sur un dépôt grossier plus ancien. Dans le détail, on observe : - une séquence inférieure de graviers stratifiés épaisse de 2 ou 3 m minimum ; - une séquence laminée de base constituée de niveaux rouges et de varves grises sur 1,50 m ; - une séquence principale de limons marrons finement rythmée de 20 m de puissance. Un morceau de tronc d'arbre long de 40 cm est scellé à la base de la séquence de limons marrons. Ce bois flotté a été transporté par une crue et pris dans le remplissage. Il constitue un jalon chronologique fondamental (C14) (photos 3 et 4).
3.2 - DESCRIPTION MICROMORPHOLOGIQUE ET ANALYSE DES LAMINES
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